Cycle de conférences sur les 7 Psaumes de la Pénitence (03)
- bohleremmanuel
- 3 déc. 2020
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 déc. 2020
Dans le cadre de l’année jubilaire de la Miséricorde et durant le temps liturgique du carême: conférences spirituelles sous forme de lecture méditée et commentée du cycle des « 7 psaumes de la Pénitence ».
Paroisse sainte Thérèse de Metz, du 15 février au 21 mars 2016.
Lundi 29 février 2016: commentaire du psaume 37 (38).
Le cycle de conférence a été intégralement imprimé par la paroisse.

« Roi David en prière » (1635-1640)
PSAUME 37 (38)
02 Seigneur, corrige-moi sans colère
et reprends-moi sans violence.
03 Tes flèches m’ont frappé,
ta main s’est abattue sur moi.
04 Rien n’est sain dans ma chair sous ta fureur,
rien d’intact en mes os depuis ma faute.
05 Oui, mes péchés me submergent,
leur poids trop pesant m’écrase.
06 Mes plaies sont puanteur et pourriture :
c’est là le prix de ma folie.
07 Accablé, prostré, à bout de forces,
tout le jour j’avance dans le noir.
08 La fièvre m’envahit jusqu’aux moelles,
plus rien n’est sain dans ma chair.
09 Brisé, écrasé, à bout de forces,
mon cœur gronde et rugit.
10 Seigneur, tout mon désir est devant toi,
et rien de ma plainte ne t’échappe.
11 Le cœur me bat, ma force m’abandonne,
et même la lumière de mes yeux.
12 Amis et compagnons se tiennent à distance,
et mes proches, à l’écart de mon mal.
13 Ceux qui veulent ma perte me talonnent,
ces gens qui cherchent mon malheur ;
ils prononcent des paroles maléfiques,
tout le jour ils ruminent leur traîtrise.
14 Moi, comme un sourd, je n’entends rien,
comme un muet, je n’ouvre pas la bouche,
15 pareil à celui qui n’entend pas,
qui n’a pas de réplique à la bouche.
16 C’est toi que j’espère, Seigneur :
Seigneur mon Dieu, toi, tu répondras.
17 J’ai dit : « Qu’ils ne triomphent pas,
ceux qui rient de moi quand je trébuche ! »
18 Et maintenant, je suis près de tomber,
ma douleur est toujours devant moi.
19 Oui, j’avoue mon péché,
je m’effraie de ma faute.
20 Mes ennemis sont forts et vigoureux,
ils sont nombreux à m’en vouloir injustement.
21 Ils me rendent le mal pour le bien ;
quand je cherche le bien, ils m’accusent.
22 Ne m’abandonne jamais, Seigneur,
mon Dieu, ne sois pas loin de moi.
23 Viens vite à mon aide,
Seigneur, mon salut !
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LIBRE COMMENTAIRE :
La tradition de l’Eglise nous a laissé le cycle des « Sept Psaumes de la Pénitence ». Durant le IXe et le Xe siècle, on voit nettement se développer la liturgie de « renvoi des pénitents » le mercredi avec l’adjonction de l’imposition des cendres, allant jusqu’à une totale expulsion de l’Eglise jusqu’au « rite de réconciliation ». Ce dernier sera fixé le Jeudi Saint. C’est au cours de ces deux liturgies de « renvoi des pénitents » et de « rite de réconciliation » que la communauté priera le cycle des « Sept Psaumes de la Pénitence ». Ce dernier s’est réellement imposé à l’époque de Charlemagne, bien qu’étant déjà cité par certains Pères de l’Eglise en particulier Eusèbe de Césarée (262-339).
Le psaume 06 nous avait donné le ton : le psalmiste considéré comme un pénitent, désire retrouver sa vocation première d’être créé à l’image de Dieu. Il souhaite que Dieu continue en lui l’œuvre de sa création. La créature souhaite que le Créateur la « corrige » et la « reprenne ». Le psalmiste est comme en solitude et en grande souffrance. L’action de «création nouvelle » de la part de Dieu était décrite à la fois comme visible et comme invisible, comme extérieure et intérieure. "Extérieure" car il y aura la guérison d’un mal physique dont on ignore la nature. "Intérieure" car elle manifeste un salut dont on ne connait pas la cause. Ce salut aura une double perspective : d’une part être une « visitation », où Dieu est appelé à venir au lieu même de la douleur du psalmiste. D’autre part ce salut sera lieu d’un dialogue renouvelé entre le Créateur et sa créature, pour que le pénitent soit guéri.
Le psaume 31 (32) a marqué une étape décisive dans le cheminement : il nous a engagé à être « heureux » parce que « la faute est enlevée », le « péché remis », et parce que Dieu ne « retient pas l’offense ».
La Miséricorde de Dieu ainsi révélée entraînera une « transformation » de nos corps et de notre volonté pour que nos actes soient conformes à la Loi de Dieu.
