Fais attention à ce que tu dis!

Cet article a été rédigé pour le journal hebdomadaire « L’Ami-Hebdo », édition du 13 février 2015. Libre commentaire pour le 6ème Dimanche du Temps Ordinaire (B): 15 février 2015 (Mc 1, 40-45).

"Guérison d'un lépreux"

Telle serait la remarque que l’on pourrait faire à ce lépreux bien audacieux, face à Jésus qui recherche la discrétion.

Voilà un lépreux qui par deux fois sonne la trompette de sa renommée, mais une trompette bien mal embouchée…

Une trompette bien embouchée pour un lépreux, acclame haut et fort : « Impur ! Impur », car telle est la Loi selon les préceptes de Moïse. Mesure de quarantaine assez radicale !

Voilà la renommée d’un lépreux : « Surtout écartez-vous de moi, ne venez pas ! Fuyez loin de moi ! ». Curieuse renommée que de devoir éloigner les personnes avec qui on aurait pu avoir un semblant d’existence sociale, et au bout du compte, se retrouver dans une solitude implacable… Un tombeau de solitude !

Mais ce lépreux évangélique a une trompette qui sonne faux ! Déjà parce qu’au lieu de se déclarer « impur » et devant faire le vide autour de lui, ce lépreux vient auprès de Jésus et demande en plus qu’il le purifie. Au lieu de crier une « renommée » irréversible condamnant à l’exclusion, voilà qu’il manifeste son aspiration à un réel changement ! D’autant que sa demande est profondément humble puisqu’il laisse la liberté à Jésus de l’exaucer ou pas, ne le forçant pas à le guérir. On contraire ce lépreux reconnait en Jésus un « possible » ! Un peu comme l’expression « Que ta volonté soit faite » que nous redisons à chaque prière du Notre Père.

D’ailleurs l’excès de joie de ce lépreux face à sa guérison, le fait sonner encore une fois de la trompette ! Mais hélas, encore et toujours mal embouchée…

D’une part parce qu’il ne respecte la volonté très humble de Jésus qui lui avais demandé de ne rien dire à personne, mais surtout d’accomplir la Loi de Moïse en ce qui concerne la purification de la lèpre (Lv 13, 1-2.45-46).

D’autre part, parce qu’il clame haut et fort l’action même de Jésus. En sonnant ainsi de la trompette, la publicité de ce lépreux est telle, que le pauvre Jésus doit se cacher et quitter la région, comme s’il était devenu lui-même un lépreux…

Jésus lui-même est décrit à la fin de l’Evangile comme victime d’une lèpre…

Est-ce une maladie d’être le Fils de Dieu et de guérir publiquement un malade? Pour les hommes au cœur pur non, pour les croyants certainement pas… Mais pour les démons et autres faux prophètes ou faux dévots, pour ceux qui ont un cœur de pierre, c’est un obstacle aux ténèbres…

Et pourtant Jésus continue de s’abaisser.

Pour le trouver, comme jadis par l’invitation amoureuse de Dieu à son peuple selon le prophète Osée, il faut aller le chercher au désert. C’est là que les autres pourront communier à cette même compassion publiquement témoignée au lépreux au moment de sa guérison.

Cette trompette de la renommée, par deux fois mal embouchée, acclame la Volonté de Dieu : celle de vouloir guérir et purifier. Quelle sonnerie ! Allons-nous l’entendre et y répondre ?

En tous cas, elle sonne déjà l’appel au carême, qui pour les chrétiens manifeste cette Volonté de Dieu de conduire l’homme au désert afin de parler à son cœur, de le séduire, de le sauver du péché. Le témoignage de ce lépreux est le gage, la finalité même du carême : celle d’être purifié de la lèpre du péché. C’est déjà une anticipation du mystère de Pâques où Jésus s’abaissera jusqu’à bout, et sera traité comme « impur », rejeté par les siens, alors qu’il est le Saint, le Saint de Dieu !

« Saint ! Saint ! Saint le Seigneur ! » Tel devrait être le chant des trompettes qui aujourd’hui encore annonce le pèlerinage du carême !