top of page

C'est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases...

Commentaire d’évangile pour le 2ème dimanche du Carême (Mt 17, 1-9 ; année liturgique A), célébré le dimanche 05 mars 2023.


Commentaire publié dans le journal hebdomadaire L'AMI HEBDO au sein de l'édition du 03 mars 2023.





« C’est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases… »

Cet apophtegme de Michel Audiard dans les Tontons flingueurs (1963) pourrait parfaitement s’appliquer à Pierre, le pêcheur de Galilée, qui ne peut s’empêcher d’interrompre la discussion de son Maître. Cherchons à comprendre.


La semaine dernière nous avions assisté à une magnifique montée spirituelle quand dans sa lutte contre le diable, où les tentations sont de plus en plus graves, Jésus va de plus en plus haut. Après son baptême dans le Jourdain (Mt 3,13-17) Jésus est tenté au désert sur la nourriture (Mt 4,3-4). Puis il monte au sommet du Temple de Jérusalem pour être tenté par l’utilisation frauduleuse et idéologique de l’Ecriture (Mt 4,5-7). Enfin sur une haute montagne pour la gloire du monde Jésus est tenté de renier la foi en Dieu pour choisir d’adorer le Diable (Mt 4,8-10), rien moins que cela ! Dimanche dernier la scène se terminait sur une haute montagne, avec les anges qui servaient Jésus (Mt 4,11).


Là nous sommes de nouveau sur une haute montagne, mais avec cette fois la présence de Moïse et d’Elie. L’un comme l’autre ont vécu une expérience mystique forte.

Le premier a d’abord écouté la voix de Dieu puis a reçu les Tables de la Loi (Ex 31,18) au bout de quarante jours d’instruction (Ex 34,28). De cette expérience on nous dit qu’il redescendit le visage rayonnant de lumière (Ex 34,29).

Pour le second, fuyant la persécution et marchant quarante jours jusqu’à l’Horeb, dans une caverne de la montagne, il a fait aussi l’expérience de la présence de Dieu qu’il a écouté, non pas dans le fracas du tonnerre, mais dans le murmure d’une brise légère (1 R 19,8-13).


Pour l’un comme pour l’autre la vue ne sert à rien ! Quel paradoxe ! Car s’il y a bien « illumination » de leur cœur et de leur intelligence, elle ne passe pas par l’ouverture des yeux, mais par celle des oreilles !

Dans l’Evangile il en est de même : la vue des disciples ne sert à rien ! Faut-il être aveugle comme Tobie pour comprendre l’Ecriture ? Ils ont beau voir de leur yeux Jésus transfiguré, Moïse et Elie, ils ne tombent pas la face contre terre ! Même si Jésus se présente comme la lumière qui jadis illumina Moïse et Elie, il leur faut entendre la voix de la nuée pour qu’enfin leurs yeux s’ouvrent et qu’ils prennent conscience de l’enjeu de cette scène insolite. C’est par l’ouïe que se joue leur conversion et leur acte d’adoration, comme jadis Moïse devant le Buisson ardent (Ex 3,1-14).


Pierre vient interrompre le dialogue de son Maître avec Moïse et Elie par sa question matérielle. Elle vient comme une magnifique fausse note dans l’harmonie de l’ensemble, non seulement parce qu’elle est ridicule, hors-sol, mais manifeste surtout que Pierre n’écoute pas ! Puisque la vue de cette vision ne lui suffit pas, il faut en plus la nuée et l’appel explicite de la voix pour qu’enfin il se mette à écouter !

Comme le cœur de Pierre est lent à écouter !

Cette irrévérence de l’Evangile vis-à-vis des grands récits théophaniques de l’Ancien Testament semble aussi irrévérencieuse face à nos moyens de communications actuels, s’enfermant dans cette quête d’images à sensation pour faire le buzz.


Alors circulez !

Il n’y a rien à voir mais tout à entendre !

Comments


  • Facebook
  • LinkedIn
  • Twitter
  • YouTube

© 2020 par Emmanuel BOHLER. Créé avec Wix.com

bottom of page