Cycle de conférences sur les 7 Psaumes de la Pénitence (05)
- bohleremmanuel
- 3 déc. 2020
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 déc. 2020
Dans le cadre de l’année jubilaire de la Miséricorde et durant le temps liturgique du carême: conférences spirituelles sous forme de lecture méditée et commentée du cycle des « 7 psaumes de la Pénitence ».
Paroisse sainte Thérèse de Metz, du 15 février au 21 mars 2016.
Lundi 14 mars 2016: commentaire du psaume 101 (102).
Le cycle de conférence a été intégralement imprimé par la paroisse.

« Roi David en prière » (1635-1640)
PSAUME 101 (102)
02 Seigneur, entends ma prière :
que mon cri parvienne jusqu’à toi !
03 Ne me cache pas ton visage
le jour où je suis en détresse !
Le jour où j’appelle, écoute-moi ; viens vite, réponds-moi !
04 Mes jours s’en vont en fumée,
mes os comme un brasier sont en feu ;
05 mon coeur se dessèche comme l’herbe fauchée,
j’oublie de manger mon pain ;
06 à force de crier ma plainte,
ma peau colle à mes os.
07 Je ressemble au corbeau du désert,
je suis pareil à la hulotte des ruines :
08 je veille la nuit,
comme un oiseau solitaire sur un toit.
09 Le jour, mes ennemis m’outragent ;
dans leur rage contre moi, ils me maudissent.
10 La cendre est le pain que je mange,
je mêle à ma boisson mes larmes.
11 Dans ton indignation, dans ta colère,
tu m’as saisi et rejeté :
12 l’ombre gagne sur mes jours,
et moi, je me dessèche comme l’herbe.
13 Mais toi, Seigneur, tu es là pour toujours ;
d’âge en âge on fera mémoire de toi.
14 Toi, tu montreras ta tendresse pour Sion ;
il est temps de la prendre en pitié :
l’heure est venue.
15 Tes serviteurs ont pitié de ses ruines,
ils aiment jusqu’à sa poussière.
16 Les nations craindront le nom du Seigneur,
et tous les rois de la terre, sa gloire:
17 quand le Seigneur rebâtira Sion,
quand il apparaîtra dans sa gloire,
18 il se tournera vers la prière du spolié,
il n’aura pas méprisé sa prière.
19 Que cela soit écrit pour l’âge à venir,
et le peuple à nouveau créé chantera son Dieu :
20 « Des hauteurs, son sanctuaire, le Seigneur s’est penché ;
du ciel, il regarde la terre
21 pour entendre la plainte des captifs
et libérer ceux qui devaient mourir. »
22 On publiera dans Sion le nom du Seigneur
et sa louange dans tout Jérusalem,
23 au rassemblement des royaumes et des peuples
qui viendront servir le Seigneur.
24 Il a brisé ma force en chemin,
réduit le nombre de mes jours.
25 Et j’ai dit : « Mon Dieu, ne me prends pas au milieu de mes jours ! »
Tes années recouvrent tous les temps : +
26 autrefois tu as fondé la terre ;
le ciel est l’ouvrage de tes mains.
27 Ils passent, mais toi, tu demeures : +
ils s’usent comme un habit, l’un et l’autre ;
tu les remplaces comme un vêtement.
28 Toi, tu es le même ; tes années ne finissent pas.
29 Les fils de tes serviteurs trouveront un séjour,
et devant toi se maintiendra leur descendance.
* *
*
LIBRE COMMENTAIRE :
La tradition de l’Eglise nous a laissé le cycle des « Sept Psaumes de la Pénitence».
Durant le IXe et le Xe siècle, on voit nettement se développer la liturgie de « renvoi des pénitents » le mercredi avec l’adjonction de l’imposition des cendres, allant jusqu’à une totale expulsion de l’Eglise jusqu’au « rite de réconciliation ». Ce dernier sera fixé le Jeudi Saint. C’est au cours de ces liturgies du « renvoi des pénitents » et du « rite de réconciliation » que la communauté priera le cycle des « Sept Psaumes de la Pénitence ». Ce dernier s’est réellement imposé à l’époque de Charlemagne, bien qu’étant déjà cité par certains Pères de l’Eglise, en particulier Eusèbe de Césarée (262-339).
