L'offrande du soir pour un disparu
- bohleremmanuel
- 7 mai 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 mai 2022
A la mémoire de l'abbé Jean-Paul BERLOCHER (1949-2022), décédé le 03 mai 2022.
Comme je ne pouvais être présent, ce texte d'hommage a été rédigé le 06 mai 2022 au soir de son enterrement à Haselbourg (57)... Dans l'esprit d'un Dernier Adieu où l'on remet entre les mains de Dieu, dans un acte d'offrande et de foi, la vie et le corps d'un défunt.
Je remercie L'Ami Hebdo de l'avoir publié dans un article en version numérique le 09 mai 2022
Il y a tout juste 10 ans, en avril 2012, je commençais l'aventure des commentaires d'évangile au sein de journal L'Ami Hebdo...
A cette époque l'abbé Jean-Paul BERLOCHER y collaborait... S'apprêtant à quitter Metz et la direction de Radio Jérico pour retourner au pays de Sarrebourg, c'est lui qui me proposa de collaborer au journal en entrant dans l'équipe des commentateurs d'évangile.
Maintenant qu'il est parti vers des Cieux nouveaux et une terre nouvelle (Ap 21,21), je ne peux que lui rendre hommage à titre posthume.
Dans le sillon de saint Bernard de Clairvaux, si le désir de Dieu s'accompagne de l'amour des lettres de l'Ecriture, je ne peux que rendre grâce pour le témoignage de cet homme, de ce prêtre ardent de désir qui su faire grandir l'amour des Ecritures par ses fresques bibliques.
Je lui dois grâce à lui, par cette collaboration aux commentaires d'évangile, cet amour des lettres de l'Ecriture dont le désir de Dieu n'a fait que s'accroître malgré tous les imprévus de la route.
L'essentiel n'est pas la route empruntée, mais le but vers lequel nous cheminons dans la foi.

A Dieu...
Ou l'offrande du soir pour un disparu...
A l'heure "main-tenant", Ô Maître de s'en aller... (Lc 2,29)
A l'heure où est retourné, en terre celui qui en fut tiré... (Gn 3,19)
Que vais-je offrir par mes mains
qui ne peuvent plus faire autre chose
que se consacrer à projeter
sur l'écran leur prière ?
Si j'écoute avec confiance en moi ta Parole... (Ps 119,149)
Si j'écoute en moi résonner ses mots...
Je n'entends plus qu'un cri (Ps 83,3)
jaillissant de ce désert de solitude (Ps 102,7)
Qu'avez-vous senti ?
Marthe et Marie en ouvrant le tombeau de votre frère ? (Jn 11,39)
Quel parfum s'exhalait de cette épreuve ?
Celui d'un monde ancien qui s'en allait
pourrissant
et que seule la mort mène paître ? (Ps 48,15)
Ou bien celui d'un monde nouveau, d'une terre nouvelle, (Ap 21,21)
déjà en train de naître ?
Moi, en ouvrant le tombeau de mes souvenirs,
ce ne sont pas les regrets
mais l'odeur d'une huile précieuse,
gracieuse et parfumée... (Ex 30,22-38)
qui vous marque à jamais !
Celle d'une onction répandue,
qui descend d'une barbe,
de la barbe de cet Aaron (Ps 133,2)
si atypique, haut en couleur.
Véritable ours de Daniel (Dn 7,5)
il a dévoré la vie à pleine dent !
A côté de cet ours des cavernes,
bien caché à l'orée des Vosges
derrière saint Léon,
je fais plutôt pâle figure
d'un caniche de salon...
Comme au soir d'une Ascension (Ac 1,1-14)
cet ami s'est envolé pour d'autres Cieux...
La place reste vide à notre table….
Allons-nous rester-là à regarder le Ciel ? (Ac 1,11)
Et pourtant si regret il y a en ce soir,
ce n'est pas tant le vin mais l'ivresse !
Ivresse de vivre parce qu'ivresse de croire !
Ivresse de croire parce qu'ivresse de la Vie d'un Autre :
Celui que son cœur aimait et qu'il a cherché (Ct 3,1-4)
à sa manière
Tout en la partageant à ses frères
Et pourtant à sa table,
notre cœur n'était-il pas brûlant tandis qu'il nous mettait en scène l'Ecriture (Lc 24,32)
et qu'il nous partageait ce pain….
Jamais l'Evangile et les plus belles fresques bibliques
n'avaient pris autant "corps, espace et mouvements"
dans nos vallées au pied du Donon….
Installés sur un belvédère,
nous étions aux premières loges
pour cette vue panoramique sur l'Histoire Sainte,
dont l'écho est venu jusqu'à nous
par son talent de sculpteur de mots !
Si l'Amour est un brasier ardent,
si violent qu'il brûle comme de la glace
Dieu eut cette délicatesse envers sa créature
de le cacher
derrière une muraille,
dans le creux d'un rocher (Ex 33,22) :
celle de l'Ecriture
Alors il fallait bien ce colosse au cœur tendre, (Col 3,12-14)
le rugissement d'un lion, (1 P 5,8)
la force d'un Samson, (Jg 13,23-30)
l'ardeur guerrière d'un Josué devant Jéricho, (Js 6, 6-20),
la colère des prophètes réunis,
les salves vindicatives d'un Jean-Baptiste (Mt 3,7)
pour buriner violement, avec ardeur
et briser cette carapace de pierre…
Pour que l'Ecriture laisse dévoiler son Visage
et s'exhaler sa force évocatrice
sa poésie,
sa tendresse….
Pour qu'un miel puisse couler de ce rocher (Dt 32,13)
Grâce au tempérament de ce sculpteur
hors norme, l'Esprit de douceur
a pu graver en nos cœurs
de chair (Ez 36,26)
l'Amour du Verbe
fait chair (Jn 1,14)
J'avais cet ami....
Les ombres me l'ont pris...
Véritable figurant à lui seul
de tout un bestiaire biblique...
Pourtant ce sont eux que Dieu a choisis
pour faire comprendre qu'elle est cette force,
celle qui va jusqu'à ressusciter les morts ! (Hb 11,19)
Il y eut un soir...
Il y aura un matin ! (Gn 1,8)
Celui d'une lumière qui ne connait pas de couchant ! (Exultet de la veillée pascale )
Alors l'ami,
A Dieu !

L'abbé Jean-Paul BERLOCHER avec Olivier DUVAL (1959-2008) dans les studios de Radio-Jérico-Metz.
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