L'abîme appelant l'abîme...
- bohleremmanuel
- 17 août 2024
- 3 min de lecture
Commentaire d’évangile pour le 20ème dimanche du Temps Ordinaire (Jn 6, 51-58) ; année liturgique B), célébré le dimanche 18 août 2024.
Commentaire publié dans le journal hebdomadaire L'AMI HEBDO au sein de l'édition du 16 août 2024.

« Mise en abîme » extrait du film « Citizen Kane » (1941), Orson WELLES (1915-1985)
Si le procédé de mise en abyme consiste à placer à l'intérieur de l'œuvre principale, une œuvre qui reprend de façon plus ou moins fidèle des actions ou des thèmes de l'œuvre principale, la liturgie nous permet de vivre cela ! Retour sur ce chemin de profondeur…. Eucharistique.
Depuis le 17ème Dimanche du Temps Ordinaire nous avons interrompu la lecture semi-continue de l’évangile selon saint Marc pour une lecture semi-continue du chapitre 6 de l’évangile selon saint Jean. Ainsi le 28 juillet, au lieu du récit de la pêche miraculeuse selon saint Marc, nous avons médité ce même épisode selon saint Jean (Jn 6,1-15). Puis est venue la lecture semi-continue du discours sur le Pain de Vie (Jn 6,24-59) les 4,11 et 18 août. Cela s’achèvera dimanche prochain par les conséquences du discours sur le Pain de Vie (Jn 6,60-71).
La mise en abyme d’une lecture semi-continue à l’intérieure d’une lecture semi-continue nous permet de vivre, au cœur de l’été, une véritable catéchèse eucharistique johannique ! En avons-nous profité ?
Aujourd’hui s’achève la lecture semi-continue du discours sur le Pain de Vie qui semble rythmé par le procédé de mise en abyme. Vers quel abîme de mystère va-t-il nous plonger ? N’ayons pas peur de nous perdre en cette immensité d’Amour !
Les paroles prononcées par Jésus reprennent le récit du don de la Manne (Ex 16,5-17,11). Il y a bien une nourriture qui descend du ciel mais se pose une question essentielle : qu’est-ce que c’est ? Plus fondamentalement, qu’est-ce que cela signifie ?
Depuis jadis il y a un lien connexe, interprétatif, entre le signe que l’on voit (signifiant) et ce qu’il signifie (signifié).
Jadis on voyait une fine croute (Ez 16,14), quelque chose comme de la graine de coriandre, de couleur blanche, au goût de beignet au miel (Ez 16,31). On désigna cela comme « pain » bien qu’il n’en avait ni le goût ni la forme. Le pain était de l’ordre du signifié mais aujourd’hui dans l’évangile, il devient un signe concret !
Jadis on mangeait une croûte comme de la graine de coriandre au goût de miel que l’on désignait comme « pain ». Aujourd’hui on mange un pain concret, certes multiplié et partagé, mais déjà il désigne autre chose : la chair livrée et le sang versé ! Cette inversion de taille est à l’origine de la querelle entre les juifs car ils semblent ne pas avoir saisi l’enjeu et s’imaginent que la nourriture divine deviendrait anthropophagique comme chez les païens !
Face à l’incompréhension de ses auditeurs, avec le même procédé de transformer un signifié en signifiant, Jésus va mettre en abyme les termes « chair » et « sang » pour en déployer ce qu’ils révèlent ! En regardant le pain multiplié et partagé nous entrevoyons déjà le Crucifié par Amour. Mais sa chair et son sang, à la fois signifiés du pain, deviennent aussi signifiant en désignant simultanément la Vie éternelle et la Résurrection à la fin du Temps (Jn 6,53-54), la Demeure de Dieu en nous dans le présent (Jn 6,56), la Vie de Dieu depuis l’origine (Jn 6,57).
Ainsi manger le pain c’est communier au Crucifié par amour qui lui-même nous communique la Vie de Dieu : celle qui était, qui est et qui sera ! Bref c’est communier au mystère pascal qui jaillit de la Croix !
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