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Cycle de conférences sur les 7 Psaumes de la Pénitence (01)

Dernière mise à jour : 5 déc. 2020


Dans le cadre de l’année jubilaire de la Miséricorde et durant le temps liturgique du carême: conférences spirituelles sous forme de lecture méditée et commentée du cycle des « 7 psaumes de la Pénitence ».

Paroisse sainte Thérèse de Metz, du 15 février au 21 mars 2016.

Le cycle de conférence a été intégralement imprimé par la paroisse.


« Roi David en prière » (1635-1640)



PSAUME 06 (07)

02 Seigneur, corrige-moi sans colère,

Dieu reprends-moi sans fureur.

03 Pitié, Seigneur, je dépéris !

Seigneur, guéris-moi ! Car je tremble de tous mes os,

04 de toute mon âme, je tremble.

Et toi, Seigneur, que fais-tu ?

05 Reviens, Seigneur, délivre-mon âme,

sauve-moi en raison de ton amour !

06 Personne, dans la mort, n’invoque ton nom ;

au séjour des morts, qui te rend grâce ?

07 Je m’épuise à force de gémir ;

chaque nuit, je pleure sur mon lit :

ma couche est trempée de mes larmes.

08 Mes yeux sont rongés de chagrin ;

j’ai vieilli parmi tant d’adversaires !

09 Loin de moi, vous tous, malfaisants,

car le Seigneur entend mes sanglots !

10 Le Seigneur accueille ma demande,

le Seigneur entend ma prière.

11 Tous mes ennemis, qu’ils aient honte et qu’ils tremblent,

qu’ils reculent, soudain, couverts de honte !

* *

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LIBRE COMMENTAIRE :

Le Livre des psaumes est l’authentique livre d’un pèlerin pour être initié à la vie spirituelle. Livre d’un passage, souvenir d’un jadis des pèlerinages au Temple de Jérusalem où, au retour de l’exil à Babylone, certains psaumes devaient être priés sur les quinze « degrés » (lointain vestige de ce qui deviendra le « psaume graduel » dans la liturgie chrétienne), ou « marches », du Portail de Nicanor qu’ils permettaient de franchir.

Le cycle des « Sept Psaumes de la Pénitence » repose sur un principe de construction numérique autour d’un centre : le psaume 50, psaume par excellence de la contrition parfaite où se révèle la Miséricorde infinie de Dieu. Les psaumes se répondent de manière harmonieuse et symphonique autour de celui-ci. Quant au lecteur, il se trouve alors face à un autre joyau, authentique chef-d’œuvre d’initiation à la conversion, à la pénitence et à la réconciliation. C’est à la fois un guide certain pour avancer sur le chemin de l’exil dans cette vallée de larmes[1], en conséquence de nos fautes. Mais en même temps un guide pour revenir vers le Père des miséricordes. Aujourd’hui les psaumes, et en particulier les « Sept Psaumes de la Pénitence », nous permettent en cette année jubilaire, de franchir la Porte Sainte en tant que pénitent et de faire ensuite l’expérience de la Miséricorde de Dieu, expérience d’un retour auprès du Père. Ils nous permettent de donner sens à cette démarche.

La tradition de l’Eglise nous a laissé le cycle des « Sept Psaumes de la Pénitence». Parler de lui, c’est parler de la pénitence et de la réconciliation des chrétiens dans l’Antiquité[2].

Au IVème siècle, saint Ambroise et saint Augustin décrivent très bien ce cheminement : Celui qui a commis une faute « grave » va en faire l’aveu secret à l’évêque ou son représentant. L’évêque lui adresse une correptio, c’est-à-dire un enseignement à partir de l’Evangile, pour éclairer l’action commise et l’exhorter à la conversion de ces mœurs. Après cela, le pécheur entrait dans « l’Ordo paenitentium », démarche de pénitence publique devant durer un certain temps, jusqu’à la réconciliation (ou à l’absolution) auprès de l’évêque. Au départ, cette démarche se faisait une fois dans la vie et il n’y avait pas de date fixe pour l’entrée dans l’ordre des pénitents.

Cependant le sacramentaire gélasien (VIIe siècle) nous montre l’existence d’une célébration publique annuelle du renvoi des pénitents. On en a déduit qu’avant son organisation le temps du carême était un temps privilégié pour que la communauté des baptisés donne sa prière et ses soins aux pénitents, tout comme aux catéchumènes. On voit apparaître une similitude de traitement pour les pénitents et les catéchumènes durant ce temps liturgique. Dès qu’un pécheur entrait dans « l’Ordo Paenitentium », tout comme pour les catéchumènes et suivant les lieux, il pouvait être admis à entendre la liturgie de la parole mais pouvait être renvoyé avant l’eucharistie. On voit nettement se mettre en place une liturgie de renvoi des pénitents, et la communauté qui restait était chargée de prier pour eux. Cette prière communautaire se nomme « oratio fidelium ». Du développement de « l’oratio fidelium » va jaillir la prière des « Sept Psaumes de la Pénitence », par la communauté à l’intention des pénitents.