Avec le psaume 50 (51) nous étions arrivés à la moitié du cycle des Psaumes de la Pénitence, où la figure de David est devenue le modèle du pénitent, et sa prière le modèle de l’imploration. Le psaume permit en outre de saisir le sens de la démarche de l’aveu, et comment ce dernier se transforme en action de grâce : Dieu opère une conversion de la parole car en offrant par nos lèvre ce qui fait notre honte, il le transforme en action de grâce, en véritable Sacrifice de louange.
Avec le psaume 101 (102) nous allons inaugurer la deuxième moitié du cycle. Comme pour les psaumes 6 et 37 (38), les psaumes 101 (102) et 142 (143) vont commencer par le même verset. Cependant, il y a un phénomène de miroir dans l’organisation du cycle car autant les psaumes 6 et 37 (38) insistaient sur le cri du pénitent implorant Dieu afin qu’il entende et qu’il accomplisse une Œuvre de création nouvelle; autant les psaumes 101 (102) et 142 (143) vont d’abord mettre en lumière l’écoute de Dieu pour qu’il puisse entendre le cri du pénitent.
Cette deuxième partie du cycle va être centrée sur cette attention divine, sur cette oreille que Dieu prête en faveur de son peuple. Mais ce psaume va déployer, suite au psaume 50 (51), l’action de l’Esprit Saint en lien avec l’expérience du Buisson Ardent.
Le psalmiste commence ainsi :
02 Seigneur, entends ma prière :
que mon cri parvienne jusqu’à toi !
03 Ne me cache pas ton visage
le jour où je suis en détresse !
Le jour où j’appelle, écoute-moi ; viens vite, réponds-moi !
Les versets 2 et 3 donnent le ton de la prière en lien avec l’expérience du Buisson Ardent. Le psalmiste demande à Dieu d’entendre la prière, de montrer son visage, de venir et d’accomplir une action en réponse.
La logique narrative du récit du Buisson Ardent (Ex 3, 1-8) sur la montagne de l’Horeb est parallèle : Dieu se manifeste parce qu’il a entendu la plainte et le cri de Lamentation de son peuple en esclavage.
En réponse, il le libèrera et le fera passer la Mer Rouge.
Durant l’exil au désert, seul Moïse vivra cette expérience paradoxale de parler avec Dieu face à face mais en le voyant de dos (Ex 33, 11-23).
Il devra s’en cacher le visage avec un linge lorsqu’il sortira de la Tente du Rendez-vous (Ex 34,35).
Le pénitent implore Dieu afin de vivre une expérience spirituelle semblable à celle de Moïse.
04 Mes jours s’en vont en fumée,
mes os comme un brasier sont en feu ;
05 mon coeur se dessèche comme l’herbe fauchée,
j’oublie de manger mon pain ;
06 à force de crier ma plainte,
ma peau colle à mes os.
Les versets 4 à 6 évoquent de manière poétique une triple allusion permettant de comprendre l’attitude du pénitent.
Tout d’abord les allusions à la fumée, aux os, aux brasiers sont en lien direct avec l’expérience sur l’Horeb.
Le psaume 18 parle de manière similaire de l’apparition de Dieu sur la montagne.
Les allusions au cœur qui se dessèche et à l’herbe fauchée sont en lien avec le psaume 72 qui décrit l’attente de la consolation du malheureux : il attend une pluie rafraichissante qui descende du ciel, parce que dans son malheur il est devenu une terre aride.
Le pénitent gémit en assoiffé, mais assoiffé de consolation et de compassion de la part de Dieu.
Quant à l’allusion de la peau qui colle, c’est une référence directe à Job (Jb 19,20 et 30,30) : il s’agit d’un appel au secours mais où le malheureux garde confiance envers Dieu.
Il combat en persistant dans son appel de détresse.
07 Je ressemble au corbeau du désert,
je suis pareil à la hulotte des ruines :
08 je veille la nuit,
comme un oiseau solitaire sur un toit.
Avec les versets 7 et 8, le psalmiste convoque 3 animaux, qui de manière poétique font référence à 3 expériences caractéristiques de l’Ancien Testament.
Le corbeau fait référence au Prophète Elie (1R 17,6). Il devait se cacher derrière un torrent et recevait de lui la nourriture de la part de Dieu. C’est également qui lui fit savoir la volonté de Dieu qu’il ailler auprès de la veuve Sarepta afin qu’il la nourrisse. En sommes le corbeau manifeste cette faim de la parole : on se met à l’écart pour être nourrit de la Parole de Dieu.
