« Tu connais ton oeuvre », Didier RIMAUD et Jacques BERTHIER
- bohleremmanuel
- 23 nov. 2020
- 3 min de lecture
Il s’agit du premier article, publié dans la rubrique « chantez au Seigneur », de la revue trimestrielle de musique liturgique et d’art sacré « CAECILIA« , dans l’édition du 15 janvier 2014.

« Tu connais ton oeuvre » pourrait servir de processionnal d’entrée pendant le temps du carême, ou alors pendant le processionnal pour l’imposition des cendres lors de l’entrée en carême. C’est le traitement musical de Jacques BERTHIER qui va déployer la profondeur spirituelle du texte et du temps liturgique du Carême.
LA STANCE
Elle commence par un bref prélude composé sur un ostinato rythmique (un dactyle fait d’une noire et de deux croches) qui sera permanent (sauf pour les versets). Sur cet ostinato, la main droite fera une suite d’accords au rythme régulier de la blanche pendant tout le morceau. La superposition des ces deux éléments va donner un côté de balancement. La suite d’accords ressemble à une chaconne, car il y a un cycle de neuf accords qui sera repris. Ce cycle d’accords va correspondre à la césure du texte.
Le texte est chanté à l’unisson par le choeur, donnant un caractère sobre et dépouillé. Il est une libre prosodie non mesurée, en quatre parties assez facilement reconnaissables, ayant pour thème le psaume 56 utilisé pour les versets. Deux parties correspondant au premier cycle de neuf accords, où l’on confesse que Dieu est Créateur et qu’il connait la condition humaine. Deux parties correspondant à la reprise du cycle d’accords, où l’on implore la miséricorde et l’écoute.
La progression harmonique du cycle de neuf accords mérite une attention toute spéciale. Elle commence sur l’accord de mi mineur, et se termine par l’accord de si mineur, confirmant une écriture modale. Au milieu, le cinquième accord est intéressant car il s’agit d’une neuvième sans la note fondamentale « La ». Cette grille harmonique met en évidence cet accord de « La majeur ». Il donne un coté très lumineux à l’ensemble, mais discrètement. Il met nettement en évidence les mots « créateur » et « hommes ». Or, le temps du Carême n’est-il pas le moment de renouvellement, de confession et d’imploration de la Miséricorde de Dieu comme acte de recréation dans le coeur de l’homme? Très discrètement la STANCE le suggère.
LE COURT REFRAIN:
Il a cette audace de demander à Dieu qu’il fasse mémoire de sa Miséricorde envers nous. Si l’assemblée peut faire anamnèse des merveilles divines à l’eucharistie, c’est parce que Lui le premier, ne nous a pas oublié!
L’ostinato rythmique est maintenu, le succession régulière d’accords aussi. Mais il y a rupture dans la grille harmonique. On peut distinguer trois phases correspondant aux césures du texte du refrain. Une première, faite d’une demi cadence plagale sur « N’oublie pas« . Une autre, sur « tes Miséricordes Seigneur« , faites à la fois d’une demi cadence plagale et d’un accord « pivot » sur « Seigneur« . Cet accord conduit à la dernière phrase; cadence modale (mode de « la » transposé sur « mi ») sur « Pardonne-nous« . BERTHIER se situe entre un langage tonal (mi mineur) et un langage modal. Le langage tonal souligne l’imploration. Cependant, l’ambiguïté tonal/modal se jouant sur le mot « Seigneur », met ce dernier en valeur de telle manière qu’on ne sait s’il appartient à la première ou à la dernière partie du refrain. Le mot « Seigneur » est un entre-deux, un passage. Le temps du carême est ce temps de renouvellement dans le Seigneur qui est le pivot, nous permettant de vivre avec Lui une Pâque dont le pardon de nos péchés en est le signe.
LES VERSETS:
Ils ne sont pas chantés par des solistes, mais par des groupes d’hommes ou de femmes. Il y a une volonté de la part de Jacques BERTHIER de donner un aspect communautaire. Le verset d’entrée étant le seul moment polyphonique, souligne cette dimension communautaire: le Carême se vit en Eglise.
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