L’Eglise d’Occident n’a eu qu’une célébration annuelle de « réconciliation des pénitents ». Primitivement, elle a peut-être eu lieu au sein même de la Vigile pascale. Rapidement, elle a été célébrée soit le Jeudi Saint, soit le Vendredi Saint, suivant les pays et les coutumes. Saint Ambroise décrit cela dans ses homélies pour le Jeudi Saint. Durant le IXe et le Xe siècle, on voit nettement se développer la liturgie de « renvoi des pénitents » le mercredi avec l’adjonction de l’imposition des cendres, allant jusqu’à une totale expulsion de l’Eglise jusqu’au « rite de réconciliation ». Ce dernier sera fixé le Jeudi Saint.


C’est au cours de ces deux liturgies de « renvoi des pénitents » et de « rite de réconciliation » que la communauté priera le cycle des « Sept Psaumes de la Pénitence ».

Ce dernier s’est réellement imposé à l’époque de Charlemagne, bien qu’étant déjà cité par certains Pères de l’Eglise, en particulier Eusèbe de Césarée (262-339).

Dans ses Confessions, saint Augustin évoque la place incontournable des psaumes dans sa préparation catéchuménale par saint Ambroise, surtout pour saisir l’œuvre de Miséricorde qui allait s’accomplir au moment où il recevrait les sacrements de l’initiation chrétienne durant la Nuit pascale. Les chants des psaumes lui ont permis de comprendre qu’il était aimé et pardonné, qu’il était une « création nouvelle dans le Christ ».

* *

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Laissons-nous guider par les 4 premiers psaumes de ce cycle. Je vous en propose, selon la technique des Pères de l’Eglise, une lecture continue et commentée, où chaque verset ou groupe de versets seront entrecoupés de libres commentaires pour les mettre en perspective.

Je vous propose comme une sorte de pèlerinage intérieur…

Commençons avec le psaume 06 pour « entrer en carême ». Et grâce à lui, faire de ce temps liturgique, une « prière d’imploration envers la Miséricorde ».

02 Seigneur, corrige-moi sans colère,

Dieu reprends-moi sans fureur.

Le verset 2 qui inaugure le psaume donne le ton et surtout ce qui est en jeu dans la relation entre l’homme et Dieu. Le psalmiste implore une « nouvelle création ».

En demandant d’être « corrigé », d’être « repris », le psalmiste peut se comparer à de l’argile que Dieu est en train de façonner.

Comme jadis dans le Livre de la Genèse, la métaphore du potier permet de saisir la dimension poétique de l’acte créateur : de l’argile, Dieu modèle l’homme à son image. D’emblée, nous sommes dans cette vocation première de chaque personne d’être créée à l’image de Dieu et de demeurer fidèle à cet honneur.

L’homme est le sommet de la création.

En demandant à Dieu d’être « corrigé », d’être « repris », le psalmiste prend conscience qu’il n’est pas à la hauteur de sa vocation première : il demande à Dieu qu’il poursuive son œuvre de création.

Le psaume 06 nous place dans un rapport Créateur/créature. Mais en même temps, en adjoignant « sans colère » et « sans fureur », le psalmiste nous révèle que la patience et l’amour jaillissent de l’acte créateur.

Dieu créé par amour, et c’est avec patience qu’il continuera de façonner sa créature. Le psalmiste reconnait sa finitude, son inachèvement. Mais en même temps, il s’en remet avec confiance à son Créateur.

03 Pitié, Seigneur, je dépéris !

Seigneur, guéris-moi ! Car je tremble de tous mes os,

04 de toute mon âme, je tremble.

Et toi, Seigneur, que fais-tu ?

Avec les verset 3 et 4, le psalmiste implore la pitié de Dieu.

Il expose ce pourquoi il demande à Dieu de reprendre l’œuvre de sa création. Nous pouvons commencer à constater ce qui se passe en lui : il « tremble », non seulement corporellement mais aussi intérieurement.

Il y a un processus de dévoilement progressif de l’action de Dieu.

Il s’agit d’une action de guérison physique, mais avec le verset 5 il s’agit en plus d’une action salvifique.

