Lettres à Théophile, "La Résurrection sous toutes ses coutures" (2)
- bohleremmanuel
- 26 nov. 2020
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 avr. 2024
Chronique diffusée sur les ondes de Radio Jérico pour la rubrique "Commentaire d'Evangile". Libre commentaire de Jn 20, 11-18.
Mardi 14 avril 2009.

"La résurrection" (1512-1516) de Matthias GRÜNEWALD (1475-1528)
Mon cher Théophile,
Hier, j’avais commencé avec toi l’approfondissement du mystère de la Résurrection en prenant appui sur les textes bibliques de l’octave pascale, et en m’appuyant sur tes propres questions suscitées par la liturgie de la vigile pascale. Tu sais, nous sommes toujours des néophytes quelque part, nous avons bien besoin d’approfondir les évènements liturgiques que nous avons vécu, comme d’ailleurs les évènements de notre vie.
Je reviens aujourd’hui sur le trouble que peut susciter la Résurrection de Jésus. Comme tu me le disais, aujourd’hui encore, croire en la Résurrection n’est pas facile, et nous pouvons être facilement troublés ! Mais troublés par quoi ? Par le fait même de l’évènement ? Il est vrai qu’affirmer que Jésus est ressuscité, vivant, qu’il a été au-delà de la mort et de la souffrance… Ce n’est pas évident. C’est un « trouble intellectuel », un « trouble de la raison », mais il se peut qu’il y ait aussi un « trouble spirituel », du celui-là à notre propre expérience de croyant.
Il nous arrive d’avoir au fond de nous des certitudes, que nos mots sont incapables d’expliquer et de rendre compte.
Je pense Théophile, que le trouble le plus important suscité par la résurrection, c’est le trouble spirituel ! Le trouble intellectuel peut d’une certaine manière se résoudre par les discours et les enseignements et voilà… L’esprit est alors calmé, l’imagination tranquille… Mais le trouble spirituel, lui, correspond à notre quête de sens, à notre désir du cœur. Il touche notre humanité dans ce qu’elle a de plus de profond et là… les discours et les enseignements ne suffisent plus...
En ce mardi de Pâques, c’est la rencontre avec Marie-Madeleine dans l’Evangile de Jean qui nous est proposé. J’aime beaucoup cette rencontre parce qu’elle n’a presque rien « d’humain ». Je veux dire par là, que le réalisme du quotidien et de la psychologie des personnages de cet Evangile sont tellement vrais que l’on perçoit rapidement qu’il y a une autre réalité qui est en jeu.
Ici Marie Madeleine avec sa douleur, au pied du tombeau, bloquer complètement par l’incompréhension, la peur, à la limite de la crise d’angoisse et de l’hystérie… Se jetant sur ce fameux gardien, comme parfaitement aveuglée par la douleur. Elle refuse complètement la mort de Jésus…
Ce n’est pas tant la résurrection possible qui la trouble, c’est encore la mort de Jésus qui l’a bloque ; Elle veut un cadavre, un veut un mort comme essayer de se prouver que ce n’est possible! Elle se bloque complètement sur l’idée que Jésus soit mort ! C’est bien réaliste tout cela, et chacun peut s’identifier à cette attitude lorsque l’on fait l’expérience du deuil.
L’Evangéliste ne serait-il pas en train de nous présenter avant tout une rencontre spirituelle… On nous dit que Marie-Madeleine, voit et converse avec 02 anges qui sont dans le tombe. Les 02 anges posent la question en même temps, comme s’il ne formait qu’une seule voix ! Ils sont 02 mais comme s’ils n'étaient qu'un.
La question est simple « pourquoi pleures-tu » ? Jésus apparaît mais elle ne le reconnaît pas. Elle se tourne vers lui, donc quitte son regard du tombeau. Jésus pose la même question que les deux anges mais en souhaitant aller plus loin. Il poursuit la mission des deux anges. Puis il prononce son nom « Marie !» A ce moment là, elle le reconnaît mais l’Evangile nous dit qu’elle se tourne vers Jésus !
Pourquoi ? Puisqu’elle est censée le regarder déjà mais ne le reconnaît pas. On peut supposer qu’elle regarde à nouveau le tombeau pour y reconnaître le Fils de Dieu. Il y a vraiment une circularité qui s’installe. Jésus fait tourner Marie-Madeleine sur elle-même.
Comme dirait Edith Piaf dans sa chanson, c’est Jésus qui lui fait tourner la tête ! En fait, Marie-Madeleine ne serait-elle pas en train de faire une rencontre de Dieu, une première expérience trinitaire ? Peut-être, elle rencontre le Père, le Saint-Esprit sous l’apparence des deux anges ? Et puis, Jésus à la fois dans son humanité et dans sa divinité ! Humanité de Jésus transformée parce qu’elle le voit humainement mais ne le reconnaît pas, et puis sa divinité parce qu’elle y reconnaît son Seigneur.
Tu vois, la Résurrection est avant tout une expérience spirituelle ! Mais cette expérience se passe pour Marie-Madeleine au tombeau ! C'est-à-dire sur le lieu symbolique de ces blocages, de ces angoisses, de ses incompréhensions ! Mais c’est au cœur même de ce qui constitue les douleurs de son humanité, qu’elle va faire l’expérience de Dieu ! Alors Théophile, tu as le désir de Dieu, avec l’amour des lettres de l’Evangile de jean, ne te dérobe pas à toi-même ! Au contraire, c’est au cœur même de tes blessures et de tes contradictions, que tu pourras faire l’expérience de la Résurrection et y reconnaître Dieu Père, Fils et Saint-Esprit!
Bonne journée à toi.
Ton ami.
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