Placé sous haute-surveillance !

Commentaire d’évangile (Jn 1, 6-8.19-28) pour le 3ème Dimanche du Temps de l'avent (année liturgique B), célébrée le dimanche 13 décembre 2020.

Commentaire publié dans le journal hebdomadaire L'AMI HEBDO, au sein de l'édition du 11 décembre 2020.

« Saint Jean-Baptiste » (1600)

par Domínikos THEOTOKOPOULOS, dit "LE GRECO" (1541-1614)

Lorsqu'un plan vigipirate renforcé entre en résonance avec l'évangile, il nous revient de surveiller de près les moindres détails pour ne pas sombrer dans la peur et l'enfermement.

Pour ce 3ème dimanche de l'avent dit de "gaudete", au lieu d'être "dans la joie" nous serions plutôt dans un climat de "haute surveillance" où peut régner la suspicion.

Jean-Baptiste est surveillé !

Il baptise au Jourdain : cela inquiète ou tout du moins interroge des autorités religieuses !

Alors on envoie prêtres et lévites, c’est-à-dire une délégation de la prestigieuse tribu de Levi d'où a jaillis des prophètes qui ont marqué l'Histoire Sainte : Samuel, Elie, Ezéchiel, Esdras, Agée, Zacharie….

Cette suspicion ressemble à une "affaire de famille" !

Jean-Baptiste appartient par son père Zacharie à cette vénérable lignée, alors quel est le problème ?

Revenons sur quelques caractéristiques de la Tribu de Lévi.

Pour être dévolu au service de Dieu et du culte dans le Tente du Rendez-vous (Dt 10, 8 et Nb 8,19), ils ne possédaient pas de région précises dans le Royaume. Pour subvenir à leurs besoins, il y avait une dîme sur les récoltes (Nb 18,20-24) qui leur permettait aussi de pouvoir redistribuer des biens aux plus pauvres (2 Chr 31,4-19). N'étant pas Juges, ils étaient les garants pour que la Justice soit pratiquée selon la Loi (Dt 25, 13-15). Ils avaient en outre une autorité pour enseigner la Loi (Dt 33,9-11) et s'assurer des purifications tant matérielles que spirituelles (Nb 8).

On distingue les prêtres (offrandes et sacrifices) des lévites qui eux avaient la responsabilité du chant, de la musique, et des portiers (1 Chr 15,18-23,5).

Ils recevront la responsabilité du Temple une fois construit.

Le problème est géographique : que fait un membre de la Tribu de Lévi, un fils de prêtre à enseigner et pratiquer un culte de purification ailleurs qu'au Temple de Jérusalem ? Y aurait-il un autre problème ? Une dissidence ? Un culte nouveau serait-il en train de se préparer ?

Depuis le IIème siècle avant notre ère, un groupe de prêtres-lévites réunira pouvoirs politiques et religieux dans la dynastie Hasmonéenne. Cette usurpation compromettante considérée comme une dissidence sera dénoncée d'aune part par les Pharisiens comme une trahison envers la Loi de Moïse mais surtout par les Sadducéens qui les considèrent comme illégitime parce que n'étant pas de la descendance de Tsadoq (Grand-Prêtre choisit par David pour le Temple que construira le Roi Salomon). Cela entrainera une sécession.

Indirectement, Jean-Baptiste ne serait-il pas en train de rappeler ce fait redécouvert à Qumrân : un certain nombre ne reconnaissaient plus la légitimité des prêtres et lévites du Temple de Jérusalem ?

D'ailleurs en invoquant Isaïe, Jean-Baptiste n'est-il pas en train de reprendre le cri antique du prophète qui reprochait trahison envers la Loi et compromission du culte (Is 1,1-18) ?

Au Jourdain, Jean-Baptiste n'accomplirait-il pas cette prophétie d'Isaïe (Is 11,10) : Il prépare la terre pour qu'un rejeton jaillisse de racines, profondes et cachées, provenant de la vieille souche du Temple de Jérusalem ?

Après une période de "destruction" le Messie annoncé (Is 40,3) doit restaurer cette authenticité, une nouvelle alliance dans une dynamique de purification des cœurs et des mœurs !

Dans cette période qui est la nôtre, aux accents de refondations, purifions-nous pour retrouver le feu de nos racines !