La hulotte renvoie au prophète Isaïe (Is 34) au moment de la désolation du peuple face à la colère de Dieu, cet animal est la métaphore de la crainte de Dieu.
Quant à l’oiseau solitaire, il est en lien avec le prophète Jérémie (Jr 15,17 et Lam 3,28). Il représente d’une part ce désir ardent de Jérémie de dévorer la Parole de Dieu, seule source de joie. Face à la colère de Dieu et à la désobéissance de son peuple, Jérémie devient un solitaire pour n’écouter que Dieu et s’écarter des méchants.
Dans ses Lamentations Jérémie annonce sur le rythme de l’alphabet, la nouvelle création à l’œuvre par Dieu. La solitude devient le lieu, signe d’obéissance à la volonté divine et réponse concrète pour se laisser transformer par Lui.
09 Le jour, mes ennemis m’outragent ;
dans leur rage contre moi, ils me maudissent.
10 La cendre est le pain que je mange,
je mêle à ma boisson mes larmes.
11 Dans ton indignation, dans ta colère,
tu m’as saisi et rejeté :
12 l’ombre gagne sur mes jours,
et moi, je me dessèche comme l’herbe.
Les versets 9 à 12 constituent une dernière partie où vont se récapituler des éléments précédemment évoqués.
Le pain qui devient cendre et la boisson en larme sont 2 évocations des Lamentations de Jérémie.
C’est une invitation explicite à tenir dans le combat spirituel comme humain, mais avec l’assurance du pardon.
La dernière allusion à l’herbe desséchée renforce l’attente de cette consolation : on attend une pluie bienfaisante : celle de Grâce de Dieu, qui seule désaltère.
Cette richesse biblique des versets 4 à 12 nous permet de comprendre comment va s’opérer cette réconciliation.
Le pénitent souhaite vivre l’expérience brûlante de l’Horeb : il se met en solitude pour s’écarter du mal et pour ne se nourrir que de la Parole de Dieu. Mais c’est un combat dans lequel il connaitra la soif et où il devra tenir ferme dans les épreuves. Dans sa solitude, Dieu le visitera pour le désaltérer (eau) et l’embraser de son Amour (feu). L'eau et le feu étant deux éléments indissociables dans les récits des Théophanie chez Isaïe comme chez Daniel.
13 Mais toi, Seigneur, tu es là pour toujours ;
d’âge en âge on fera mémoire de toi.
14 Toi, tu montreras ta tendresse pour Sion ;
il est temps de la prendre en pitié :
l’heure est venue.
15 Tes serviteurs ont pitié de ses ruines,
ils aiment jusqu’à sa poussière.
Les versets 13 à 15 sont un véritable acte de foi au cœur de l’épreuve.
Le pénitent y montre combien il est sûr de l’Amour de Dieu.
Le psalmiste nous décrit où le conduit sa solitude : dans les ruines !
Pourquoi les ruines de Sion, si ce n’est parce qu’elles sont le vestige d’une Alliance jadis entre Dieu et son peuple?
Le pénitent revient sur les lieux d’une Alliance qui semble détruite par la désobéissance des hommes vis-à-vis de Dieu. Pourtant, malgré le péché, la faute et l’offense, le pénitent confesse un mémorial envers la fidélité de Dieu. Tout comme pour David à travers le psaume 50 (51), Dieu reste fidèle à sa Promesse malgré son infidélité! Le pénitent revient, dans la solitude d’un pèlerinage, sur les ruines d’une Alliance dont il espère la reconstruction.
Ce cri et ces pleurs annoncent déjà le célèbre chant des exilés de Babylone à travers le psaume 135 (136).
Le pénitent pleure sur les ruines : et cette contrition fera jaillir la tendresse de Dieu : Dieu se souvient d’avoir pitié.
16 Les nations craindront le nom du Seigneur,
et tous les rois de la terre, sa gloire:
17 quand le Seigneur rebâtira Sion,
quand il apparaîtra dans sa gloire,
Les versets 16 et 17 exposent l’action de Dieu comme une œuvre de nouvelle construction : Dieu va rebâtir sur les ruines, vestige d’une Ancienne Alliance. Cette œuvre sera le signe que Dieu a entendu : le cri du pénitent aura pour réponse l’action de Dieu.
