Curieux destin que celui d'une citation!
- bohleremmanuel
- 30 nov. 2020
- 3 min de lecture
Commentaire d’évangile (Mc 7,1-8.14-15.21-23) pour le 22ème Dimanche du Temps Ordinaire (année liturgique B), célébré cette année le dimanche 30 août 2015.
Commentaire publié dans le journal hebdomadaire l’AMI HEBDO, au sein de l'édition du 28 août 2015.

« Le repas chez Simon » (vers 1445-1450), de Thierry de BOUTS (1415-1475)
La célèbre citation d’Isaïe qu’utilise Jésus dans le contexte évangélique peut donner lieu à de terribles interprétations, finissant par nous faire « jeter les coupes avec l’eau de vaisselle » !
L’expression populaire « attention à ne pas jeter bébé avec l’eau du bain », traduit maladroitement et naïvement l’idée de ne pas se laisser aller à des interprétations trop hâtives, où voulant trop purifier on finit par faire plus de mal que de bien.
Nous pourrions transposer cette expression, face aux actes que peuvent engendrer une interprétation trop fanatique de l’emprunt de la citation d’Isaïe par Jésus.
En voulant trop vite purifier l’Eglise des « pharisianismes » qu’elle porte, nous finirions par réveiller le vieux pharisien qui dort en nous, et au bout du compte agir comme eux, avec autant d’intolérance et de fanatisme…
Puis nous nous absoudrions tranquillement puisque c’est pour la bonne cause…
Et puisque Jésus lui-même a dit de laisser tomber toute la tradition qui vient des hommes, alors débarrassons-nous par celle qui nous vient de nos Pères dans la foi et qui ont façonné notre manière de vivre en chrétien…
Un christianisme qui serait complètement détaché et affranchi de ses racines concrètes et des contingences de son histoire courrait le risque de retomber dans la plus vieille hérésie que l’on nomme le docétisme (courant pour qui l’humanité de Jésus-Christ n’est qu’une illusion : il a fait semblant d’être un homme) et devenir un nouveau gnosticisme (mouvement religieux des premiers siècles du christianisme antique où le corps et la vie terrestre sont des prisons dont l’homme doit s’affranchir pour être sauvé).
Or sommes-nous sûrs qu’en citant Isaïe (Is 29,13), Jésus critique les pratiques rituelles de son peuple, dont un certain nombre sont inscrites dans l’Ancienne Alliance ?
Dans le contexte du Livre d’Isaïe, cette citation ne désigne en aucune manière les pratiques humaines, mais elle est un pamphlet direct contre les mauvaises interprétations de l’Ecriture. En fait ce que la citation nomme les « traditions humaines », représentent une prédication erronée de l’Ecriture, rendant la Parole vivante du Seigneur comparable à un texte que l’on ne sait plus lire, ni même ouvrir. Le prophète emprunte l’image du livre scellé et du lecteur qui ne sait pas lire. En sommes, Jésus compare les pharisiens à ceux qui ont rendu la Parole vivante du Seigneur incompréhensible et illisible !
C’est pour cette raison que tout de suite après emprunté la citation, Jésus propose deux enseignements. Un plus général à la foule, puis un approfondissement aux disciples. Il utilise la comparaison de la purification rituelle des coupes, pour proposer un enseignement sur la question du Mal.
Selon la prédication du Seigneur, le Mal est différencié de l’homme mais il demeure en lui. Le Mal est « entré » à l’intérieur de l’homme, pouvant influencer sa volonté et l’incliner vers des actes mauvais. L’impureté serait alors, comme un virus qui « entrerait » en nous et qui se développerait. Ici Jésus ne fait que proposer une interprétation et un approfondissement de la chute d’Adam et de l’entrée du Mal dans le cœur de l’homme.
La juste prédication permet alors d’affiner nos oreilles intérieures et empêcher que notre cœur se gangrène. L’écoute et l’approfondissement du sens des Ecritures seront comme un remède préventif comme l’action du Mal, tout en permettant d’opérer un bilan de santé de notre vie intérieure.
Jésus est à la fois prédicateur, médecin et médicament.
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