Indigne indifférence
- bohleremmanuel
- 14 oct. 2023
- 3 min de lecture
Commentaire d’évangile pour le 28ème dimanche du Temps Ordinaire (Mt 22,1-14 ; année liturgique A), célébré le dimanche 15 octobre 2023.
Commentaire publié dans le journal hebdomadaire L'AMI HEBDO au sein de l'édition du 13 octobre 2023.

Tels pourraient être les deux qualificatifs employés pour désigner les différents groupes qui composent cet évangile. Revenons sur leur nom et leur fonction !
Ne perdant aucunement de sa pertinence, comme le rappelait Benoît XVI dans son discours aux Bernardins le 12 septembre 2008 en citant Dom Jean Leclerc (moine bénédictin de Clervaux au Luxembourg): « Eschatologie et grammaire sont indissociables. Le désir de Dieu comprend l'amour des lettres, l'amour de la parole, son exploration dans toutes ses dimensions. Puisque, dans la parole biblique, Dieu est en chemin vers nous et nous vers Lui, nous devons apprendre à pénétrer le secret de la langue, à la comprendre dans sa structure et dans ses usages. ».
Et si nous faisions un peu de grammaire pour apprécier cette subtile dentelle biblique qui orne l’évangile car il n’y a finalement que les brutes, rustres et imbéciles pour ne pas savoir apprécier la finesse d’un ouvrage de minutie et de précision.
Il y a plusieurs groupes nominaux ordonnés au Roi et un évènement unique : les noces de son fils. L’ordonnancement semble rythmé par le chiffre trois et le chiffre deux.
Concernant le chiffre trois, nous pouvons constater qu’il y a trois groupes de serviteurs : deux groupes qui appellent les invités à la Noce et un autre qui va à la croisée des chemins pour inviter sans distinction tous ceux qui s’y trouvent. De même parmi les invités il y a trois groupes : ceux qui vont au champ, ceux qui vont au commerce, ceux qui tuent le deuxième groupe de serviteurs. Enfin face à la colère du Roi, le groupe de ses troupes accomplit trois actions : être envoyé, faire périr, incendier les villes.
Tout cela semble rappeler l’Histoire de la première Alliance. En effet le Roi, c’est-à-dire Dieu, demande à ses serviteurs, c’est-à-dire ses prophètes, d’appeler les invités, c’est-à-dire le peuple élu, à son Alliance. Face à ces différents appels, soit on néglige cette Alliance soit on va la refuser jusqu’à tuer les prophètes.
Progressivement le chiffre deux apparait lorsque, face à l’indignité du groupe des invités, le Roi décide d’appeler le groupe des convives à la croisée des chemins. Cette distinction va elle-même s’opérer en trois temps ! Tout d’abord on distingue, on sépare entre les premiers invités appelés deux fois, et les autres convives appelés sans invitation. Puis ces derniers sont eux-mêmes constitués de bons et de mauvais. Enfin le Roi lui-même, va distinguer parmi les convives, séparer ceux qui portent le vêtement de noce de ceux qui ne le portent pas.
Cette construction à la fois binaire et ternaire met très subtilement en exergue le vêtement de noce. Il devient comme la clef de voûte maintenant l’ensemble en équilibre. Que représente-t-il ?
Faisant suite à la parabole de dimanche dernier, ne désigne-t-il pas le martyr du Fils qui fut saisi, jeté hors de la ville et tué ? N’est-ce pas la mort de Jésus sur la Croix hors de Jérusalem, lui que l’on désigne comme l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1,29) ? Mais n'est-il pas aussi ce vêtement magnifié par l’Apocalypse comme vêtement de gloire en lien avec le sang de l’Agneau et des martyrs (Ap 7,14) ?
Adressée aux grands prêtres du Temple, cette parabole n’annonce-t-elle pas le culte nouveau? Le vêtement de noce n’est-il pas déjà le vêtement sacerdotal du Fils, lui que la Lettre aux Hébreux reconnait comme l'unique Grand-Prêtre de la nouvelle Alliance ?
Paradoxalement ce vêtement se manifeste et se revêt dans le dépouillement et la nudité du Crucifié!
C’est bien devant le Crucifié que l’on peut obtenir la Grâce de la Miséricorde, la séparation du bon grain de l’ivraie dans notre vie, la source de la bonté !
Alors sommes-nous prêts à porter un tel vêtement, de foi et de charité, nous qui avant de communier allons entendre : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde. Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau. » ?
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