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La complainte du « Passe muraille »


Cet article a été publié le 26 octobre 2012 pour le journal hebdomadaire « L’Ami Hebdo ». Commentaire l’Evangile du dimanche 28 octobre 2012, racontant la guérison de l’aveugle Bartimée (Mc 10, 46-52).


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Au pied d’un saule pleureur de l’automne, assis au bord d’un fleuve jonché de ses feuilles, laisse-moi Jéricho me souvenir de toi et de tes murs, en t’adressant ma complainte.

Toi, l’une des villes encore habitées parmi les plus anciennes du monde. Quelle histoire si riche, du haut de tes onze siècles d’existence connus. Toi la première ville conquise par Josué après le passage du Jourdain, vers cette Terre Promise d’où coulent le lait et le miel. Et dire que pour passer tes murailles, Josué eu recourt au soutien et à l’aide d’une prostituée. C’est grâce au concours de Rahab, que la Promesse Divine a pu s’accomplir. Jéricho, tes murailles seront détruites grâce à la l’action salvifique de Dieu, manifestée par cette procession autour de toi de l’Arche de l’Alliance. C’est ainsi que le fond de la disgrâce, s’associant au sommet de la Grâce, permettent d’abattre tes murs !

C’est ce même Josué qui fera de toi un signe de malédiction et qui te détruira. Et malheur à celui qui reconstruira tes murailles, sinon au prix d’un sacrifice infanticide ! Jéricho, c’est en ton sein que se mêlent le lait et le miel de la Promesse, mais en même temps le sang des innocents. Curieux paradoxe.

Selon le premier Livre des rois, il faudra attendre Hiel de Bethel pour les reconstruire au prix de la vie de ses deux fils Abiram et Segub. Voilà le gage qui redonnera grâce auprès de Dieu à ton territoire.

Et pourtant, avec Jésus rien n’a changé ! Au pied de tes murailles, voici l’aveugle Bartimée… Lui aussi signe de disgrâce, à qui les dévots de Jésus tentent à tous prix de faire taire le vacarme de son cri d’appel. Comment cette foule, suivant Jésus parce que se délectant de ses paroles, peut manifester un cœur de pierre aussi insensible, servant à construire dans l’hystérie, cette barrière entre cet étranger et Lui ? Comment cette foule en quête de la Parole de Dieu, en arrive-t-elle à nier à ce point le quatrième Commandement qui demande d’aimer son prochain comme soi-même ? Et pourtant Jéricho, c’est bien plus que l’Arche de l’Alliance qui tourne autour de tes murailles ! C’est le Fils de Dieu lui-même, en chair et en os, qui va ainsi détruire non plus tes murailles de pierres, mais les barrières entre les hommes. C’est lui, le sommet de la Grâce ! La Grâce faite chair, qui faisant se lever l’aveugle Bartimée, dont la disgrâce le liait au sol, va faire tomber la muraille de la haine, qui malheureusement les séparait. Alors qu’il n’est pas encore guérit de sa cécité, voilà que Bartimée marche déjà vers Celui qui n’est que Lumière et liberté.

Et pourtant Jéricho, ce n’est pas pour autant que tes murailles seront bénies davantage, car pour faire tomber le mur de nos divisions, que les foules d’aujourd’hui construisent avec frénésie, et qui sépare les hommes, il a bien fallu un autre Sacrifice infanticide, celui d’un Innocent qui n’avait rien fait de mal, si ce n’est d’avoir eu l’audace de manifester la Charité parfaite, celle qui ne s’achète pas en récompense du mépris. C’est au prix de son sang que le Christ, aujourd’hui encore, peut faire tomber les murailles de la haine et du mépris des violents.

Faut-il que le monde soit plus aveugle que Bartimée, pour se rendre compte qu’aujourd’hui, à quelques kilomètres de toi Jéricho, un mur s’est construit entre la ville sainte et la « Maison du Pain » ? Oh Jéricho, si tu savais le sentiment d’effroi qui m’a habité lorsque je l’ai vu… Alors qu’en novembre 1989, jeune adolescent, j’en ai vu un autre qui grâce au ciel, est tombé au pays voisin du mien, et qui pendant plus de cinquante ans avait causé tant de souffrances humaines.

Faut-il que nous soyons plus aveugles que Bartimée pour ne pas voir certaines de ces foules d’idéologues exaltés qui aujourd’hui encore sèment la peur, le doute, la discorde et la division entre les personnes ?

Seigneur Jésus, que ton Eglise, ce Peuple de Dieu, puisse comme Josué jadis, marcher autour de ces murailles d’aujourd’hui, pour les briser et accomplir cette mission de « passe-muraille » !

C’est vraiment notre humanité qui porte en elle le germe de cette Terre Promise, et à Dieu ne plaise, voilà ma seule prière : comme j’aimerais n’y voir couler, que du lait et du miel…


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