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Entre une parabole de Jésus et la figure de Narcisse, y-a-t-il un rapport?


Cet article a été rédigé pour le journal hebdomadaire « L’Ami-Hebdo », édition du 02 août 2013. Il s’agit d’un commentaire d’Evangile, pour le 18ème dimanche du temps Ordinaire: 04 août 2013 (Lc 12, 13-21).



La dramaturgie de la parabole de ce dimanche, me fait penser à la poésie du mythe de Narcisse.

Le poète Stuart MERRIL (1863-1915) écrit ceci : « Ô Narcisse et chrysanthèmes. De ce crépuscule d’automne. Où nos voix reprenaient les thèmes. Tant tristes du vent monotone… »

Le mythe de Narcisse conjugue désespoir et procession funèbre ! Ovide l’écrit bien dans ses Métamorphoses : « … épris de son image qu’il aperçoit dans l’onde, il prête un corps à l’ombre vaine qui le captive… Tombé amoureux de son reflet, mais incapable de se séparer de son corps, il se met à pleurer… Il se frappe alors de désespoir et, une fois l’eau redevenue calme, il contemple son reflet meurtri. Il se laisse mourir se lamentant d’un « Hélas ! » qu’écho répète inlassablement, jusqu’à son dernier adieu… Au moment de l’enterrer, on ne trouve à sa place qu’une fleur jaune, couronnée de feuilles blanches au milieu de sa tige. »

L’élan poétique du mythe du Narcisse et cette quête désespérée de soi-même au travers d’un amour que l’on croit réel alors qu’il n’est que reflet, se trouve en écho dans l’Evangile, surtout dans le personnage peint par Jésus dans sa parabole. L’homme qui sollicite Jésus se complait dans la recherche de lui-même, non plus dans un reflet, mais à travers la projection qu’il fait sur la quête effrénée de l’accumulation des richesses. Il amasse pour lui-même, il se fait des projets pour lui-même ! Il se contemple bien gras, à travers sa réussite qui le rassure et sa jouissance qui lui calme la peur du manque! Il se donne l’illusion d’un salut, allant jusqu’à s’absoudre lui-même ! Quelle avarice ! Et comme dit saint Paul : « … Leur Dieu c’est leur ventre ! »

Face un tel repli sur soi-même, au travers de la quête avaricieuse des richesses, il n’y a bien que Dieu pour s’exclamer : « Pauvre fou ! ». Ou bien l’Ecclésiaste avec son célèbre « Vanité des vanités, tout est vanité ». Ou encore plus proche, Molière qui dans l’Avare fera dire au valet d’Harpagon : « … La peste soit de l’avarice et des avaricieux ! ».

Si Echo répétait « Hélas ! » avec Narcisse devant un tel désespoir, je me fais l’écho encore aujourd’hui, d’un autre désespoir…

Oui « Hélas ! » de voir la parabole si visiblement actuelle : cette quête avaricieuse des richesses pour que certains jouissent de l’existence grâce à d’autres qui s’appauvrissent, entrainant une érosion significative et inquiétante de la dignité de la personne humaine.

« Hélas ! » de voir qu’un pays endormi par l’air marin et le chant des vagues, engoncé derrière la tour de l’écran total, de l’huile solaire, des chichis et des nougats glacés… Qu’un pays dis-je, jouit de l’existence dans les « greniers de la Méditerranée » en oubliant le reste…. Il semble ne pas avoir vu, ni même rien dit, lorsqu’un certain 16 juillet à 17H30, on a porté atteinte à sa dignité !

J’ai eu mal pour l’évolution du statut de l’embryon. Non seulement pour les embryons à venir, mais aussi pour celui que j’ai été ! Car au fond, on a porté atteinte à la dignité physique de ce que je fus, et sans laquelle je ne serai pas aujourd’hui, ni même ne pourrais devenir demain ! Par cynisme, heureusement que je suis né en 1977, sinon j’aurais pu servir de prétexte à une forme de barbarie labélisée « progrès social » ! Quelle parodie !

Alors que le pur enseignement des sciences actuelles, dignes héritières de « l’intègre et radical positivisme », nous apprend que l’embryon d’un point de vue physique et biologique, porte en lui « en puissance » ce qu’il deviendra deviendra ensuite « en acte »… Et ne parlons pas du point de vue psychologique…

Mais voilà le nouveau « genre » ! Celui d’une société, qui symboliquement, porte atteinte à ce qui n’est que possibilité. « Hélas » on vient de toucher à un symbole : celui qui n’est que possibilité, et qui porte en lui notre capacité de croire et d’espérer en l’avenir et même en l’homme. Ce n’est pas parce qu’une génération a des problèmes existentiels, qu’au nom de leur responsabilité politique, ils ont le droit de nous mentir en nous disant que l’embryon n’est pas un être humain d’une part, et d’autre part se permettre de profaner ainsi ceux qui ne sont que « fragilité » et « possibilité ». A tous ceux qui jouissent de l’existence dans leurs greniers, auront-ils assez d’oreilles pour entendre leurs cris, encore non exprimés ?

« Hélas ! », loin de moi l’idée de sombrer dans la désespérance ! La parabole est porteuse de Bonne Nouvelle ! Lorsque Narcisse meurt, et avec lui sa folie avaricieuse, la fleur narcisse se pare beauté ! Et même dans la Bible, le narcisse fleurit une fois : lorsque le Bien-Aimé et la Bien-Aimée du Cantique des Cantiques chantent leur amour, en se cherchant sans aucune convoitise ! Les fleurs explosent également lorsque la prohétie d’Isaïe, dont Luc en a fait la trame cachée de son Evangile, devient réalité (… Les boiteux marchent, les aveugles voient, les sourds entendent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres…)

Alors à quand un vrai printemps social et humaniste ?

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