19 Que cela soit écrit pour l’âge à venir,
et le peuple à nouveau créé chantera son Dieu :
20 « Des hauteurs, son sanctuaire, le Seigneur s’est penché ;
du ciel, il regarde la terre
21 pour entendre la plainte des captifs
et libérer ceux qui devaient mourir. »
22 On publiera dans Sion le nom du Seigneur
et sa louange dans tout Jérusalem,
23 au rassemblement des royaumes et des peuples
qui viendront servir le Seigneur.
Les versets 19 à 23 reposent la question du chant et de l’action de grâce.
Comme pour le psaume 31 (32), le chant va jaillir de la solitude et des ruines, en réponse à l’action de Dieu qui va rebâtir une Alliance. Mais cette nouvelle construction va passer par un écrit pour qu’on en fasse mémoire ! C’est bien dans la fidélité à sa Parole que Dieu va nous recréer.
Faire l’expérience de l’Amour et de la Réconciliation c’est faire expérience de la Parole de Dieu qui va sceller une alliance avec notre histoire.
La nouvelle construction passera par la parole : l’œuvre de Dieu est une œuvre d’Incarnation où la Parole prend chair dans la vie des hommes.
Les versets 20 et 21 nous donnent de comprendre comment Dieu « vient visiter son peuple» et comment nous pouvons comprendre le sens du mystère de l’Incarnation de Jésus-Christ.
Comme dans le Livre de la Sagesse après la Création, Dieu descend de son sanctuaire, il se penche pour regarder et entendre. Il vient parmi les hommes pour les libérer de la mort (à la fois physique et à la fois spirituelle).
Le chant est associé à ce pèlerinage de Dieu vers la vie terrestre, comme un prélude. Il devient signe de cette « descente » et de cette « libération ».
Ces versets nous donnent de comprendre la manière dont Luc va raconter le mystère de la Nativité dans l’Evangile de l’Enfance (Lc 1-2). A travers ces versets, nous pouvons déjà entendre les cantiques de Marie et de Zacharie : Dieu vient visiter son peuple pour le racheter de sa faute, Dieu se penche sur son humble servante.
Si les versets 4 à 12 nous ont permis de saisir le sens de ce pèlerinage pénitentiel du psalmiste, les versets 13 à 17 nous en décrivent la destination.
Poétiquement « faire pénitence » peut vouloir dire partir en solitude pour s’écarter du mal et ne vouloir désirer que la Parole de Dieu à dévorer.
« Faire pénitence » c’est peut-être marcher dans la soif vers les ruines et les vestiges d’une alliance brisée par notre désobéissance. Mais pourtant le rappel visible de notre désobéissance à travers les ruines, va non seulement nous faire pleurer mais va devenir le lieu d’une nouvelle construction, d’une nouvelle création, d’une nouvelle alliance.
Finalement le sacrement de la pénitence et de la Réconciliation est avant tout le sacrement de la fidélité de Dieu, où sa tendresse se manifeste pour ceux qui souhaitent revenir vers lui: sa Parole renouvelée est pour nous cette pluie généreuse, source jaillissante du chant de nos lèvres.
Comment mieux parler du mystère de la Visitation ?
24 Il a brisé ma force en chemin,
réduit le nombre de mes jours.
25 Et j’ai dit : « Mon Dieu, ne me prends pas au milieu de mes jours ! »
Tes années recouvrent tous les temps : +
26 autrefois tu as fondé la terre ;
le ciel est l’ouvrage de tes mains.
27 Ils passent, mais toi, tu demeures : +
ils s’usent comme un habit, l’un et l’autre ;
tu les remplaces comme un vêtement.
28 Toi, tu es le même ;
tes années ne finissent pas.
29 Les fils de tes serviteurs trouveront un séjour,
et devant toi se maintiendra leur descendance.
Quant aux versets 24 à 29, ils développent de manière originale l’œuvre de création à travers l’image de l’ouvrage des mains emprunté au livre de la Genèse (Gn 2,7.19.21-22), mais l’œuvre de réconciliation avec l’image du vêtement annonçant le Livre de l’Apocalypse et le vêtement des sauvés (Ap 3,4 ;7,9-15).
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