Recension du livre "Le mariage d'amour a-t-il échoué ?" de Pascal BRUCKNER
- bohleremmanuel
- 27 nov. 2020
- 4 min de lecture
Diffusée sur les ondes de Radio Jérico. Direct pour la rubrique "Paroles d'Evangile" au sein la matinale de Thierry GEORGES.
Février 2013.
Edition sortie en librairie le 15 septembre 2010
C’est en septembre 2010 qu’a été publié aux éditions GRASSET, un essai de Patrick BRUCKNER sur la question du mariage.
Je l’avais acheté tout juste avant mon emménagement à Metz… Mais il faut dire que dans l’empressement d’une rentrée et d’une installation de septembre, il fût trop vite rangé dans ma bibliothèque…
Lors de sa sortie, LE FIGARO avait organisé une rencontre avec le philosophe Luc FERRY.
Et pourtant, depuis plusieurs semaines avec le bras de fer "Babord/Tribord", entre ceux qui veulent gueuler les plus forts ; de même que les réflexions actuelles m’ont fait souvenir de l’existence de ce livre.
Il est génial de lire un livre pareil, avec un titre pareil, compte tenu des questions d’aujourd’hui sur me mariage!
Alors, est-ce un essai réactionnaire ?
Un essai d’avant-garde et ultra progressiste?
Et s’il était une alternative entre 2 courants déchainés qui aujourd’hui nous poussent, comme par tragédie, à opter pour l’un des 2 camps…
Déjà l’essayiste Pascal BRUCKNER a un parcours assez atypique.
Né en 1948 dans une famille protestante mais éduqué dans un collège Jésuite.
Il fit une thèse remarquée sur la notion d’émancipation sexuelle dans l’œuvre de Charles FOURIER, à une époque où il se revendiquait « trotskiste non pratiquant ».
Face à cette personnalité riche, son essai est tout aussi captivant.
Il s’agit en fait d’une relecture philosophique du mariage depuis la Révolution Française, surtout avec la question de la légalisation du divorce.
Il essaye de comprendre au travers des œuvres littéraires sur le mariage des fins XVIII et XIXème siècles, les conséquences philosophiques et anthropologiques. Il prend volontiers une forme de « désespérance » face à une sorte de désaffectation du mariage. Mais pourtant il y croit !
Jugez vous-même par cet extrait :
« …L’amour est à réinventer a écrit Rimbaud. Phrase malheureuse, non de poète mais de planificateur, de chef d’entreprise qui veut reconstruire pour mieux soumettre à ses vues sa propre création.
La théorie du progrès en matière de sentiment est une théorie de la condamnation puisque nous devons toujours faire mieux et que demain périmera aujourd’hui : impossible de se reposer sur ses lauriers, il faut aller de l’avant, tel Sisyphe, voué à son interminable labeur.
Or l’amour n’est pas à réinventer mais à vivre dans toutes ses dimensions tragiques et magiques à la fois. Il reste merveilleux en ce qu’il n’est pas réformable de même que le bonheur, c’est son prix, n’est accessible que par éclairs épisodiques. (…)
Les cultures occidentales sont prises dans un cercle vicieux : elles convoitent deux objets, la félicité et l’amour, qui ne cessent de se dérober à leur contrôle exactement comme la nature ridiculise, par ses dérèglements, ses éruptions, notre volonté de la dominer. Elles payent cher d’avoir confondu passion et institutions. La déraison des Modernes depuis les Lumières, c’est le promothéisme des humeurs, l’ambition de régir l‘intime et d’en faire une politique généralisée. (…)
On ne peut rien bâtir sans passion, on ne peut rien bâtir de durable sur la seule passion. Pour sortir de cette antinomie, il faut parier sur des institutions stables qui transportent le temps et nous arrachent aux vacillements de la subjectivité. Encore faut-il que les formes sociales ne se réduisent pas à de simples flux, ne se dégradent en réseaux.
Réjouissons-nous en un sens de la déroute de nos utopies matrimoniales : cela prouve que l’amour garde son pouvoir subversif, qu’il demeure ce démon intempestif qui consume ses propres enfants à force d’exigences. C‘est notre tentative de l’apprivoiser qui a échoué plus que le mariage proprement dit. Il n’est pas, comme on l’a dit, ce ciment qui mettrait sa puissance au service de l’institution, il reste un explosif qui nous saute au visage, de la dynamite pure et simple. »
Dans cet essai, il expose comment le divorce a été légalisé pour s’affranchir de la religion et surtout du mariage dit "de raison" qui dominait tellement, à tel point que l’amour et les êtres en étaient oubliés.
On ne peut comprendre cette vision du mariage issue de la philosophie des Lumières sans manifester le lien étroit avec le divorce considéré comme le moyen grâce auquel l’amour puisse être mis au centre.
Ainsi il montre en outre comment la notion de « mariage d’amour » a pris essor pour devenir, encore aujourd’hui, les revendications et l’argument suprême.
Or pour Pascal BRUCKNER, le mariage laisse entrevoir cette fatalité: le mariage d’amour a tué le mariage ! Cela semble une tragédie pour lui, car telle une énergie nucléaire, l'amour demeure une force merveilleuse, mais qui mal utilisée peut provoquer des catastrophes !
Il reste convaincu que le mariage demeure en crise, précisément parce qu’en mettant l’amour au centre, on y place cet idéal sublime trop haut.
Il est convaincu de l’influence chrétienne de l’amour, comme manifestation du divin et même si nous vivons dans un siècle de plus en plus sécularisé même sans Dieu, nous conservons en Europe cet idéal quasi « divin » de l’amour.
Ainsi face à cette grandeur de l’amour et de la vie à deux, si haut placée face à nos limites qui nous rattrapent toujours, on se décourage et on désespère, surtout lorsque cela commence à être compliqué.
Bref avec l'idéal de l'amour, l’engagement fait peur!
Il trouve curieux et paradoxal qu’une légalisation du divorce, voulu pour s’affranchir du mariage de raison afin d'asseoir le mariage d’amour, n’a pas pour autant favorisé le mariage mais au contraire en a perpétué sa chute numérique !
De même que le PACS, qui au lieu de servir aux homosexuels a surtout servi les couples hétérosexuels à fuir le mariage.
Voici un essai passionné, passionnant, mais "raisonné" !
Pascal BRUCKNER ouvrirait-il la voie au mariage d’amour, mais au mariage d’amour raisonné ?
Question à suivre !
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