« Par la Croix qui fit mourir »… Ou la poétique du Vendredi Saint
- bohleremmanuel
- 5 déc. 2020
- 3 min de lecture
Libre commentaire du cantique « Par la Croix qui fit mourir» .
Cote : H 67-1 Texte : Didier RIMAUD s.j. (1922-2003) Musique : Joseph GELINEAU s.j. (1920-2008)
Article publié par l’Union Sainte Cécile, dans la revue CAECILIA du Service Diocésain de Pastorale Liturgique et Sacramentelle, de musique et d’art sacré de l’archidiocèse de Strasbourg.
N°01, édition de janvier 2017.
Les figures bibliques du mystère de la Croix
Dans son livre « L’adoration de la Croix, Triduum pascal » publié aux CERF en 2014, le frère Patrick PRETOT de la Pierre-Qui-Vire écrit:
« … Pour éclairer les divers éléments de la Passion, Cyrille de Jérusalem en relit les figures dans l’Ancien Testament. (…) Il se situe dans la ligne droite d’Origène pour lequel tout l’Ancien Testament prêche le Christ Crucifié. ».
Cette hymne pourrait servir au processionnal d’adoration de la Croix le Vendredi Saint. Elle est structurée par 5 strophes divisées en 3 périodes. Chacune se conclue par un bref refrain litanique.
La progression des 3 refrains rythmant les strophes est intéressante, car on bénit, on glorifie Jésus-Christ pour terminer par nommer Dieu comme vainqueur.
Si les strophes sont tournées vers le mystère du Crucifié, les refrains litaniques nous amènent déjà à entrevoir et à contempler le Ressuscité.
De la contemplation du mystère de la Croix va jaillir l’espérance de la Résurrection.
Ce paradigme est un argument exégétique propre à l’interprétation du récit de la Passion selon saint Jean.
Il est aussi un paradigme théologique provenant de la liturgie de l’Office de la Croix : les Impropères.
« Reproches » attristés du Christ au Peuple qui l’a rejeté, à chaque strophe un bienfait de Dieu dans l’Exode est mis en contraste avec un épisode de la Passion.
En réparation, l’assemblée reprend l’acclamation grecque Hagios o Theos.
Les Impropères, intégrés dans la liturgie au XIVème siècle dont le texte remonte entre le VII et le XIème siècle, prennent appui sur l’argument de saint Cyrille concernant les figures de l’Ancien Testament, qui annoncent la Passion mais par contraste.
Ils se concluent par cette antienne : « Nous adorons votre Croix, Seigneur ; nous célébrons et glorifions votre sainte résurrection, car c’est par la croix que la joie a reparu dans le monde entier ». Elle exprime l’argument exégétique propre à l’Evangile johannique décrit précédemment.
C’est au sein de cette tradition exégétique de saint Cyrille dite « typologique », et de la tradition des Impropères du Vendredi Saint que Didier RIMAUD structure le texte de cette hymne à la Croix.
Voici les figures de l’Ancien Testament évoquées par strophe:
N°1 : Jézabel et Naboth (1R 21) ; le buisson ardent (Ez 3, 1-8) ; le serpent d’airain (Nbr 21, 4-9).
N°2 : Le sang de l’agneau pascal (Ez 12, 7-13) ; le sacrifice du veau d’or (Nb 16, 27-34) ; le rôle du sang (Lv 17).
N°3 : Le sacrifice d’Isaac (Gn 22) ; le meurtre de Caïn par Abel (Gn 4) ; l’homicide d’Urie le Hittite par David (2 Sm 11, 1-25).
N°4 : Le bois de la vigne (Is 5) ; le bois de Moïse (Ez 15, 1-14) ; le bois du sacrifice (Ez 24).
N°5 : Arbre (généalogie de Jacob en Gn 49) ; le bois de l’arche de Noé (Gn 6–8) ; le bois qui purifie (Nb 20, 11).
Cette tapisserie biblique est servie par la ligne mélodique modale de Joseph GELINEAU. Elle joue sur l’ambiguité modale autour de la note La, à la fois note modale du mode de Sol authente sur La, et dominante du mode de Ré plagal sur Fa dièze.
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