Ce que la liturgie doit aux Pères
- bohleremmanuel
- 13 juin 2024
- 17 min de lecture
Article scientifique publié au sein de la revue "Connaissance des Pères de l'Eglise" (174), publié le 5 juin 2024.
Publication en écho à la communication donnée dans la journée d'études "Découvrir les Pères de l'Eglise", organisée par l'axe THEMYS du Centre de Recherche ECRITURES de l'Université de Lorraine, le 13 décembre 2023.
Titre complet de la communication : Les Pères et la liturgie: Augustin d'Hippone, de l'initié à l'initiateur.
Préambule et historique
Evoquer le rapport des Pères de l’Eglise avec la liturgie, c’est accomplir un authentique pèlerinage mais en même temps être témoin d’une extraordinaire fécondité. Si les Pères ont été façonnés par les mystères[1] qu’ils célébraient, ces derniers les ont également façonnés ! L’époque patristique constitue dans son ensemble le lieu indépassable et fécond où l’on peut trouver les sources liturgiques les plus anciennes et les plus inestimables de la prière chrétienne mais surtout, à travers l’interprétation de signes transmise et développée, la théologie sacramentaire jusqu’à aujourd’hui.
Etudier ce lien connexe entre les Pères et la liturgie est sans hésitation l’une des caractéristiques fondamentales non seulement du renouveau patristique de la seconde moitié du XXème siècle, mais aussi du mouvement liturgique[2] depuis ses origines en 1909 : caractéristiques qui seront d’ailleurs confirmée par le Concile Vatican II, dont les travaux sur la liturgie ont servi de paradigme[3].
Concernant le renouveau patristique, deux numéros de la revue Connaissance des Pères étudièrent ce renouveau des études patristiques[4] ainsi que la place importante que joua la collection Sources chrétiennes[5]. Puis dans l’histoire du mouvement liturgique l’encyclique de Pie XII sur la liturgie[6] puis la réforme de la veillée pascale[7] et de la Semaine Sainte[8] marquèrent un tournant significatif de retour aux sources et un foisonnement de recherches[9]. On peut mentionner la célèbre collection Lex Orandi, au sein de laquelle se trouvent trois ouvrages qui témoignent d’une heureuse fécondité entre renouveau liturgique et renouveau patristique : Le mystère pascal[10] de Louis Bouyer et Bible et Liturgie[11] de Jean Daniélou. Ce dernier ouvrage est en fait le complément d’un autre essai Sacramentum futuri : études sur les origines de la typologie biblique[12]. Puisque les signes utilisés par la liturgie sont principalement des signes bibliques[13], un retour aux Pères de l’Eglise est alors nécessaire pour le renouveau liturgique tout simplement parce que sont eux qui, à travers leurs écrits, ont transmis une signification des signes sacramentels en synergie avec une intelligence des signes bibliques[14]. Il fallait donc se réapproprier la particularité de leur exégèse. La revue Connaissance des Pères consacra à ce propos un numéro spécial sur la question de l’exégèse patristique[15].
Dans cette tradition intellectuelle se situe l’ouvrage récent Les Pères de l’Eglise et la liturgie[16] de François Cassingena-Trévedy dont la dernière partie consacrée à l’expérience sensible qu’offre la mise en œuvre rituelle a été remarquée[17].
A travers les écrits des Pères de l’Eglise pour la liturgie (prières, hymnes, rites, homélies et catéchèses) nous pouvons accéder aux sources liturgiques concernant par exemple le Baptême, l’Eucharistie, l’Office divin. Mais qu’entendons-nous par « sources liturgiques » ?
Au sein de l’époque patristique, l’histoire de la liturgie[18] y perçoit trois périodes. Une période d’improvisation liturgique (Ier-IVème siècle), une période de création de formulaires (IV-VIIème siècle), enfin correspondant à la fin de la patristique (VIIIème siècle) le début d’une période de compilation. La date de l’édit de Milan en 312 est décisive car le culte chrétien prend progressivement son essor dans les édifices somptueux, dans les lieux saints et sur les tombes des martyrs. Cela conduira à la création de formulaires et jusqu’aux compilations de prières déjà considérées comme vénérables par leur ancienneté et leur longévité dans le temps au sein des sacramentaires.
Des sources liturgiques au sein de la période de l’âge apostolique[19] et des Pères apostoliques
Elles nous révèlent un point capital : les traditions liturgiques et la singularité du christianisme primitif sont comme en gestation au sein du judaïsme et des pratiques liturgiques synagogales. Ces traditions liturgiques, tel un berceau[20], ont fourni un cadre théologique au sein duquel ont été rédigés les premières Règles de foi comme le Nouveau Testament.
