Divisez pour mieux...

Commentaire d’évangile pour le 20ème dimanche du Temps Ordinaire  (Lc 12, 49-53 ; année liturgique C), célébré le dimanche 17 août 2025.

Commentaire publié dans le journal hebdomadaire L'AMI HEBDO au sein de l'édition du 17 août 2025.

« Le mont sous-marin AXIAL » (2025) volcan sous-marin de l'océan Pacifique situé à l'ouest des Etats-Unis.

Qui ne connais le célèbre adage machiavélique « divisez pour mieux régner ». L’ambiguïté de cette page d’évangile lui donnerait-elle raison ? Jésus ne serait-il, au fond, qu’un semeur de trouble ? Retour sur une complexité d’interprétation.

            Comment interpréter ces deux versets où Jésus annonce qu’il est venu apporter un feu sur la terre, puis qu’il est venu apporter la division et non la paix ? Son feu céleste est-il celui de la destruction, de la colère divine ?

Il est donc nécessaire de cerner avec justesse le sens du terme division pour ne pas faire de ce passage une justification pour les disciples du Christ de bien des fanatismes, intolérants et destructeurs. Comme dans presque toute parabole, la clef d’interprétation se trouve à la fin. Jésus prend l’exemple d’une famille divisée dont la description de toutes les divisions est une citation du prophète Michée (Mi 7,6).

Dans le contexte du Livre de Michée, la division familiale est la figure du peuple gangréné par les actions mauvaises envers le prochain : il n’est plus capable de l’aimer comme lui-même ! Il est totalement corrompu pour le trahir viscéralement (Mi 7,2-4) ! D’où il faut se diviser de ce peuple divisé qui n’est capable d’agir que par méchanceté ! Par une mise en abime narrative, la division semble une prise de distance face à une situation inexorablement viciée. Ainsi la division, au sens biblique, est davantage la métaphore d’un renoncement à faire le Mal, d’une séparation envers une tentation, un Tentateur. Bref le refus d’être corrompu ! Michée l’écrit : « ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité, et t’appliquer à marcher avec ton Dieu » (Mi 6,8). Tout aussi paradoxal, la division semble donc synonyme de conversion !   

Avec ce contexte biblique, le feu céleste envoyé par Jésus n’est pas le feu de la destruction ou de la colère divine, mais le feu d’un Salut, d’un Amour Miséricordieux face à un peuple qui s’est corrompu, comme jadis Dieu grava de son Feu les Tables de la Loi alors que le peuple idolâtrait le Veau d’or !

Si jadis la Parole de feu fut le ferment d’une Alliance, le baptême dans l’eau et l’Esprit, figure de la mort sur la Croix d’où jaillit l’Esprit, est gage d’une Alliance nouvelle et éternelle ! Là nous sommes séparés, divisés, de ce qui est divisé par le péché !

Là s’accomplit une autre prophétie de Michée qui évoque l’offrande d’un fils, fruit des entrailles miséricordieuses, pour le pardon des péchés (Mi 6,7). Bref rien de machiavélique !

En apportant la division Jésus devient, de manière subtile, semeur de conversion, de réconciliation !

Son impatience devient le signe de l’Amour de Dieu qui est lent à la colère et plein d’amour (Nb 14,18), qui ne veut pas la mort du pécheur mais sa conversion (Ez 18,32), qui comme un Père attend le retour d’un enfant prodigue (Lc 15,11-32) !

Cela entre en parfaite harmonie avec saint Paul qui écrit aux Corinthiens : « … j’entends dire que, parmi vous, il existe des divisions, et je crois que c’est assez vrai, car il faut bien qu’il y ait parmi vous des groupes qui s’opposent, afin qu’on reconnaisse ceux d’entre vous qui ont une valeur éprouvée. » (1 Co 11,19-20).  

Ainsi, tout aussi étonnant que cela puisse paraître, la division au sens biblique semble une vertu morale, pour faire advenir une fidélité à l’Evangile du Christ, la source du Salut qui coule pour tous !