Le Maître face à une bévue ancillaire?

Commentaire d’évangile pour le 16ème dimanche du Temps Ordinaire  (Lc 10, 38-42 ; année liturgique C), célébré le dimanche 20 juillet 2025.

Commentaire publié dans le journal hebdomadaire L'AMI HEBDO au sein de l'édition du 20 juillet 2025.

« Le Christ dans la maison de Marthe et Marie » (1654), peinture de Johannes VERMEER (1632-1675)

Alors que sa fête liturgique sera célébrée le 29 juillet, la figure de Marthe faisant le service et son non moins célèbre esclandre sont dans les mémoires. Mais qui a-t-il vraiment en jeu dans cette scène aux accents de vaudeville ?  

Si le vaudeville est caractérisé par le comique de situation, il faut reconnaître que cette scène, où d’un côté Jésus enseigne Marie et de l’autre Marthe s’afférant à tous les détails du service, met en lumière une insolente provocation ! Il se trouve que Marthe interrompt sans concession l’enseignement de Jésus à sa sœur, pour se plaindre de contingences exclusivement matérielles.

Si Marthe accomplit avec excès de zèle le commandement de l’amour du prochain à travers le service, n’en aurait-elle pas oublié l’identité de l’hôte qu’elle accueille ? Car après tout, qui est entré sous son toit ? C’est le Fils de Dieu venu dans sa maison ! C’est le Fils de Dieu qui parle et qui enseigne dans sa demeure, faisant de cette dernière un lieu digne de la Tente du Rendez-vous, digne de la Montagne du Sinaï où Dieu fit entendre sa Parole dans la nuée ou bien dans le buisson ardent.

Souvenons-nous que jadis, comme pour la vocation d’Isaïe, lorsque Dieu parle les anges et les hommes se prosternent ! Marie, en arrêtant ses activités, en s’asseyant et en écoutant le Maître, incarne celle qui reconnait en Jésus le Verbe éternel du Père ! Par son attitude corporelle et silencieuse, elle reconnait que Dieu lui parle ! Elle reconnait que Dieu lui-même est venu visiter sa maison ! Cette scène est une visitation !

Et Marthe ? A-t-elle reconnu cette visitation ? A-t-elle entendu Dieu lui parler à travers la voix de Jésus ? A-t-elle reconnu Dieu venu visiter sa maison ? Est-elle capable, comme Pierre de confesser "A qui irions-nous Seigneur ? Tu as les Paroles de la Vie éternelle! " (Jn 6,68) ?

En s’afférant avec autant de zèle pour le service, Marthe ressemble à Abraham, le modèle de l’hospitalité. Cependant en accueillant les trois voyageurs, la Genèse nous révèle qu’Abraham semble parler tantôt à une seule personne, tantôt à trois. Y-a-t-il alors un ou trois voyageurs ? Ce mystère numérique ainsi raconté met en évidence le mystère de l’identité du ou des hôtes de passage : c’est Dieu en son mystère qui vient visiter Abraham ! Ce dernier déploie un zèle d’hospitalité et de service parce qu’il a pris conscience que Dieu venait le visiter !

Or les détails de l’évangile semblent nous révéler que Marthe n’a pas encore reconnut en Jésus son Seigneur et son Dieu. Le service qu’elle déploie n’est pas encore ce don gratuit, cette offrande envers Dieu qui est présent, mais un geste uniquement humain suscitant encore rancœur et jalousie. Est-ce un déguisement de vanité ? Curieux paradoxe de ceux qui voulant tellement bien faire pour accueillir, finissent par ne plus être accueillant !

Marthe semble ne pas encore avoir compris que Jésus s’est fait à la fois serviteur et nourriture : serviteur parce qu’il enseigne, nourriture parce qu’il nous donne son Pain, celui de la Parole de son Père.

Marie la servante est déjà à table se laissant servir par le Maître. Marthe n’a pas encore ôté la tenue de son service pour pleinement accueillir et surtout être accueilli ! Pourtant elle est déjà invitée à y prendre part…