Intimisme évangélique
- bohleremmanuel
- 23 juin 2023
- 3 min de lecture
Commentaire d’évangile pour le 12ème dimanche du Temps Ordinaire (Mt 10,26-33 ; année liturgique A), célébré le dimanche 25 juin 2023.
Commentaire publié dans le journal hebdomadaire L'AMI HEBDO au sein de l'édition du 23 juin 2023.

Grâce à l’évangile il nous est possible de déterminer le lieu d’une conversion, si déterminante qu’elle nous transformera en missionnaire. Loin du bruit et du fracas, tout semble se jouer dans le susurrement…
Cette page d’évangile est magnifiquement rythmée, où le jeu des antagonistes ouvrant un espace de plus en plus large, met subtilement en exergue le lieu central d’une rencontre décisive. Ce qui est voilé, caché, dans les ténèbres, sera dévoilé, connu, dans la lumière. Tout ce qui se passe au creux de l’oreille devra être proclamé sur les toits (Mt 10,26-27).
C’est bien au creux de l’oreille qu’a lieu cette extraordinaire transformation, véritable conversion : le mystère d’une élection où la voix humaine a été choisi pour devenir « porte-voix » de la voix de Dieu (Mt 10,19-20) !
La Pentecôte se vie dans le creux intime d’une oreille !
Car au-delà de la voix de Jésus, qui est venu frapper les oreilles des disciples ? N’est-ce pas le Verbe éternel de Dieu, capable seul de donner la vie comme jadis en la Genèse ? D’un simple terreau de disciples, ils sont maintenant appelés à devenir « prophète du Très-Haut » (Lc 1,76), pour reprendre l’expression du père de Jean-Baptiste : mystère d’une création nouvelle ! Nous oublions que la conversion se joue dans ce registre intimiste, n’ayant rien avoir avec la démonstrative séduction, les assourdissant exercices de communications, les hurlant protocoles pour réussir un buzz. Qu’est-ce que l’on ne ferait pour ne pas être un anonyme sur les réseaux…
Comment Dieu peut-il lutter face à tous nos moyens de communications modernes, aussi intrusifs et leurs effets addictifs ? Si déjà pour nous, la technologie si envahissante jusqu’en nos lieux d’intimité, réduit l’espace où le silence devrait régner ; comment Dieu peut-il lutter, Lui qui n’a choisi que le susurrement à l’oreille pour transformer les cœurs ? Et pourtant Dieu continue inlassablement de susurrer à nos oreilles, mais sont-elles disponibles et promptes à écouter, ou bien diverties par d’autres fréquences plus attractives ? Comme jadis pour le prophète Jérémie (Jr 20,10-13), le jeu du Tentateur ne serait-il pas de séduire nos oreilles, de les distraire en les rendant sourdes aux basses-fréquences de l’Esprit, comparables à l’onde d’une brise légère (1 R 19,12) qui plane et murmure sur les eaux (Gn 1,2) ?
L’Eglise est-elle encore ce lieu de solitude qui cultive et permet cette rencontre intimiste et fondatrice avec son Seigneur ? On peut se le demander lorsqu’elle transforme parfois, projets pastoraux et pastorales des vocations en opération attractive de marketing ? Depuis quand appelle-t-on des missionnaires en leur proposant un joli petit nid douillet et un bonheur terrestre « prêt à porter » ? Surtout lorsque l’évangile annonce indirectement que les disciples, comme les moineaux, seront « vendus » (Mt 10,29-30), c’est-à-dire trahis et calomniés…
Pourtant, comme pour une Pentecôte, Jésus lui-même susurre à notre oreille une parole de fidélité et de défense (Mt 10,31-32) : sa seule Force qui nous permettra de tenir jusqu’au bout, seuls prémices d’un bonheur authentique car sa Béatitude n’est pas de ce monde.
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