Est-il si intransigeant que cela ? Attention le sens nous trompe !
- bohleremmanuel
- 7 déc. 2020
- 3 min de lecture
Commentaire d’évangile (Mt 25, 14-30) pour le 33ème Dimanche du Temps Ordinaire (année liturgique A), célébrée cette année le dimanche 19 novembre 2017.
Commentaire publié dans le journal hebdomadaire l’AMI HEBDO, au sein de l'édition du 17 novembre 2017.

« La parabole des talents » (1629), Claude VIGNON (1593-1670)
La plus part des commentaires de cet Evangile place l‘observation du côté des ouvriers et de leur talent. Et si l’on se plaçait du côté du Maître. Est-il si dur que cela ?
Alors posons notre regard sur lui à partir des indices que nous donne le texte biblique.
Pratiquant l’art de la délégation, il va confier la gestion de ces biens à ses serviteurs pendant son absence.
Pourtant l’Evangile nous signale « qu’il donnait à chacun en fonction de leurs capacités ». Voilà donc un Maître qui connait ses serviteurs, qui semble savoir ce dont ils sont capables. En un mot, il semble les respecter puisqu’il leur confie une tâche en fonction de leur possible: il n’y a pas de piège ou de tactique pour les mettre à l’épreuve.
Il n’y a pas de préméditation pour les faire chuter.
D’autre part l’Evangile nous signale que le voyage dur un moment certain.
Nous ne connaissons pas cette durée, mais elle doit être suffisamment longue pour que le texte signale « longtemps après ». Il ne doit être ni scrupuleux ni possessif pour agir de la sorte ! Ce serait plutôt un signe de confiance vis-à-vis de ses ouvriers. Une confiance qui n’est pas histoire de compétences, d’élitisme, de favoritisme puisqu’il donne à chacun selon leurs capacités. Il confie ses biens à une véritable communauté humaine dont la constitution reconnait une diversité.
Le moment de son retour est plus complexe en apparence.
Tout d’abord, il est normal qu’il demande les comptes de la gestion de ses serviteurs. Mais nous pourrions nous demander à partir de quels angles il le fait.
Est-ce sous l’angle de la rentabilité des talents ? Celui qui fera plus gagnera plus ? Nous serions tentés de le croire, mais ce serait une erreur car nous aurions déjà oublié qu’il a donné ses talents en fonction des capacités de ses serviteurs.
D’ailleurs la réponse qu’il donne au moment où ils rendent des comptes est composée de manière litanique : c’est la même pour tous.
Ce ne semble pas sous l’angle des talents, autrement dit de son bien, que le Maître porte un jugement. Ni même en fonction des recettes puisque celui qui en rapporté 10 a le même satisfecit que celui qui en a rapporté 5 : ils sont de bons et fidèles serviteurs.
L’Evangéliste Mathieu se distingue résolument de la version de l’Evangéliste Luc (Lc 19, 16-24). La version de saint Mathieu (Mt 25, 14-30) ne semble pas faire un jeu de mots entre le talent (valeur monétaire) et le talent (don remarquable d’une personne à réaliser une chose).
Ici le sens du mot « talent » nous trompe!
Ce sont nos propres sentiments de calculs et de rentabilité qui nous feraient perdre le sens de cet Evangile. En effet, faire l’éloge du talent n’est au fond que rechercher des personnes rentables!
Au-delà des apparences, ce Maître ne regarde pas ses serviteurs en fonction de ses talents et des dividendes, ni même en fonction de leurs talents mais en fonction de l’utilisation des capacités de chacun.
Il demande à ses serviteurs de rendre des comptes de leur possible : qu’avez-vous fait de vos capacités ce premier don si précieux?
Qu’elles soient grandes ou petites, qu’elles soient prometteuses ou limitées, la capacité est un bien universel alors que le talent est pour quelques uns.
Ici le Maître de l’Evangile ne porte pas un jugement en fonction de son bien et des intérêts qu’il aurait pu en avoir s’il avait tout confié uniquement à des professionnels, des talentueux.
Au contraire, ce sont les capacités de ses serviteurs qui sont au centre de son regard.
Quelque soit ta capacité, qu’en fais-tu ?
Le Maître se place en parfait éducateur et son voyage n’était qu’une sorte de prétexte initiatique. Il place l’humanité de ses serviteurs au centre, indépendamment de ses biens qu’il leur confia.
En voilà un ferment pour nourrir une réflexion éducative et une formation humaine, car nous pourrions comparer les talents à ce trésor de l’humanité qu’est le don de la connaissance.
Or pour mettre à profit ce don il faudrait que cet apprentissage se conjugue en même temps et d’abord avec une maturation des capacités de chacun.
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