Geste équivoque et discernement
- bohleremmanuel
- 8 déc. 2020
- 3 min de lecture
Commentaire d’évangile (Mc 9, 30-37) pour le 25ème Dimanche du Temps Ordinaire (année liturgique B), célébrée cette année le dimanche 23 septembre 2018.
Commentaire publié dans le journal hebdomadaire l’AMI HEBDO, au sein de l'édition du 21 septembre 2018.

« Jésus bénit les enfants » (1652), par Nicolas MAES (1634-1693)
Prendre un enfant dans ses bras et l’embrasser !
Que penserait un lecteur d’aujourd’hui face à ce geste?
Son imaginaire manipulé serait-il tenté de penser que Jésus est tendancieux ?
Pas facile d’entendre cette page d’Evangile alors que la Société et l’Eglise sont secouées par des affaires de mœurs…
[Pas facile,
lorsque certains médias et autres internautes
labourant le champ du virtuel,
tel Zoro s’autoproclament vengeurs masqués
à coup d’articles et de tweet…
En se prenant pour des justiciés à coup d’envoyés spéciaux,
ils imposent une sorte de carcan émotionnelle ;
où tentant de conditionner notre imaginaire par une asphyxie unilatérale,
l’opinion semble subtilement se substituer à la Justice institutionnelle,
même quand cette dernière a été saisie…
Pas facile de discerner et faire œuvre de justice dans de telles conditions !][1]
——-
Au lieu de nous laisser aller à la suspicion et à l’inquiétude,
nous pourrions nous demander si cette page d’Evangile
ne serait pas une fraîche bouffée d’oxygène,
un bol d’air pour y voir plus claire ?
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Revenons sur le geste :
Jésus prend un enfant, le place au milieu des disciples et l’embrasse (Mc 9,34-35).
Pourquoi Jésus fait-il cela ?
Le contexte est simple : Jésus répond au questionnement des disciples sur la grandeur. Alors qu’ils se posent des questions pour une place d’honneur, par contraste Jésus pose ce geste qui n’est pas sans rappeler l’imaginaire biblique, en particulier la figure du psaume 130 (131).
Il s’agit du psaume par excellence où l’enfant est l’image de l’âme, de la vie intérieure où Dieu demeure en nous (Ps 130,2).
Mais l’image de l’enfant ne vient pas tout de suite dans le psaume : l’intrigue commence par la question de l’ambition… « Seigneur, je n’ai pas le cœur fier ni le regard ambitieux… Je ne poursuis ni grands desseins ni merveilles qui me dépassent » (Ps 130, 1).
La situation de l’évangile est en parfaite harmonie avec la narration du psaume : dans un contexte de grandeur et d’ambition apostolique, Jésus répond par la simple image de l’enfant placé au milieu d’eux.
A travers lui c’est l’appel à la vertu d’humilité, mais aussi à la vertu de foi !
Vertus confirmées par sa propre parole lorsque Jésus dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
Autre décalage : l’annonce de la Passion au début de l’Evangile et la discussion des apôtres sur des questions de prestiges.
Pourquoi cela alors que les disciples n’osent pas questionner Jésus sur le sens de l’annonce de la Passion (Mc 9,32) ?
La pédagogie de Jésus est telle qu’allant plus loin dans la lecture du psaume 130, l’image de l’enfant devient le révélateur de l’abaissement.
C’est-à-dire qu’il permet d’entrer dans l’intelligence de la Passion où l’Esprit sera donné au moment ultime où Jésus remettra sa vie à son Père.
L’image de l’enfant est alors le signe de la Grâce de Dieu remise dans les bras de l’homme pécheur qui espère un salut.
Nous pourrions alors varier le psaume par cette humble prière : « Que la Grâce de Dieu soit en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère » !
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[1] La partie entre crochets a été censurée dans l’édition du 21 septembre 2018.
Respectant la volonté du journal mais ne voulant pas que mon commentaire devienne trop «politiquement correct » pour « ne pas heurter la sensibilité », je préfère laisser cette partie afin de ne pas altérer le ton sarcastique et pamphlétaire de mon propos.
Je laisse au lecteur le soin de juger et de se faire son opinion.
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