La Passion préfigurée
- bohleremmanuel
- 2 avr. 2022
- 3 min de lecture
Commentaire d’évangile pour le 5ème dimanche du Carême (Jn 8,1-11 ; année liturgique C), célébré le dimanche 03 avril 2022.
Commentaire publié dans le journal hebdomadaire L'AMI HEBDO au sein de l'édition du 01er avril 2022.

«On ne te dira plus délaissée. Car le Seigneur t'a préférée et cette terre deviendra l'épousée»
(Is 62,4)
La liturgie des deux dernières semaines de Carême annonce le temps de la Passion. L'Ecriture et les oraisons nous préparent à contempler le mystère de la Croix, source du Salut d'où naîtra et jaillira un chant nouveau, « l'alléluia des sauvés ».
Le temps de la Passion est historiquement la mémoire d'une antique tradition chrétienne connue dès le troisième siècle d'un grand jeûne de douze jours qui devait se rompre au matin de Pâques. Ce temps nous amène à assumer l'extrême tension insoutenable de tous les paradoxes ; où comparable à la parabole du bon grain et l'ivraie s'entremêlent la sublime épiphanie de la miséricorde de Dieu à travers la figure du Juste, avec les pièges du Tentateur aliénant l'homme jusqu'à le rendre fou pour qu'il commette le plus ignoble : martyriser l'Innocent.
L'évangile de la femme adultère selon saint Jean (Jn 8, 1-11) entre parfaitement dans cette démarche initiatique et nous place déjà au cœur de la tension du récit de la Passion (Jn 18,1-19,42). On peut le discerner à partir de trois regards.
L'évangile nous dit qu'il passe la nuit au mont des Oliviers pour se rendre à l'aurore au temple de Jérusalem (Jn 8,1-2). Lors de sa Passion ne va-t-il pas passer la nuit en prière au même endroit, pour à l'aurore être arrêté et conduit auprès du grand-prêtre puis à Pilate ? Ensuite on cherche à compromettre Jésus afin de pouvoir l'accuser injustement (Jn 8,6). Cette femme adultère semble n'être qu'un prétexte à un projet plus pernicieux, est-elle alors complice ? Lors de la Passion ne fera-t-on pas de même devant Caïphe et Pilate ? Alors que Jésus est juste, l'infidélité de Judas ne devient-elle un prétexte pour pouvoir l’accuser afin qu'il soit condamné à mort (Ps 93,21) ? Puis Jésus ne dit rien, mais il écrit (Jn 8,7). Lors de son procès devant Pilate ne fera-t-il pas de même, ne restera-t-il pas silencieux, provoquant le malaise intérieur de Pilate ? Jésus s'abaisse et se relève (Jn 8, 6 et 8). Comme le chante saint Paul dans son hymne aux Philippiens (Ph 2), cet abaissement physique n'anticipe-t-il pas son abaissement sur la Croix sur laquelle, martyr innocent, il sera dépouillé de tout et mourra ? Enfin Jésus ne condamne pas et envoie (Jn 8,11). Ne fera-t-il pas de même au soir de Pâques en apparaissant à ses disciples ? Il donnera l’Esprit pour les consacrer et les envoyer comme ministre de sa Miséricorde. Au cœur de cette tension extrême entre la violence faite à la femme adultère et la volonté de compromettre Jésus, l'Amour fidèle de Dieu se manifeste.
Si le Diable tenta de pervertir Jésus par le travestissement de l'Ecriture, l'ironie évangélique nous pousse à croire que scribes et pharisiens sont tombés dans le même piège et tente à leur tour de corrompre Jésus par le même procédé (Ps 93,20). Sont-ils devenus les marionnettes du Tentateur ?
Ne deviendrait-elle pas le miroir de toutes les infidélités ? Celles des scribes et Pharisiens envers l'Ecriture comme celles de toutes personnes envers leurs engagements ?
Face à la versatilité du cœur humain la Miséricorde fidèle et éternel de Dieu demeure pour susciter une conversion durable.
Ici s'actualise la prophétie d'Isaïe où l'infidèle demeurera l'épousée.
La voilà, cette paix qui dissoudra les tensions de nos conflits d'aujourd'hui où les innocents sont toujours aussi injustement condamnés à l'exil.
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