« Banquet Très Saint », Philippe ROBERT
- bohleremmanuel
- 30 nov. 2020
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Commentaire du chant « Banquet très saint » (ZL 26-17, CNA 779), composé par Philippe ROBERT.
Article publié dans la revue CAECILIA, édition de mars 2015.

« Fête dans la maison de Simon le Pharisien » (1618),
Le refrain est adapté de l’antienne « O Sacrum Convivium » composée par saint Thomas d’Aquin (1225-1274) et utilisée pour les 2èmes vêpres de l’office du Saint-Sacrement dont voici la traduction :
« O banquet sacré, où l’on reçoit le Christ ! On célèbre le mémorial de sa passion, l’âme est remplie de grâce et, de la gloire future, le gage nous est donné. Alleluia ».
Attardons-nous à l’histoire de l’antienne et de l’office du Saint-Sacrement.
Un culte en l’honneur du Saint Sacrement existait dans certaines régions mais sans être généralisé.
Le plus important se trouvait dans le diocèse de Liège où sainte Julienne de Cornillon (1192-1258) permis son expansion.
Un office liégeois « Animarum cibus » fut composé sous sa direction, par un moine cistercien du Mont-Cornillon, vers 1240.
Or vers 1237, le futur Urbain IV était archidiacre de Liège. Il avait eu connaissance de sainte Julienne, et de la composition de l’office nouveau qui grâce à elle, fut diffusé dans le diocèse de Liège à la suite du Synode de 1246.
En 1262, à Bolsena (à mi-chemin entre Sienne et Rome), on raconte qu’un prêtre célébrant la Messe, doute de la présence réelle. Le sang jaillit de l’hostie consacrée et laisse des traces sur le corporal.
Le Pape Urbain IV fait apporter ce linge à Orvieto, ville voisine où il résidait. Il décréta en 1264 par la bulle « Transiturus» que la fête du Corpus Christi, déjà célébrée çà et là, serait étendue à l’Eglise universelle. Mais pour la première fois en liturgie, non seulement un pape prescrit la célébration d’une fête, mais en impose tous les textes.
Avec la bulle se trouve l’office « Sacerdos » et la messe « Cibavit », attribués à saint Thomas d’Aquin qui était de passage à l’Université de Rome. Ces textes associent justesse théologique et saveur poétique. Ils sont utilisés encore aujourd’hui pour la fête du Saint-Sacrement.
Le refrain (comme l’antienne « O Sacrum Convivium ») se divise en 4 sections nous montrant chacun un aspect de l’Eucharistie.
Tout d’abord, la dimension du pain comme réelle nourriture, mais où l’on confesse que c’est bien le Christ lui-même.
Ensuite, le lien entre le pain eucharistique et la Passion. Il est avant tout l’actualisation du Sacrifice de la Croix, cœur de la célébration.
Puis les effets de cette nourriture : le pain eucharistique est là pour nourrir notre âme, mais d’une nourriture spirituelle provenant de la Croix : la Grâce. C’est la nourriture de la Rédemption.
Enfin, le pain eucharistique est une mise en bouche de la gloire de la Résurrection à la fin du temps, où Dieu lui-même nous fera asseoir à sa Table et nous servira.
D’un point de vue harmonique, la 1ère section commence en Mi Mineur pour se terminer sur une ½ cadence (accord de Si Majeur).
La 2ème section commence sur Si Majeur mais va conduire à une cadence rompue (au lieu de terminer sur un accord de Sol Majeur on termine avec Si Majeur).
La 3ème section nous fait entendre avec retard l’accord de sol majeur attendu, mais se conclue par une cadence évitée (retour de l’accord Mi Mineur).
Quant à la 4ème section, elle commence avec l’accord de Mi Mineur et se termine par une cadence « Fauré », sorte de cadence évitée terminant avec l’accord de Mi Majeur. La richesse harmonique est à l’image de la richesse théologique du refrain !
Pour les versets, ils sont la compilation du psaume 33 (34) versets 2, 4 et 9. Le schéma harmonique est en parfait écho avec celui de la 2ème section du refrain magnifiant la célébration du mémorial de la Croix.
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