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Essai sur la péricope du « lavement des pieds » selon saint Jean


Dans le cadre de la Semaine de Prière pour l'Unité des Chrétiens, commande faite par le groupe oecuménique de la communautés de paroisses de SARRALBE (57).


Libre commentaire de type "mystagogique" du récit du Lavement des pieds d'après l'Evangile selon saint Jean ( Jn 13, 1-20).

Texte imprimé et rendu public en la paroisse de RECH le 21 janvier 2014.


« Lavement des pieds » (1618)




Il suffit de lire le texte lentement, de s’arrêter un moment en silence, puis de lire aussi lentement le commentaire.




01 Avant la fête de la Pâque,

sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus,

ayant aimé les siens qui étaient dans le monde,

les aima jusqu’au bout.



La manière dont Jean introduit la scène est curieuse, car elle semble déjà inaugurer le mystère de sa mort sur la Croix.

Ce qui va se jouer dans cette scène est capital pour manifester le mystère de la Rédemption, de même que la manifestation de l’Amour de Dieu.



02 Au cours du repas,

alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer,



Même, si le mystère de la Rédemption va se manifester,

même si l’amour de Dieu va se manifester,

la part de péché de l’homme n’en est pas pour autant enlever.


Comme si l’amour et la rédemption de l’homme allaient être connus,

par le péché d’un homme.


03 Jésus,

sachant que le Père a tout remis entre ses mains,

qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu,



Ce verset est un résumé du prologue de saint Jean,

qui nous avait montré que le « Verbe » était avant la création du monde,

et que c’est PAR LUI que Dieu le Père a créé le monde.

Jésus vient de Dieu et à partir de ce moment-là,

il est déjà en train de retourner vers son Père.

C’est déjà une réalité du Ciel qui va se manifester.



04 se lève de table,

dépose son vêtement,

et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ;



C’est au cours du repas qu’il lave les pieds…

Curieuse idée, car cela aurait être avant d’entrer à table.

On se purifie avant de se mettre à table.


Ainsi le lavement des pieds dépasse le simple code de purification rituelle.

A travers cela, il va y avoir une nouvelle interprétation.

Saint Jean prend soin de noter tous les détails concrets

avant de raconter le geste du lavement des pieds...


En prenant son temps, saint Jean semble ménager un suspens.

Nous sommes en présence d’un « dévoilement ».

Quelque chose est en train de se dévoiler au delà des gestes concrets.



05 puis il verse de l’eau dans un bassin.

Alors il se mit à laver les pieds des disciples

et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.



Jésus en vraiment en train de se dépouiller !

Il s’abaisse !

Avec l’instance des détails du geste, prenons vraiment un moment de silence pour nous représenter ce moment.

Peut-être pouvons-nous même penser au geste qui a été vécu dans l’église…

(silence)


Cet abaissement du Christ,

annonce déjà la déposition et le partage du vêtement au moment de la crucifixion.



06 Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit :

« C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? »



Pierre réagit.

Il semble être le seul à être choqué.

Le Maître, laver les pieds ?

Nous avons une réelle inversion des rôles.

Le maitre prend la place de l’esclave.



07 Jésus lui répondit :

« Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ;

plus tard tu comprendras.»



Curieuse réponse de la part de Jésus.

Avec la réaction de Pierre,

on peut comprendre que ce dernier a bien compris ce qui est en jeu : l’inversion des rôles.


Le Maître prend la place de l’esclave.

Le geste du lavement des pieds est assez signifiant pour être même évident.

Il va donc y avoir une nouveauté radicale qui va se manifester à travers le lavement des pieds, qui va dépasser le simple geste des esclaves.



08 Pierre lui dit :

« Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! »

Jésus lui répondit :

« Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. »



Pierre résiste !

Et Jésus est tout aussi radical :

le lavement des pieds n’est pas un geste à option : il est constitutif même de l’œuvre du Salut.


Il n’y aura pas de part au ciel, si on ne se laisse pas laver les pieds par le Seigneur.

Mais alors qu’est-ce qu’il signifie ?


09 Simon-Pierre lui dit :

« Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! »



Pierre, par ironie, semble rester dans la simple interprétation directe.

C’est une question de lavement corporel, et rien de plus.

Jésus devient un simple esclave qui nous lave, comme n’importe quel serviteur le ferait.



10 Jésus lui dit :

« Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver,

sinon les pieds : on est pur tout entier.

Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. »



Jésus fait un pas de plus

Il montre qu’il ne s’agit pas d’une simple question d’hygiène corporelle. Mais bien d’une question de PURIFICATION.


Comme Jésus fait l’allusion à la non pureté de Judas, on peut en déduire que lavement des pieds anticipe la purification du péché.

Jésus se révèle déjà comme celui qui va « laver du péché.

A travers ce geste, c’est la dernière prophétie de Jean-Baptiste qui s’accomplit :

« Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ! ».


Ce qui se passe au cours du repas,

ce qui va se réaliser à travers le geste du lavement des pieds :

c’est l’œuvre du Salut qui va se manifester.


Le lavement des pieds peut être considéré alors comme un « SIGNE »

qui va manifeste la Nouvelle Création dans la Christ.

Jésus va nous laver du péché !



11 Il savait bien qui allait le livrer ;

et c’est pourquoi il disait :

« Vous n’êtes pas tous purs. »



Et pourtant, en connaissant le cœur de Judas, Jésus lui lave les pieds aussi !

Avant même de connaitre sa faute, Judas reçoit le signe d’un pardon futur.

Avant même de commettre le péché, Jésus lui révèle déjà qu’Il est MISERICORDIEUX.


Il facile de laver les pieds des amis, de ceux qui nous ont pas fait de mal.

