Pèlerinage aux sources...
- bohleremmanuel
- 28 mai 2024
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 mai 2024
Commentaire d’évangile pour le dimanche de la Trinité (Mt 28, 16-20) ; année liturgique B), célébré le dimanche 26 mai 2024.
Commentaire publié dans le journal hebdomadaire L'AMI HEBDO au sein de l'édition du 24 mai 2024.

La finale de l’évangile selon Matthieu nous permet d’entrevoir le mystère de la Trinité. Retour sur une finale aux saveurs abyssales d’infinie…
L’église nous propose de découvrir le mystère le plus insondable (qui est Dieu…), par un aussi bref extrait d’évangile…
Pourtant ces quelques versets sont à mettre en perspective avec l’ensemble du chapitre 28 de l’évangile selon saint Matthieu. Le récit qui précède cette scène insolite se passe au matin de Pâques.
Au lever du premier jour de la semaine (dimanche), Marie-Madeleine et l’autre Marie se rendent au tombeau (Mt 28,1). Un Ange descend alors du ciel avec l’aspect d’un éclair et un vêtement blanc, puis roule la pierre du tombeau au son d’un tremblement de terre (Mt 28,2-4). Cette vision semble faire mémoire de plusieurs théophanies de l’Ancien Testament : Za 9,14 pour l’éclair, Dn 7,9 pour le vêtement blanc, Ez 37,7 pour le tremblement de terre au moment où les ossements desséchés reprennent vie. L’Ange leur annonce que Jésus crucifié n’est pas dans le tombeau mais qu’il est ressuscité. Puis il les invite à regarder le tombeau vide comme pour constater que cet évènement constitue l’accomplissement des prophéties mentionnées par les éléments (éclair, vêtement, tremblement de terre) : tout est accomplie ! Enfin, en devenant le porte-parole de Jésus ressuscité, l’Ange les envoie annoncer aux disciples la résurrection en leur demandant de se rendre en Galilée (Mt 28,5-7). L’évangéliste semble suggérer que depuis l’origine, c’est bien le Fils, le Verbe éternel qui est annoncé en figure et se cache depuis l’origine à travers les prophéties de l'Ecriture ! C’est la mort et la résurrection qui constituent la source de cette Révélation : le Fils nous parlait depuis les origines, de manière cachée de son Père, mais maintenant il peut apparaître en pleine lumière !
C’est pourquoi, une fois en route, en un lieu inconnu, Jésus ressuscité apparait aux deux femmes alors en chemin. Mais il apparait dans le plus grand dépouillement, sans signes bibliques extérieurs, sans éclair, sans tremblement de terre, sans vêtement blanc... Rencontre familière, elles le reconnaissent, se prosternent devant lui en saisissant ses pieds comme pour le retenir (Mt 28,8-9).
Ces deux apparitions aux femmes constituent un véritable passage entre l’Ancien et le Nouveau ! Avec l’apparition de l’Ange, l’Ancien Testament est totalement achevé, au tombeau ouvert et vide ! Les signes anciens sont bien accomplis et cèdent la place au nouveau! Maintenant le Nouveau Testament pourra s'écrire ! Il se poursuit par l’apparition du Ressuscité quelque part sur la route ! La nouveauté de l'annonce de la Résurrection jaillira toujours de l'accomplissement des signes anciens de l'Ecriture dont le tombeau vide en est le seul signe nouveau !
Puis Jésus leur demande aussi d’annoncer aux disciples de se rendre en Galilée (Mt 28,10). Cependant au moment où le bon grain de la Bonne Nouvelle commence à être annoncée, l’ivraie du mensonge se propage aussi pour semer la confusion. Avec une provocante ironie l’évangile raconte comment les Grands-Prêtres, de la même manière dont ils ont corrompu Judas, ont corrompu les soldats par l’argent pour propager l’idée que les disciples ont volé le corps du crucifié (Mt 28,11-15).
L’évangile se termine par le récit pour ce dimanche de la Trinité.
Un mystère demeure, car on commence par raconter que les disciples doivent se rendre en Galilée sur une « montagne indiquée par Jésus ». Or dans tout ce qui a précédé, jamais l’Ange ou Jésus ne désigne une montagne, mais seulement la Galilée. A Pâques, la destination était cachée pour les disciples comme pour le lecteur ! La destination a été révélée dans le secret d’une marche !
Cette finale d’évangile est un authentique pèlerinage qui nous propose une nouvelle interprétation de la vocation d’Abraham !
Comme jadis Abraham (Gn 12,1-5), les disciples sont envoyés sans savoir encore où ils doivent se rendre. Mais au lieu de Dieu seul, c’est l’Ange et Jésus qui envoient ! Les disciples se mettent en route deux fois : une première fois pour aller du tombeau vide vers la Galilée. Une deuxième fois de la montagne en Galilée vers un lieu encore inconnu où l’on baptisera « au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ». Par ce pèlerinage du tombeau jusqu’au lieu du baptême en passant par une montagne de Galilée, on assiste à la naissance du Peuple de la nouvelle Alliance, au mystère de l’Eglise ! La descendance, aussi nombreuse que les étoiles, promise à Abraham trouve dans le Baptême un accomplissement : c’est là que sont engendrés de nouveaux enfants. Là Dieu se révèle Père pour faire de nous des fils dans le Fils par le don de l’Esprit !
Ainsi Résurrection-Ascension-Baptême sont un seul et même pèlerinage où Dieu se révèle, où les eaux de sa Grâce laisse transparaître le reflet de son image.
Dieu montre qu’il est « Père, Fils et Saint-Esprit » à travers l’œuvre de la Résurrection, du mystère pascal ; mais aussi par l’œuvre du Baptême où nous sommes plongés dans ce même mystère !
D'après cette finale de l'évangile selon saint Matthieu, la vie chrétienne est un pèlerinage dont le départ se situe au tombeau vide. Un pèlerinage pour continuer d'annoncer qu'au tombeau vide, toute l'Ecriture est accomplie. Mais un pèlerinage où le Ressuscité demeure présent pour marcher avec nous et nous précède.
Toi qui lis ce texte, si tu es baptisé, pense que le mystère dans lequel tu as été jadis plongé, est venu jusqu’à toi, à travers les âges et les vicissitudes de l’Histoire !
Comme en un unique pèlerinage, il a fait de toi, à ton tour, un pèlerin !
Comme jadis pour les femmes, ce pèlerinage commence pour toi dans un lieu vide que tu peux trouver... La solitude et le secret de ta chambre (Mt 6,6), mais aussi la solitude et le vide de ton âme... ou peut-être plus tragiquement les vides et les impuissances de ton existence... Oui conserve toujours en toi et recueille-toi en ce "tombeau vide", ce "creux d'un rocher" (Ex 33,22), cette "grotte intérieure", ce néant nécessaire où tu pourras entendre résonner, comme en écho, que toute l'Ecriture est accomplie, qu'Il est ressuscité, qu'Il te précède sans savoir où.
Comme jadis "lève-toi et marche" (Jn 5,8) ! Prends la route et marche avec pour seul bagage cette désarmante annonce: Il est ressuscité, il te précède"!
Alors marche !
Fais-lui confiance et marche avec Lui, Lui qui a promis d'être avec toi tous les jours !
Avec sa confiance, plus tu marcheras avec Lui, plus tu comprendras combien Dieu est « Père, Fils et Saint-Esprit ».
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