La Miséricorde de Dieu sera en outre une œuvre de purification de la mémoire, afin que cette dernière soit libérée des regrets.
Le psaume nous apprend à saisir ce qui se joue au moment de « l’aveu ». Il est une exhortation à la prise de parole, à la nécessité de « confesser ses péchés ».
L’aveu est une expérience de nudité, mais Dieu nous « entoure de chants de délivrance ». Le chant est alors une Epiphanie de l’Amour salvifique et de l’œuvre de Miséricorde que Dieu va accomplir envers les hommes! Il est la parure, le « vêtement de fête » de la création nouvelle! Avec le psaume 31 (32) la démarche de « l’aveu » conduit à se laisser enseigner, pour « corriger » et « reprendre » ses actes dans la douceur d’être aimé.
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Après les psaumes 06 et 31 (32), laissons-nous guider par le psaume 37 (38) pour continuer notre marche de carême.
Le 3ème psaume de notre cycle commence pour les mêmes mots que le psaume 6.
Pour chacun, le verset 2 est identique. On expose à nouveau le désir d’être « corrigé », d’être « repris », comme le potier reprendrait et corrigerait son œuvre afin de la perfectionner davantage.
Le psalmiste souhaite que Dieu parachève l’œuvre de sa création. Il veut que le Créateur restaure en lui son image.
Avec le même verset introductif, nous pourrions émettre l’idée que le psaume 37 (38) éclaire complète et poursuit la narration du psaume 6. Bien des interrogations avaient été remarquées, car nous ne savions pas pourquoi le psalmiste était malheureux, pourquoi il s’isolait, pourquoi il demandait que Dieu le reprenne.
Le psaume 37 (38) est le psaume le plus sombre et le plus douloureux du livre des psaumes.
Jamais la narration, tel un cri, n’exprime avec autant de force le mal-être et la douleur d’une personne.
Il pourrait très bien être la prière de Job qui ayant tout perdu, est couvert en plus d’ulcères. Comme il pourrait également être la prière du pauvre Lazare, qui couvert d’ulcères, se faisait lécher par les chiens de l’homme riche.
Le psaume 37 (38) nous donne les éléments pour répondre aux questionnements du psaume 6.
Si le psalmiste est isolé, s’il est malheureux et pleur de douleur, s’il semble incapable de parler, s’il attend que Dieu vienne le visiter : c’est précisément à cause de sa faute et de son péché.
Le psalmiste se reconnait pécheur avec une force narrative inégalée.
Cet isolement et ce mal-être sont-ils des conséquences des fautes et des péchés, comme une sorte de punition ? Ou bien sont-ils provoqués par la honte du pécheur face à ses fautes et ses péchés?
03 Tes flèches m’ont frappé,
ta main s’est abattue sur moi.
04 Rien n’est sain dans ma chair sous ta fureur,
rien d’intact en mes os depuis ma faute.
Les versets 3 et 4 évoquent la question des fautes comparées à une maladie de la peau. Le psaume 31 (32) nous avait permis de comprendre que la faute est la conséquence intérieure de nos péchés. C’est le sentiment, la résonnance, le regret, la mémoire d’avoir conscience qu’un acte accomplit jadis est mauvais.
La faute est ici comparée à une forme de lèpre.
Le psalmiste devient progressivement comme un lépreux, image allégorique de celui qui a le souvenir obsédant de sa faute, d’avoir commis un péché.
C’est la conséquence de la honte et non de la punition !
05 Oui, mes péchés me submergent,
leur poids trop pesant m’écrase.
06 Mes plaies sont puanteur et pourriture :
c’est là le prix de ma folie.
Les versets 5 et 6 sont en lien avec le péché.
Le psalmiste montre alors que le péché, c’est-à-dire l’acte extérieur qui n’est pas en conformité avec la Loi de Dieu, est comme un ulcère.
Il y a un phénomène de dé-création, où l’homme n’est plus créé à l’image de Dieu et considéré comme sommet de la création, mais il devient comme un déchet non seulement visible mais également olfactif!
07 Accablé, prostré, à bout de forces,
tout le jour j’avance dans le noir.
Le verset 7 nous décrit cette personne dans toutes ses composantes, touchée en profondeur, dont l’évolution de la maladie est comparable à un chemin inverse de la création de la Genèse : l’homme debout, se replie sur lui-même et retourne dans le noir, un peu comme s’il retournait dans le sein de sa mère.
08 La fièvre m’envahit jusqu’aux moelles,
plus rien n’est sain dans ma chair.
09 Brisé, écrasé, à bout de forces,
mon cœur gronde et rugit.
Les versets 8 et 9 nous montrent comment le psalmiste est touché, affecté, infecté, non seulement dans son corps, mais dans son âme.
Le péché et la faute ont des conséquences physiques et spirituelles.
10 Seigneur, tout mon désir est devant toi,
et rien de ma plainte ne t’échappe.
11 Le cœur me bat, ma force m’abandonne,
et même la lumière de mes yeux.
