Cycle de conférences sur les 7 Psaumes de la Pénitence (04)
- bohleremmanuel
- 3 déc. 2020
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 déc. 2020
Dans le cadre de l’année jubilaire de la Miséricorde et durant le temps liturgique du carême: conférences spirituelles sous forme de lecture méditée et commentée du cycle des « 7 psaumes de la Pénitence ».
Paroisse sainte Thérèse de Metz, du 15 février au 21 mars 2016.
Lundi 7 mars 2016: commentaire du psaume 50 (51).
Le cycle de conférence a été intégralement imprimé par la paroisse.

« Roi David en prière » (1635-1640)
PSAUME 50 (51)
03 Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
04 Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.
05 Oui, je connais mon péché,
ma faute est toujours devant moi.
06 Contre toi, et toi seul, j’ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait.
Ainsi, tu peux parler et montrer ta justice,
être juge et montrer ta victoire.
07 Moi, je suis né dans la faute,
j’étais pécheur dès le sein de ma mère.
08 Mais tu veux au fond de moi la vérité ;
dans le secret, tu m’apprends la sagesse.
09 Purifie-moi avec l’hysope, et je serai pur ;
lave-moi et je serai blanc, plus que la neige.
10 Fais que j’entende les chants et la fête :
ils danseront, les os que tu broyais.
11 Détourne ta face de mes fautes,
enlève tous mes péchés.
12 Crée en moi un coeur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
13 Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.
14 Rends-moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
15 Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins ;
vers toi, reviendront les égarés.
16 Libère-moi du sang versé, Dieu, mon Dieu sauveur,
et ma langue acclamera ta justice.
17 Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange.
18 Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas,
tu n’acceptes pas d’holocauste.
19 Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ;
tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un coeur brisé et broyé.
20 Accorde à Sion le bonheur,
relève les murs de Jérusalem.
21 Alors tu accepteras de justes sacrifices,
oblations et holocaustes ;
alors on offrira des taureaux sur ton autel.
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LIBRE COMMENTAIRE :
La tradition de l’Eglise nous a laissé le cycle des « Sept Psaumes de la Pénitence ». Durant le IXe et le Xe siècle, on voit nettement se développer la liturgie de « renvoi des pénitents » le mercredi avec l’adjonction de l’imposition des cendres, allant jusqu’à une totale expulsion de l’Eglise jusqu’au « rite de réconciliation ». Ce dernier sera fixé le Jeudi Saint. C’est au cours de ces liturgies du « renvoi des pénitents » et du « rite de réconciliation » que la communauté priera le cycle des « Sept Psaumes de la Pénitence ». Ce dernier s’est réellement imposé à l’époque de Charlemagne, bien qu’étant déjà cité par certains Pères de l’Eglise, en particulier Eusèbe de Césarée (262-339).
Avec le psaume 50 (51) nous arrivons au milieu du cycle des « 7 psaumes de la Pénitence».
D’un point de vue numérique et dans la symbolique des nombres l’équilibre est parfait : puisque nous avons 3 psaumes avant et nous aurons 3 psaumes après. D’autant qu’il y a également une construction numérique avec les 3 premiers psaumes.
Les psaumes 6 et 37 (38) commençant par le même verset « Seigneur corrige moi sans colère, reprends-moi sans fureur » font que le psaume 31 (32) constitue un point central dans cette première vague.
Les psaumes 6 et 37 (38) avaient la même thématique : celle d’un pénitent plongé dans la douleur, le regret et la honte, mais implorant une parole de guérison de la part de Dieu. Le psalmiste est dans l’attente d’une « Visitation », où il pourra entendre cette parole de salut et faire l’expérience de la Miséricorde.
Le psaume 31 (32) quant à lui, entonnait cet appel à la Béatitude, proposant des clefs de discernement avec la distinction entre péché, faute et offense. Mais en même temps ce psaume, telle l’aurore avant le jour, entoure de chant de délivrance celui qui n’a pas encore avoué sa faute. C’est à la lumière de la Miséricorde et de l’amour que le psalmiste discerne, et c’est vers ce mystère qu’il chemine où le chant des sauvés précède l’aveu. Cependant, aucun des 3 psaumes ne parlent explicitement de la dynamique de l’aveu en tant que tel.
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Après les psaumes 06, 31 (32) et 37 (38) laissons-nous guider par le psaume 50 (51) pour continuer notre marche de carême.
Ce psaume est le seul qui dès son premier verset donne l’évènement historique qui lui est associé.