05 Reviens, Seigneur, délivre-mon âme,

sauve-moi en raison de ton amour !

Mais pourquoi le psalmiste « dépérit-il » ? Pourquoi « tremble-t-il » ? Est-ce à cause de la crainte de Dieu ? De la crainte d’un jugement de sa part ?

Au contraire, le verset 5 nous révèle que l’action salvifique de Dieu est le fruit de son amour. Le psalmiste « invoque » la « délivrance » comme une forme de résurrection…

06 Personne, dans la mort, n’invoque ton nom ;

au séjour des morts, qui te rend grâce ?

(c’est une allusion au séjour des morts au verset 6).

Le psalmiste croit en l’amour de Dieu. Il implore une « visitation » en demandant à Dieu de revenir.

Nous voyons alors apparaitre un double mouvement : mouvement ascendant du psalmiste qui croit en l’amour de Dieu et qui a confiance en lui, mouvement descendant du psalmiste dont on ne connait encore la cause.

07 Je m’épuise à force de gémir ;

chaque nuit, je pleure sur mon lit :

ma couche est trempée de mes larmes.

08 Mes yeux sont rongés de chagrin ;

j’ai vieilli parmi tant d’adversaires !

Les versets 7 et 8 nous dévoilent progressivement ce qui se passe dans le cœur du psalmiste : il est isolé, seul dans sa chambre, il pleure, il gémit.

Sa douleur est telle qu’il est rongé et qu’il vieillit prématurément.

Nous pourrions presque dire qu’il connait une sorte de dépression profonde.

Nous ne savons encore ce qui se cache derrière cet accablement, mais le psalmiste connait une grave crise : est-ce une faute ? Est-ce une culpabilité ? Est-ce une prise de conscience de quelque chose de mal ?

On ne sait pas. Toujours est-il que le psalmiste est décrit comme « en solitude ».

09 Loin de moi, vous tous, malfaisants,

car le Seigneur entend mes sanglots !

10 Le Seigneur accueille ma demande,

le Seigneur entend ma prière.

11 Tous mes ennemis, qu’ils aient honte et qu’ils tremblent,

qu’ils reculent, soudain, couverts de honte !

Le verset 9 avec le verset 11 nous montrent comment ce processus d’isolement se poursuit de manière sociale : il se coupe de tout le monde, en particulier de ses ennemis. Cependant, comme en contraste, au milieu de sa douleur et de sa volonté d’isolement, le Seigneur « entend ».

Le psalmiste est en « solitude », isolé des autres pour (re)nouer un dialogue avec Dieu.

Cette solitude a pour but de reconstruire la relation entre le Créateur et sa créature à partir de la parole : le psalmiste cri et gémit et Dieu l’entend. Mais Dieu ne parle pas encore.

Le psalmiste dans sa douleur ne peut accueillir les autres, mais c’est Dieu qui l’accueille. La solitude humaine a ici pour effet de pouvoir être accueilli par le Créateur, pour s’en remettre à lui. Progressivement, le psalmiste se coupe de son milieu, il part en solitude pour revenir dans les bras du Dieu Créateur, afin que dépouillé de tout, Dieu seul agisse pour continuer et perfectionner son œuvre par sa Parole.

C’est dans la solitude que Dieu peut perfectionner en nous son image, afin que nous puissions correspondre davantage à la vocation profonde de toute créature.

Que ce carême soit pour nous un temps de solitude, afin qu’en nous préparant aux fêtes de Pâques, nous puissions nous remettre dans l’élan de la Nouvelle Création, œuvre du mystère pascal dans laquelle nous avons été plongés par le baptême, consumés dans l’Amour par le don de l’Esprit, consacrés par l’offrande de Jésus-Christ.

Sachons-nous dépouiller pour que Dieu corrige et reprenne notre vocation d’être à son image. C’est dans le silence et la solitude, dans la finitude et nos imperfections, sachons faire un examen de conscience afin de l’implorer, de renouer un dialogue avec Lui.

Faire un examen de conscience, nous amène à cheminer vers l’aveu qui bien souvent, est l’obstacle pour vivre le sacrement de la Réconciliation. Est-ce le psaume suivant, le psaume 31 (32), ne nous aiderait-il pas à mieux comprendre ce qu’est l’aveu ? De même comment, aujourd’hui, faire un examen de conscience ?

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[1] Expression venant du « Salve Regina » pour parler du pèlerinage de la vie terrestre.

[2] P.M. GY, « La pénitence », In : L’Eglise en prière, introduction à la liturgie, Tournai, Desclée, 1961, pp.570-575.

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