Chronochromie évangélique
- bohleremmanuel
- 23 nov. 2020
- 4 min de lecture
Cet article a été rédigé pour le journal hebdomadaire « L’Ami-Hebdo », édition du 4 juillet 2014. Libre commentaire pour le 14ème Dimanche du Temps ordinaire (A): 6 juillet 2014 (Mt 11, 25-30).

Cet Evangile est une véritable « Chronochromie« ! Ou lorsque la course rapide du temps, nous amène à modifier aussi vite nos sentiments… Il est bref, mais chacun de ses versets, tel des prismes en mouvement, diffractent la lumière, proposant à notre contemplation un arc en ciel d’intelligence nous permettant d’entrevoir, en un instant et en une seule vision, le mystère de Dieu.
Le terme « chronochromie » désigne en fait une des plus grandes œuvres orchestrales d’Olivier MESSIAEN, composée entre 1959 et 1960. Il s’agit d’une pièce audacieuse jouant sur les valeurs et les rythmes complexes (chronos), tout en y faisant entendre des variétés de couleurs instrumentales, dues aux assemblages des ensembles sonores de l’orchestre (chromie).
Que les fins exégètes me pardonnent, mais ce terme musical pourrait nous aider à comprendre l’extrait de l’évangile. Il est bref (à peine 6 versets) mais toutes les phrases possèdent un rythme particulier, où tout va très vite. Quant au contenu, il porte en lui une diversité et un contraste de couleurs, tous deux dignes des miniatures. Alors « plongeons » dans le temps et dans la couleur de ce texte !
Tout commence « en ce temps là… ». On ne sait trop où, ni quand…
Jésus s’adresse à son Père, en confessant sa foi et son action de grâce, tout en faisant mémoire des raisons de cette joie intense. Il est dans l’action de grâce parce que le Père révèle son identité. La formulation évangélique semble être la racine de ce que seront plus tard nos préfaces et prières eucharistiques.
Cependant, dès le verset 26, la nuance s’opère… « Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance »… Qu’est-ce que le Père a voulu ? Qu’il révèle son identité, confirmant ainsi ce qui a été dit au verset 25 ? Ou bien est-ce une anticipation du verset 27, où Jésus montre qu’il a tout reçu de son Père, et que c’est lui seul qui va permettre de le faire connaitre? Le verset 26 est alors un verset de passage dont la logique fonctionne dans les deux sens ! Mais quel contraste : on passe de l’action de grâce pour avoir été témoin d’une œuvre du Père, à l’intimité de la vie trinitaire où Jésus se présente comme l’unique médiateur entre son Père et les hommes. On passe de l’émerveillement terrestre à la joie céleste.
La couleur change encore au verset 28. On passe de la joie céleste à la dureté de la vie, avec ses fardeaux. Jésus continue de se présenter comme l’unique médiateur, car il appel à venir à lui. C’est en lui que nous pouvons trouver l’unité du genre humain. Son Humanité peut récapituler en elle chacune de nos vies blessées. Au sein même du verset 28, on passe de la dureté de la vie au repos que Jésus peut nous procurer. Quel est ce repos, si ce n’est d’accomplir ce qui a été dit au verset 27, à savoir que Jésus nous conduira vers son Père. En lui la vie des hommes est récapitulée, par Lui et avec Lui nous pouvons passer de ce monde vers le Père. Quelles couleurs et quels accents eucharistiques…
Au verset 29 d’autres couleurs deviennent visibles. Un admirable échange s’opère : on prend le joug que Jésus nous donne pour devenir ses disciples, et ce joug c’est d’être comme lui : doux et humble de cœur. D’où provient ce joug si ce n’est de son Père, puisque ce dernier lui a tout remis entre ses mains. Le joug du Fils, c’est le don même du Père : et tous deux nous donnent le plus bel exemple de l’humilité. L’un nous a tellement aimé qu’il nous a donné son Fils. L’autre nous a tellement aimé qu’il s’est remis totalement à son Père en prenant sur lui nos fardeaux. Nous recevons un joug en déchargeant sur lui tous nos fardeaux… Quel admirable échange ! Comment ne pas trouver le repos de notre âme, lorsque toutes vies humaines avec ses joies et ses peines, se trouvent placées au cœur de cet échange amoureux du Père et du Fils ?
Alors le verset 30 a raison de chanter ce sentiment d’être léger. Nous sommes passés du lourd fardeau au sentiment de légèreté.
Que de couleurs en si peu de temps ! Un véritable arc-en-ciel !
Au fond, c’est peut-être à travers le prisme de nos larmes, que la lumière pourra nous donner d’entrevoir, cet arc en ciel du paradis, se reflétant sur cette page biblique.
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SUPPLEMENT HORS PUBLICATION:
Même si les représentations picturales sont esthétiquement discutables quant à leur qualité et leur facture, la vision de sainte Faustine KOWALSKA (1905-1938) est « bibliquement » très juste!
C’est à Plock le 22 février 1931, que Jésus lui est apparu, portant un vêtement blanc, et se présentant comme le « Roi de la Miséricorde divine ». Sa main droite se levant en signe de bénédiction et l’autre touchant le vêtement sur la poitrine. Dessous ses vêtements sortent deux grands rayons, l’un rouge, l’autre blanc.
Se conformant aux ordres qu’elle dit avoir reçus du Christ, Faustine fait peindre une représentation de cette vision. La peinture est d’Eugène KAZIMIROWSKI, en 1934. L’idée de ne pas représenter un « coeur de chair » comme la statutaire et les tableaux depuis la vision de sainte Marguerite-Marie ALACOQUE (juin 1675), mais de faire sortir des rayons de lumières colorés s’apparentant à un arc en ciel, peut-être considérée comme une authentique allégorie évangélique!
Le Coeur de Jésus est alors une porte, un « arc en ciel » nous donnant d’entrevoir en pleine lumière la richesse, la largeur, la longueur, la profondeur, la hauteur du mystère de la Trinité.
Souvent, si le goût de la représentation ni est pas, l’intuition y est, confirmant la véracité de la vision!

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