Etranger sur une terre étrangère...
- bohleremmanuel
- 18 août 2023
- 3 min de lecture
Commentaire d’évangile pour le 20ème dimanche du Temps Ordinaire (Mt 15,21-28 ; année liturgique A), célébré le dimanche 20 août 2023.
Commentaire publié dans le journal hebdomadaire L'AMI HEBDO au sein de l'édition du 18 août 2023.

Au-delà de la bucolique canine, le récit évangélique, par l’origine et le mouvement de ses personnages, offre un subtil panorama de l’Histoire Sainte où la géographie biblique permet un vrai dépaysement !
Jésus et ses disciples partent en voyage….
Ils empruntent l’antique route de la mer (Is 8,23) de Génésareth (ville fortifiée au nord-ouest du Lac de Tibériade qui protège la fertile plaine de Génésareth dite le « paradis de la Galilée ») pour rejoindre les ports commerciaux phéniciens de Tyr et de Sidon au passé prestigieux. Sidon, capitale du royaume Cananéen, plus grand port de commerce de la Méditerranée orientale durant le 2ème millénaire avant Jésus jusqu’à sa chute par les Philistins (-1200). Tyr, ville phénicienne qui au XI-Xème siècle avant Jésus s’associa avec Sidon pour devenir le plus puissant et riche port de la Méditerranée orientale.
Mais cette route de la mer fut aussi jadis la route du malheur : celle des invasions successives depuis près de huit siècles. D’ailleurs le prophète Isaïe évoqua la destruction de Tyr et de Sidon (Is 23-24) mais aussi l’invasion des Assyriens (Is 8,23). Il devint alors le chantre de la fin de l’oppression avec la naissance d’un Prince de la paix (Is 9).
Ainsi Jésus, en faisant ce pèlerinage jusqu’à la région de Tyr et de Sidon en sens inverse des envahisseurs se présente comme ce Prince de la paix jadis annoncé : il est le Sauveur. En lui, la promesse d’Isaïe s’accomplit comme il l’avait annoncé en inaugurant son ministère (Mt 4,13-17).
Devenu un étranger en terre de Phénicie, Jésus rencontre une autre étrangère.
Elle n’a pas de nom.
Elle appartient au peuple très ancien du Royaume de Canaan quasi disparu mais qui désigne la Terre promise par Dieu à Abraham (Gn 12,1-7), comme la terre donnée par Dieu à Moïse et conquise par Josué (Dt 20,17 ; Nbr 21,2-3).
Devenue une étrangère culturelle, une exilée sur la propre terre de ses ancêtres qui ne lui appartient plus depuis plus d’un millénaire ; elle se voit durement rejetée par l’attitude de Jésus même si elle n’en demeure pas moins « terre de promesse » ! Sans se décourager elle l’interpelle (reconnaissant en lui le fils de David et son Seigneur, c’est-à-dire l’accomplissement de la promesse faite par le prophète Isaïe) et se prosterne devant lui.
Jésus, étranger dans cette culture grecque de Phénicie, emprunte l’image des chiens et des enfants. Or chez les Grecs comme les Romains, les chiens domestiques vivent avec leur Maître, au milieu des enfants. Faisant partis de la famille, il est normal qu’ils y reçoivent nourriture !
Bien qu’étrangère, la Cananéenne par sa réponse audacieuse, se sent membre de la Maison d’Israël comme jadis Rahab la Cananéenne accueillit les espions de Josué pour la prise de Jérico (Js 2,1-21) et, par un désir de conversion par la foi, put obtenir la vie sauve.
Comme jadis les espions de Josué, Jésus apporta à cette Cananéenne qui venait de lui confesser sa foi, vie et salut immédiat pour toute sa maison !
Cette rencontre et ce pèlerinage en terre étrangère deviennent l’image de l’Eglise qui ira de toutes les nations faire des disciples (Mt 28,19).
Finalement quel beau voyage… apostolique !
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