Mais laver les pieds,

montrer un signe de miséricorde envers celui qui va plus tard nous faire du mal…

C’est un geste éloquent, et d’un amour sans limite !


Sans limite parce que dans la situation, il est absurde !


12 Quand il leur eut lavé les pieds,

il reprit son vêtement,

se remit à table et leur dit :

« Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ?



La minutie de saint Jean,

à décrire la reprise du repas est elle aussi importante.

Elle manifeste bien la focalisation visuelle sur le geste.

Nous ne pouvons pas nous soustraire à l’imagination de cette scène.

Prenons un moment de silence pour se l’imaginer…



13 Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”,

et vous avez raison, car vraiment je le suis.



En rappelant ses 2 titres et en les confirmant, Jésus ne tombe pas dans la démagogie.

Même s’il prend la place de l’esclave, il n’en est pas autant devenu un insultant plagiat.


En prenant la condition de serviteur et d’esclave,

Jésus montre que le Salut qu’il est venu accomplir ne passe pas par des sentiers communs.


Cela anticipe déjà le dialogue entre Jésus et Pilate concernant son identité.


Seul le centurion le confessera au moment où il rendra officiel son décés :

au moment même où Jésus sera l’esclave rejeté, au moment même où il sera mort, et où le sang et l’eau seront versé,

à ce moment-là les yeux du Centurion s’ouvriront,

et va le reconnaitre comme Fils de Dieu,

comme « Maître et Seigneur ».


14 Si donc moi, le Seigneur et le Maître,

je vous ai lavé les pieds,

vous aussi,

vous devez vous laver les pieds les uns aux autres.



Jésus consacre le service comme un élément constitutif de la future communauté chrétienne.


A travers le geste du lavement de pieds,

c’est toute la vie fraternelle dans le service qui est élevée à ce commandement.


Le geste du lavement des pieds

sera le moyen de manifester que Jésus nous invite à nous aimer les uns les autres.


Mais comme nous avons pu constater que ce geste

manifeste une dimension qui va au-delà de la dimension philanthropique.


La future communauté,

en se lavant les pieds les uns les autres,

manifestera qu’elle vit du pardon et de la Miséricorde.


Comme le geste du lavement des pieds anticipe l’œuvre du salut accomplit par Jésus,

et du « lavement des péchés »,

ainsi la communauté chrétienne devra vivre dans le pardon mutuel ;

un pardon qui se donne avant même que la faute ne soit commise.


Finalement, le geste du lavement des pieds nous invite,

dans cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens,

à vivre concrètement le pardon et la miséricorde, entre nos églises respectives.


La vie fraternelle et le service manifestent concrètement que nous vivons de la Miséricorde et du pardon de Dieu, que nous en sommes ses artisans.



15 C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez,

vous aussi,

comme j’ai fait pour vous.



Le lavement des pieds entre les disciples manifestent que c’est bien le Christ qui agit.

Ce geste devient un « SIGNE » qui nous révèle la présence agissante et Miséricordieuse du Christ, à travers la vie de nos Eglises.


16 Amen, amen, je vous le dis :

un serviteur n’est pas plus grand que son maître,

ni un envoyé plus grand que celui qui l’envoie.



Jésus confirme que le lavement des pieds est un « SIGNE » qui manifeste son action dans son histoire.


Ce n’est pas un geste commun de philantropie,

mais dans l’exercice philanthropique,

c’est Jésus lui-même qui manifeste sa présence cachée.


En perpétuant ce geste du lavement des pieds,

nous attestons que nous sommes bien des disciples du Seigneur.

Et qu’il serait bien imprudent de se sentir au dessus de lui.



17 Sachant cela,

heureux êtes-vous,

si vous le faites.



Le lavement des pieds est confirmé dans son principe de « commandement ».


Jusqu’au Vème siècle,

et en particulier dans les Eglise Syriaques,

dont nous pouvons avoir une pensée pour eux,

le geste du lavement des pieds était appelé « MANDATUM »,

c’est-à-dire « Mandat », « Testament », et il avait une connotation sacramentaire.


C’était un geste liturgique baptismal.

Au moment du baptême, nous sommes « lavés de nos péchés »,

mais en même temps consacré pour vivre et être témoin de la charité fraternelle,

fondation de la vie communautaire des disciples.


18 Ce n’est pas de vous tous que je parle.

Moi, je sais quels sont ceux que j’ai choisis,

mais il faut que s’accomplisse l’Écriture :

Celui qui mange le pain avec moi m’a frappé du talon.



Jésus atteste bien que son œuvre de Miséricorde précède le péché.

Peut-on dire qu’à ce moment-là Jésus a déjà pardonné Judas qui ne l’a pas encore trahi ?


Jésus n'a pas choisi que des purs parmi ses disciples …

Mais il a choisi des pécheurs.


La Miséricorde de Dieu nous précède, quelque soit ce que nous sommes.

Nous sommes depuis l’origine, nous seulement aimés mais pardonnés !


Il ne reste plus qu’à l’accueillir ce pardon de Dieu.



19 Je vous dis ces choses dès maintenant,

avant qu’elles n’arrivent ;

ainsi, lorsqu’elles arriveront,

vous croirez que moi,

JE SUIS.

20 Amen, amen, je vous le dis :

si quelqu’un reçoit celui que j’envoie,

il me reçoit moi-même ;

et celui qui me reçoit,

reçoit Celui qui m’a envoyé. »



Le lavement des pieds est comparable à un nouveau « Buisson ardent ».


Comme pour Moïse,

dans le feu brûlant de la charité concrète entre les frères,

Dieu révèle son identité.


Dans le feu brûlant de la charité concrète,

vécu dans le service du frère,

c’est toute la Trinité

« Père-Fils et Saint-Esprit » qui se manifeste

et qui se donne en communion.

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