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Le songe des trois tonneaux

Ce texte a été publié le 28 septembre 2012 pour le journal hebdomadaire « L’Ami Hebdo », à propos des lectures de la messe du dimanche 30 septembre 2012 (Mc 9,38-43.45.47-48).

Un commentaire sous forme de conte initiatique…



» Une nuit j’ai fait un songe…En bon Lorrain j’ai rêvé que le grand saint Nicolas venait à ma rencontre. Il avait un Evangéliaire avec lui, et se mit à me faire la lecture, pour m’aider dans mon rêve, à m’endormir… C’était le passage de ce dimanche d’ailleurs…

L’écoutant avec la naïveté des enfants à qui l’on raconte une histoire pour s’endormir, je me suis mis à rêver tout éveillé… Je vis la cave d’une auberge avec trois tonneaux en forme de livres, et à coté, Jésus aux allures de boucher. Alors tout en dormant éveillé, j’ai coupé la parole au grand saint en m’insurgeant :


« L’eussiez-vous cru, que Jésus puisse être aussi cru ? Comment avoir foi en Jésus quand il s’insinue en boucher, dont nous autres pauvres petits enfants, nous aurions vu certains de nos membres, coupés et finir dans ces curieux saloirs. Nous n’en sommes plus à une allitération près avec le Seigneur ! Lui qui jetant la confusion parmi les disciples, faisant de l’Evangile ces « tonneaux salés », sorte de tombeaux scellés par des épitaphes, où l’on peut y lire : « Ci-gît une main, celle qui n’a pas voulu sauver Joseph qui était enfermé dans la fosse ». Ou bien : « Ci-gît un pied, celui qui n’a pas été vers l’inconnu qui agonisait sur le chemin entre Jérusalem et Jéricho». Ou encore : « Ci-gît un œil, qui jalousement a convoité Suzanne qui n’était pas sa femme ». Oh grand Saint Nicolas, délivrez-moi de ce tourment ! Empêchez, oui empêchez Jésus de me faire la même chose ! Je ne veux pas finir, comme les trois enfants de jadis, coupé ainsi en petits morceaux! »

A ce moment saint Nicolas vient vers moi, me toucha les yeux et les oreilles en me disant « Ephata », mais je ne comprenais pas le sens de ce mot… Il ajouta : « Sais-tu que le mal est une déformation de la réalité ? Es-tu sûr que ce soit Jésus ce fameux boucher ? Crois-tu que Celui qui a pris la chair de ta chair, et les os de tes os, soit en même temps celui qui s’en moque à ce point-là et qui les dédaigne comme étant si mauvais? Allons sois logique un peu, utilise ta raison et tu comprendras ! N’est-ce pas une tentation, un aveuglement ? Et puis es-tu bien sûr que l’Evangile soit comparable à un tonneau pour devenir un tombeau ?»

Cette question me fit réfléchir, et je me dis que le grand saint, dans sa sagesse, a bien raison. Ma vision n’est pas logique effectivement. Jésus ne peut pas être contre ce qui constitue notre humanité. Il l’a assumé jusqu’au bout, il l’a sauvé, et il a même promis de la ressusciter au Dernier Jour. Il ne peut donc haïr notre corporéité. Mais alors, pourquoi ces tonneaux scellés par des épitaphes ? Ne serait-ce pas la clef de l’énigme pour comprendre ? Je racontais alors au grand saint, cette curieuse vision qui m’effrayait encore.

Il me dit : « Ces épitaphes, quel rôle ont-elles? » Je lui répondis : « Elles empêchent d’ouvrir les tonneaux, et ainsi rendent prisonnier les membres du corps qu’ils contiennent ». Il poursuit : « Tu as vu juste ! Ils empêchent ! Ces épitaphes sont la métaphore des disciples qui selon les Ecritures, ont volontairement empêché ces inconnus de faire le bien, au nom de Jésus. En empêchant cette charité, les douze ont comme scellé un tombeau, ils ont enfermé l’élan du cœur. Fais comme moi ! Jadis j’ai ouvert des tonneaux pour libérer les trois enfants, toi aussi fait de même ! Va ouvrir ces tonneaux pour libérer l’élan du cœur et les gestes concrets de charité que l’on peut faire avec la main, le pied, l’œil. ».

J’exécutais alors la demande. En m’approchant des tonneaux je me suis rendu compte que le grand saint Nicolas n’était plus là… Alors je me suis mis à fractionner ces scellés. Le bruit de cette fraction était tel dans cette cave, que j’avais l’impression d’entendre comme je n’avais jamais entendu. Une curieuse sensation m’envahit. Les tonneaux, qui avaient la forme de livres s’ouvrirent, et éblouirent mes yeux. Alors je vis apparaitre une phrase « Faites tout pour avoir la charité». Je m’assis au fond de la cave et ruminais cette phrase. Alors je m’endormis dans ce curieux rêve…

Je me suis réveillé dans ma chambre, avec cette phrase qui résonnait encore en moi… Mais n’est-ce pas un extrait de l’hymne à l’amour de saint Paul dans sa première Lettre aux Corinthiens ? J’ai été vérifié dans ma Bible. Alors j’ai compris et je me suis écrié : « Si je ne pratique pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’une vieille barrique, vide et creuse, seule gisant au fond d’une cave… »

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