Nous avons la Didaché[21], le plus ancien texte du christianisme qui nous donne accès à des pratiques liturgiques concernant une initiation, le baptême et l’Eucharistie, mais aussi le lien très fort avec des pratiques juives des repas. Ce texte propose une trame narrative de passage que l’on trouvera plus tard dans la rédaction des évangiles. S’insérant dans des pratiques du judaïsme, Jésus-Christ y est présenté comme les accomplissant mais pour en donner une herméneutique de Salut totalement nouvelle. Nous pouvons être très surpris de la quantité d’informations de ces communautés primitives où les pratiques liturgiques, même si elles sont improvisées, semblent s’inscrire dans un cadre précis et codifié.
Nous pouvons aussi mentionner la Lettre aux Corinthiens de saint Clément de Rome, les écrits d’Ignace d’Antioche et de Polycarpe de Smyrne, ou encore l’Apologie de Justin où l’on trouve l’existence d’une liturgie chrétienne dominicale avec prière d’action de grâce, offrande du pain et du vin, anamnèse du mystère pascal, doxologies. Nous avons ici en germe la structure des futures anaphores (c’est-à-dire « prière de l’offrande ») dont la narration à caractère sacrificiel en mémoire de l’offrande du Christ s’inspire de la beraka juive[22]. La revue Connaissance des Pères[23] consacra un numéro spécial à l’étude des anaphores.
Quant au Nouveau Testament, il contient aussi des péricopes exposant certaines traditions liturgiques comme l’institution de la Cène, des pratiques baptismales mais aussi la ritualité auprès des malades décrite au sein de la Lettre de Jacques [24]. Ainsi les Pères[25] témoigneront d’une profonde charité concrète envers les malades, comme saint Basile qui fonda une ville-hôpital aux environs de Cappadoce : Basiliade.
Des sources liturgiques de la période des IIème et IIIème siècles
Les Pères de l’Eglise ont considérablement enrichi le trésor liturgique par leurs compositions. C’est là que nous pouvons prendre la pleine mesure de ce que la liturgie leur doit.
Parmi les textes clefs, il y a la Tradition Apostolique[26] d’Hyppolite de Rome qui nous communique de précieuses informations sur les rites et pratiques baptismales de la ville. Grâce à elles on a pu retrouver le texte, enseigné uniquement à l’oral pour éviter tout travestissement, de ce que l’on nommera le Symbole des Apôtres[27], c’est-à-dire un compendium de Règles de foi. S’il est ici dans sa forme que l’on nommera symbole romain primitif, il évoluera jusqu’au IV-Vème siècle pour donner la forme définitive que l’on utilise encore aujourd’hui au sein de la liturgie. Nous sommes redevables au texte d’Hyppolite de Rome de nous proposer l’une des plus anciennes anaphores qui servira d’archétype en proposant la matrice compositionnelle de ce que l’on nommera plus tard « prière eucharistique », à savoir : action de grâce en mémoire de l’Incarnation rédemptrice, récit de l’institution, anamnèse de mystère pascal, épiclèse, doxologie conclusive. Nous sommes redevable d’Hyppolite de Rome de nous transmettre la première épiclèse connue, à la fois sur les offrandes et sur le peuple, où s’exprime la puissance de l’Esprit. Pour approfondir la complexe question de l’épiclèse, trois numéros de la revue Connaissance des Pères[28] en donnent de précieux éléments. Notons enfin que l’anaphore d’Hyppolite de Rome servit de paradigme pour la réforme conciliaire des prières eucharistiques.
On peut en outre mentionner les plus anciennes anaphores orientales (IIIème-IVème siècle) qui introduisent l’acclamation du sanctus entre l’action de grâce et l’institution de la Cène. Il y a celle d’Egypte attribuée à Sérapion de Thmuis, ou bien celle d’Antioche que l’on peut connaitre grâce aux catéchèses de Cyrille de Jérusalem[29] ou de Saint Basile. A noter que dans les anaphores d’Orient, l’épiclèse se situe après le récit de l’institution.
Ensuite, bien que n’étant pas une source liturgique directe, le Traité sur le baptême[30] de Tertullien[31] est un texte incontournable par le fait d’être le premier du genre. L’interprétation figurative, allégorique et typologique de l’Ecriture entreprise par Tertulien pour faire l’apologie de l’eau va lui permettre non seulement d’exposer et de justifier les pratiques liturgiques de l’Eglise de Carthage contre la secte de Caïniens, mais en outre de synthétiser l’une des premières théologies de la Grâce baptismale dans sa double dimension purgative et régénérative. Grâce à ce traité, nous avons pu aussi reconstituer les pratiques baptismales de l’Eglise de Carthage et voir combien l’interprétation de l’Ecriture est au carrefour de la rencontre féconde entre pratiques liturgiques et théologie sacramentaire. Jean Daniélou, au tournent du renouveau patristique de la seconde moitié du XXème siècle, exposa ce nouveau paradigme jusque-là encore très peu connu[32] mais maintenant essentiel.
