Y aurait-il Miséricorde sans aveu?!
- bohleremmanuel
- 18 sept. 2023
- 3 min de lecture
Commentaire d’évangile pour le 24ème dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18,21-35 ; année liturgique A), célébré le dimanche 17 septembre 2023.
Commentaire publié dans le journal hebdomadaire L'AMI HEBDO au sein de l'édition du 15 septembre 2023.

« Le retour du Fils prodigue » (1667-1670), Bartolomé Esteban MURILLO (1617-1682)
Les dimanches se suivent et se complètent !
L’évangile d’aujourd’hui portant sur la Miséricorde complète l’évangile de dimanche dernier qui portait sur la correction fraternelle.
Assemblons-les !
Aujourd’hui tout n’est que contraste excessif : un appel au pardon quasi infini et une parabole entre un roi compatissant, bienveillant et son serviteur incompréhensif, cruel. Comment comprendre cette inversion des rôles ? Faisons un retour en arrière…
Dimanche dernier (Mt 18,15-20) on évoquait la correction fraternelle, dont le protocole très strict a de quoi paraître complètement hors culture face à la mode actuelle.
Déjà on ne peut se permettre de faire des reproches à quelqu’un uniquement si nous sommes concernés et si le mal est contre-nous… Pas de dénonciation gratuitement calomnieuse !
Ensuite, on va d’abord trouver la personne seule à seule, presque incognito. Si elle n’arrive pas à reconnaitre le mal commis, on fait venir progressivement un, puis plusieurs témoins, toujours incognito… Pas d’effets médiatiques indirects, mais patience et discrétion, pour que la personne puisse reconnaître le mal commis, c’est-à-dire avouer mais dans une relation personnelle d’offensé/offenseur et non sous la pression publique.
Après cette discrétion, finalement très diplomatique, on commence seulement à rendre l’affaire publique en référant aux responsables légitimes de la communauté, puis seulement on peut éventuellement porter une sentence, si l’offenseur s’obstine. Nous sommes bien loin de la délation si facile sur les réseaux sociaux et de certaines plumes autoproclamées juges.
Finalement on peut résumer ce protocole par ce magnifique verset : « lent à la colère, plein d’amour et de vérité » (Ps 85,15) ! Lent parce que l’offensé prend le temps d’amener à la raison l’offenseur… Amour et vérité se rencontrent (Ps 84,11) car par amour on peut être patient, mais cette patience n’amoindrit pas ce chemin de vérité entre l’offensé et l’offenseur.
Or pour vivre une telle action de la part de l’offensé, ne faut-il pas que ce dernier soit déjà miséricordieux envers l’offenseur ? La Miséricorde ne précède-t-elle pas le jugement, non pas pour empêcher le travail de justice, mais pour que cette dernière se fasse dans la vérité et dans l’amour ?
C’est pourquoi l’évangile de ce dimanche est centré sur ce commandement : aller pardonner jusqu’à soixante-dix-sept fois sept fois !
Or cette perfection symboliquement numérique et constitutive ne trouve-t-elle pas écho dans le psaume 85 ? Le Roi n’est-il pas lent à la colère, plein d’amour et de vérité, puisque pris de compassion, il a remis les dettes de son serviteur ? Inversement, le serviteur pardonné n’a pas été lent à la colère et encore moins plein d’amour et de vérité envers ses débiteurs puisqu’il l’a violemment agressé ! Il a agi pour se déculpabiliser et n’a pas su accueillir l’amour de son Maître.
Aussi cette demande de pardon est-elle humaine ou déjà divine ? N’est-ce pas, mystérieusement, le don du Christ qui agit car comment pardonner du « fond du cœur » si ce n’est parce qu’un Hôte intérieur y a fait sa demeure ? Dans ce contexte précis n’a-t-il pas promis d’être là, au milieu d’eux ?
C’est donc à nous d’être témoin de sa Miséricorde ! A nous d'être compatissant comme il est compatissant ! A nous d'être "lent à la colère, plein d'amour et de vérité", comme Lui!
Chaque jour, en priant le Notre Père, demandons la Grâce de pouvoir accomplir une telle vocation !
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