Selon une tradition, il aurait été chanté par David au moment où Nathan lui révéla son infidélité vis-à-vis de l’Alliance avec Dieu.
Triple infidélité à la Loi puisque David convoita Bethsabée, femme de Urie le Hittite son homme de garde. Il commit l’adultère avec elle, et pour cacher l’enfant fruit de son adultère, il n’hésita pas à préméditer un meurtre sans le commettre, puisqu’il a envoyé Urie le Hittite dans une guerre dont il était sûr qu’il ne reviendrait pas vivant car tué par ses ennemis supérieurs en force (2 Sm 11,1-12). Par une parabole inspirée par Dieu, Nathan vint auprès de David pour l’aider à prendre conscience de la gravité de la situation. Lorsqu’il ouvrit les yeux, il déchira son vêtement, se couvrit de cendre et devint pénitent.
Le psaume 50 (51) serait cette prière pénitentielle de David au moment de la compréhension de son péché, de la prise de conscience de sa faute et de son offense envers la promesse d’Alliance que Dieu lui a faite au moment où il est entré victorieux à Jérusalem (2 Sm 7,1-16).
Le psaume 50 est alors la prière par excellence du pénitent, qui revient vers Dieu pour implorer sa Miséricorde et pour libérer sa parole afin d’avouer ce qui fait sa honte. Le psalmiste commence ainsi :
03 Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
04 Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.
Les versets 03 et 04 nous donnent le ton de cette imploration, en parfaite cohérence avec les 3 autres psaumes qui précèdent.
Le pénitent nous montre que Dieu est Amour, et que cet Amour est en acte par la Miséricorde. L’Amour de Dieu est œuvre de Miséricorde.
Le psalmiste implore, non pas la clémence d’un Juge implacable et dur, mais l’amour et la miséricorde d’un Père aimant. C’est parce que Dieu est Amour et Miséricorde que le pénitent implora sa pitié.
Le psalmiste confesse déjà l’Amour de Dieu avant l’aveu de sa faute : il croit à l’amour et au pardon. Cette œuvre de Miséricorde va se manifester envers le péché, la faute et l’offense dans une dynamique de plus en plus profonde. L’Amour de Dieu efface, lave et purifie.
Nous avons ici un processus qui va de l’extérieur vers l’intérieur, qui va du péché comme acte extérieur à la faute comme conséquence intérieure, jusqu’à l’offense qui est cette prise de conscience de notre infidélité vis-à-vis de la Loi de Dieu, authentique Parole d’Alliance. Si l’amour de Dieu est œuvre de Miséricorde, alors cette œuvre va nous recréer en profondeur. Mais le psalmiste poursuite en disant :
05 Oui, je connais mon péché,
ma faute est toujours devant moi.
06 Contre toi, et toi seul, j’ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait.
Ainsi, tu peux parler et montrer ta justice,
être juge et montrer ta victoire.
D’ailleurs, les versets 05 et 06 ne font que prolonger cette prise de conscience du pénitent. En parfaite cohérence avec les psaumes 6 et 37 (38), le pénitent attend une Parole de la part de Dieu, une Parole qui va le remettre sur le chemin de la justice.
La Parole de Dieu sera signe de justice mais également de victoire.
Par le don de sa Parole, Dieu se révèlera comme un Juge dont on a rien à craindre parce qu’il aime pardonner, même aussi comme un victorieux.
Sa Parole sera pour le pénitent une Parole qui nous fera obtenir la libération de nos péchés, de nos fautes, de nos offenses. Mais le psalmiste continue ainsi :
07 Moi, je suis né dans la faute,
j’étais pécheur dès le sein de ma mère.
08 Mais tu veux au fond de moi la vérité ;
dans le secret, tu m’apprends la sagesse.
09 Purifie-moi avec l’hysope, et je serai pur ;
lave-moi et je serai blanc, plus que la neige.
Les versets 7, 8 et 9 sont en parfaite cohérence avec le psaume 31 (32) puisque c’est Dieu lui-même qui va enseigner le pénitent pour l’aider à revenir sur le chemin de la sagesse.
Au verset 7, le pénitent reconnait en lui non seulement ses fautes, mais finalement son état de pécheur depuis les origines. Il assume la faute originelle d’Adam qui porte en lui : l’homme est pécheur.
Mais au verset 8, il atteste que cet état de pécheur n’est pas définitif mais que la Volonté de Dieu est de sauver les pécheurs.
C’est Dieu qui appelle à un pèlerinage intérieur, pèlerinage pénitentiel qui consiste à faire la vérité. Mais c’est Dieu qui nous apprend à faire la vérité : ne nous pouvons nous connaitre seul.