Des sources liturgiques de la période des IVème et VIIème siècles
Hymnographie des Pères
Les Pères nous laissent un extraordinaire corpus d’hymnes au service de la liturgie. Excroissance des psaumes et des cantiques bibliques dont elles s’inspirent, voici quelques compositions qui servirent à enrichir le patrimoine musicologique et théologique de l’Office divin, et cela dans une diversité de langues. Par exemple, un grand nombre d’entre-elles ont d’ailleurs été conservées et compilées pour constituer l’hymnaire[33] de la Liturgia Horarum[34] lors la réforme conciliaire.
Voici tout d’abord quelques exemples de l’Occident.
Véritable synthèse biblique, l’hymne du Gloire à Dieu, est un des plus beaux héritages des Pères[35]. Les Constitutions apostoliques[36], écrites à Antioche vers la fin du IVème siècle, sont importantes car avec le Codex Alexandrinus (Vème siècle) elles sont le plus ancien témoignage grec[37] nous mettant en présence d’une forme remaniée de la souche originelle de l’hymne. Au départ hymne pour les Laudes portant le nom de Grande doxologie avant d’être introduite uniquement dans la liturgie papale pour les fêtes de la Nativité par le pape Télesphore (128-139), d’où son nom d’hymne angélique au sein du Liber Ponticalis[38]. Nous possédons deux articles d’érudition de Jules Lebreton[39] et de Dom Bernard Capel[40]. Ils traitent des recherches sur les manuscrits en grec pour comprendre son origine au IIème siècle, son évolution textuelle influencée par le Traité sur la prière[41] d’Origène, jusqu’à la forme définitive fixée au VIème siècle et que nous connaissons aujourd’hui. De la prière matinale d’où elle vient, le remaniement influencé par la théologie d’Origène[42] rapproche paradoxalement l’hymne du cadre de la liturgie eucharistique où elle se trouve.
L’hymne du Te Deum et l’Exultet de la veillée pascale que la légende attribue à Ambroise de Milan. S’inspirant des hymnes d’Ambroise de Milan, il y a celles en l’honneur des reliques de la Sainte Croix composées par le moine Venance Fortunat (530-609) comme Vexila Regis et Pange Lingua gloriosi dont la portée théologique s’appuie sur une compréhension johannique de la Passion où Jésus est à la fois prêtre, autel et victime[43]. Thomas d’Aquin s’en inspira pour composer l’Office du Saint-Sacrement.
Concernant l’Orient, on peut citer cette liste d’hymnes d’Ephrem de Nisibe (306-373) : Hymne contre Julien, SC 590 ; Hymnes contre les hérésies, SC 587- SC 590 ; Hymnes pascales, SC 502 ; Hymnes sur la Nativité, SC 459 ; Hymnes sur le Paradis, SC 137. Ou bien celles de Romanos le Mélode (493-555) : Hymnes, SC 99-SC 110-SC 114-SC 128-SC 283.
Ces hymnes, en plus d’enrichir le répertoire pour l’Office divin, avaient une vocation catéchétique. Par l’utilisation de signes bibliques, si la liturgie est une épiphanie des mystères divins, les textes liturgiques se doivent de louer le mystère ainsi manifesté mais aussi de concourir à l’illumination de l’intelligence concernant ce même mystère où l’Ecriture s’accomplit. Les hymnes étaient à la fois école de louange mais aussi formation pour tous en vue de d’affermir l’orthodoxie de la foi face aux hérésies. Ce lien intrinsèque entre traditions liturgiques et Ecriture remontant aux origines permettra à Prosper d’Aquitaine (390-463) de formuler le célèbre adage « Lex orandi, lex credenti[44] ». Par exemple Ambroise de Milan[45] donna un plaidoyer en faveur de l’utilisation du symbole romain primitif transmis par Hyppolite de Rome pour garantir l’orthodoxie de la foi des catéchumènes dans sa lutte contre l’arianisme.
Originalité inégalée de la prédication des Pères
A côté d’homélies sur des fêtes liturgiques comme celle de Jean Damascène[46], ou des homélies sur des temps liturgiques qui nous donnent également d’autres précieuses informations, les Pères de l’Eglise ont progressivement inventé un genre littéraire nouveau que sont les catéchèses mystagogiques. Notons d’emblée que la revue Connaissance des Pères[47] consacra deux numéros à leurs étude approfondies.