Le verset 11 reprend avec d’autres mots la dynamique inversée de la création, comme une mort. Le cœur cesse de battre et l’on retourne dans les ténèbres informes et vides.
12 Amis et compagnons se tiennent à distance,
et mes proches, à l’écart de mon mal.
Le verset 12 accentue la dimension pestilentielle de ce pénitent ulcéré, atteint d’une forme de lèpre spirituelle.
En tous cas, le psalmiste associe à la dégradation de la maladie, l’œuvre de la mort et la perte de la parole.
13 Ceux qui veulent ma perte me talonnent,
ces gens qui cherchent mon malheur ;
ils prononcent des paroles maléfiques,
tout le jour ils ruminent leur traîtrise.
14 Moi, comme un sourd, je n’entends rien,
comme un muet, je n’ouvre pas la bouche,
15 pareil à celui qui n’entend pas,
qui n’a pas de réplique à la bouche.
16 C’est toi que j’espère, Seigneur :
Seigneur mon Dieu, toi, tu répondras.
17 J’ai dit : « Qu’ils ne triomphent pas,
ceux qui rient de moi quand je trébuche ! »
Les versets 14 et 15 ajoutent d’autres maux au pénitent: la surdité et le mutisme. L’ordre n’est pas au hasard car le psalmiste, aux versets 16 et 17 demande de n’entendre qu’une seule chose : la parole de Dieu.
Au cœur de sa douleur jaillit un cri d’espérance, celui de l’attente d’une parole de la part de Dieu pour obtenir la guérison de son mal.
Comme l’avais déjà suggéré le psaume 6, comme le redira le centurion de l’Evangile, et comme l’Eglise le fera dire à ses fidèles avant de communier au Corps et au Sang du Christ : « Seigneur dis seulement une parole et je serai guéri ». C’est par les oreilles que le psalmiste pourra s’ouvrir à l’œuvre de guérison !
Le psaume 31 (32) parlait de la dynamique de l’aveu comme action de grâce envers l’amour de Dieu. Mais comment passe-t-on du mutisme paralysant à l’aveu?
Le psaume 37 (38) nous en donne la réponse: après avoir entendu une parole d’espérance de la part de Dieu en ouvrant ses oreilles, le psalmiste peut ensuite ouvrir ses lèvres pour confesser son péché, sa faute.
18 Et maintenant, je suis près de tomber,
ma douleur est toujours devant moi.
19 Oui, j’avoue mon péché,
je m’effraie de ma faute.
Les versets 18 et 19 décrivent cette ouverture des lèvres: on passe de la douleur à l’aveu, mais un aveu qui l’effraie.
Il est comme encerclé entre sa douleur et sa faute qui l’effraie.
Mais après avoir entendu la Parole de Dieu, il ouvre les lèvres pour avouer. Cette réponse à la Parole de Dieu ouvre à un authentique processus de guérison.
En contraste avec le psaume 31 (32), l’aveu n’est pas encore l’occasion de rendre grâce mais il est déjà une réponse à un don : celui de la Parole de Dieu, véritable présence.
Mais aussi réconfort et compassion.
Dieu sauve en renouant un dialogue avec le pénitent, c’est ce que signifie la formule d’absolution de la confession.
20 Mes ennemis sont forts et vigoureux,
ils sont nombreux à m’en vouloir injustement.
21 Ils me rendent le mal pour le bien ;
quand je cherche le bien, ils m’accusent.
Les versets 20 et 21 semblent des intrus dans la logique de la narration, ils semblent comme à part.
Cependant ils manifestent le désir de conversion.
En voulant rechercher le bien malgré les obstacles, le psalmiste exprime son désir de transformer sa vie afin de mettre en pratique la Loi de Dieu : c’est une guérison pratique où celui qui était tel un lépreux et ulcéré, isolé et pestilentiel, va revenir à la vie en cherchant à accomplir la Loi du Seigneur.
Alors nous retrouvons la quête du psaume 1 qui ouvre le livre des Psaumes.
22 Ne m’abandonne jamais, Seigneur,
mon Dieu, ne sois pas loin de moi.
23 Viens vite à mon aide,
Seigneur, mon salut !
Les versets 22 et 23 concluent le psaume par un acte de foi du pénitent. Il implore une présence, une visitation de la part de Dieu au cœur même de sa douleur. Mais il reconnait en lui la source de son salut, comprise comme une œuvre de guérison.
Jésus lui-même va ouvrir les oreilles et les lèvres des sourds et des muets, pour que leur guérison soit signe de l’œuvre du Salut qu’il accomplit.
L’Eglise perpétuera cette mémoire en ouvrant les oreilles et les lèvres au moment du baptême, pour associer à l’œuvre du Salut toutes personnes qui confessent la foi au Christ mort et ressuscité.
Baptême et réconciliation sont intimement associés dans l’œuvre de la nouvelle Création, Œuvre pascale à laquelle nous sommes sans cesse associées depuis notre propre baptême.
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