Le verset 9, à l’inverse des versets 3 et 4, proposent un chemin d’extériorisation : Dieu nous a emmené au plus profond de nous-même pour nous enseigner la sagesse et nous faire revenir vers lui, alors le don de son amour nous relève de l’intérieur. Mais le psalmiste dit ceci
10 Fais que j’entende les chants et la fête :
ils danseront, les os que tu broyais.
11 Détourne ta face de mes fautes,
enlève tous mes péchés.
Les versets 10 et 11 sont également en parfaite harmonie avec le psaume 31 (32) puisqu’il y a la question du chant.
Le chant des sauvés précède l’action salvifique ! Celui qui revient vers Dieu dans la pénitence et la vérité, celui qui fait ce pèlerinage pénitentiel intérieur fait déjà l’expérience de l’Amour de Dieu.
Le pèlerinage pénitentiel du carême est déjà un avant-goût, une aurore de l’Amour ! Le chant va précéder l’œuvre de Miséricorde qui sera cette œuvre de salut, puisque le psalmiste poursuite en disant :
12 Crée en moi un coeur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
13 Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.
14 Rends-moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
Les versets 12, 13 et 14 nous donnent de mieux comprendre comment va s’opérer cette œuvre de Miséricorde, véritable épiphanie de l’Amour divin.
Il s’agit résolument d’une œuvre de création nouvelle.
Dans son œuvre de Miséricorde Dieu nous recréé à son image.
L’ensemble du vocabulaire est emprunté au récit de la Création dans le Livre de la Genèse ! Mais surtout, c’est la première fois que le cycle des psaumes met en lumière la place et le triple rôle de l’Esprit Saint !
Il est le don de l’Amour divin, il est ce souffle « re-créateur » qui nous communique la vie de Dieu, il est ce don qui fait jaillir de nos lèvres l’action de grâce et le chant.
Le psalmiste continue par ces mots :
15 Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins ;
vers toi, reviendront les égarés.
16 Libère-moi du sang versé, Dieu, mon Dieu sauveur,
et ma langue acclamera ta justice.
17 Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange.
Les versets 15, 16 et 17 nous montrent la dynamique du pardon de Dieu!
Pardonnés, nous sommes envoyés pour annoncer et à notre tour inviter les autres à vivre cette expérience de l’Amour !
Le pardon est un don à partager invitant chacun à faire ce pèlerinage pénitentiel.
Le pardon nous envoie pour annoncer la conversion, tout comme jadis Jésus-Christ, le visage de la Miséricorde du Père, à commencer sa mission en appelant à la conversion !
Le fruit de la Rédemption fera de nous des « témoins de la justice ».
Notre langue aura pour vocation d’annoncer cette œuvre de Justice, qui nous autre que le chemin de la conversion pour revenir à Dieu de tout notre cœur, nous laisser enseigner et transformer par lui pour que nos œuvres mettent en pratique sa Parole.
Si le pardon nous « ouvre les lèvres », comment comprendre ce mystère ?
Le psalmiste répond par ces mots :
18 Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas,
tu n’acceptes pas d’holocauste.
19 Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ;
tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un coeur brisé et broyé.
Les versets 18 et 19 sont d’un précieux secours pour comprendre la signification de l’ouverture des lèvres.
Ce mystère ne concerne pas seulement l’effet de l’œuvre de Miséricorde en nous. Certes l’expérience personnelle du salut et de l’Amour de Dieu ouvre nos lèvres pour que nous participions à ce « chant de délivrance », à ce « chant des sauvés », à cet « alléluia ».
Mais ici l’ouverture des lèvres a en cette vertu d’offrande sacrificielle pour l’Alliance. Ce n’est plus le sang des animaux qui vont sceller l’Alliance, mais le son de nos lèvres !
Dieu lui-même, par le don de son Esprit, nous ouvre les lèvres afin que nous puissions avouer nos péchés, nos fautes, nos offenses.
C’est l’aveu qui aura cette vocation de devenir « offrande » pour sceller une Alliance renouvelée avec Dieu.
Par l’offrande de notre aveu dans la tristesse et le regret, Dieu nous fait vivre une Pâques de la parole, car il va le transformer en action de grâce !
L’ouverture des lèvres, à la fois par l’aveu puis le chant de l’alléluia, devient un signe audible de l’Amour divin à l’œuvre dans notre vie et qui la transforme !
C’est déjà notre Pâque dans le Christ!
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