De plus, voici le riche corpus de textes disponibles au sein de la collection Sources Chrétiennes : Meliton de Sardes (100-180), Homélies sur la Pâques, SC 123 ; Ambroise de Milan (339-397), De Mysteris - De Sacramentis - Explication du Symbole, SC 25b ; Grégoire de Nysse (335-395), Discours catéchétique, SC 453 ; Homélie sur le Notre Père, SC 596 ; Jean Chrysostome (344/349-407), Homélies sur la Résurrection-L’Ascension-La Pentecôte, SC 561-SC 562 ; Huit catéchèses baptismales, SC 50, Trois catéchèses baptismales, SC 366 ; Augustin d’Hippone (354-430), Sermons sur la Pâques, SC 116 ; Evêque Timothée (IVème siècle), Sur la Pâque, SC 604 ; Hesichius de Jérusalem (400-450), Homélies pascales, SC 187 ; Basile de Séleucie (???-458/468), Homélies pascales, SC 187 ; Léonce de Constantinople (Vème siècle), Homélies pascales, SC 187 ; Jean de Béryte (Vème siècle), Homélie pascale, SC 187 ; Pseudo Jean Chrysostome (Vème siècle), Homélie pascale, SC 187 ; Syméon le nouveau théologien (949-1022), Catéchèse, SC 96-SC 104-SC 113 ; Homélies Amonéennes Pour l’octave de Pâques, SC 146 ; Homélies pascales, SC 27-SC 36-SC 48.
A travers lui nous pouvons y découvrir, au-delà du trésor de style, ce que les Pères ont fait et enseigné concernant les sacrements de l’initiation chrétienne. Ce corpus constitue une source de premier ordre, non seulement pour la théologie sacramentelle et sacramentaire, mais aussi pour l’histoire de la liturgie des fêtes pascales, et cela pour deux raisons. Déjà pour la pertinence patristique de la théologie sacramentaire reposant, par un acte mémoriel, sur une interprétation allégorique des rites et des signes bibliques dont on a fait l’expérience. Au sein des catéchèses mystagogiques nous pouvons y retrouver l’interprétation par les Pères des signes sacramentels utilisés dans la liturgie (eau, huile, pain, vin, lumière, vêtement etc..) en synergie avec une interprétation des signes bibliques. Ensuite en analysant ces textes nous pouvons retrouver, par déduction, des éléments objectifs de mises en œuvre de rites que nous devons aux Pères, mais aussi de tout le processus complexe des étapes liturgiques des catéchumènes et des néophytes qu’ils ont créé.
Par exemple le recueil des Sources chrétiennes consacré à Ambroise de Milan[48] a permis à Dom Bernard Botte de reconstituer les pratiques liturgiques milanaises avec les catéchumènes et l’ensemble des étapes liturgiques ainsi que des rites pour les sacrements de l’initiation chrétienne lors de la veillée pascale. Avec les trois textes d’Ambroise nous avons les seules sources manuscrites nous donnant accès à la liturgie milanaise. Il en a été de même pour le recueil consacré aux Sermons pour la Pâque[49] d’Augustin. Il ne s’agit pas d’une suite de sermons ayant été écrits pour une seule et même occasion, mais d’une reconstitution à postériori réalisée par les spécialistes qui travaillèrent à l’élaboration du recueil. A partir des informations retrouvées, une reconstitution liturgique a pu être opérée. Puis on a sélectionné sermons et catéchèses mystagogiques d’Augustin pour conduire le lecteur pas à pas, à revivre une forme d’initiation, comme jadis pour les catéchumènes et les néophytes.
Toutes ces recherches sur les catéchèses mystagogies des Pères ont permis, entre autres, l’élaboration du Rituel de l’Initiation Chrétienne des Adultes[50] souhaité par la réforme liturgique conciliaire qui avait demandé la restauration du catéchuménat.
Récits historiques et hagiographiques
Enfin, tout aussi surprenant que cela puisse paraître, nous trouvons des sources liturgiques dans ces textes où, sous forme de témoignage, ils consacrent des passages à la description de la manière dont priaient les chrétiens dans des régions ou des villes. Le plus bel exemple est le célèbre récit de voyage d’Egérie[51] qui nous permet de savoir comment les chrétiens de Jérusalem célébraient la Semaine Sainte. Certaines pratiques vénérables seront introduites pour la Semaine Sainte dans la liturgie romaine : comme la liturgie stationnale devant la porte pour la Messe des Rameaux ou bien le dévoilement et l’adoration de la Croix pour l’Office de la Passion.
Il y a également le récit de la Passion de Perpétue et Félicité[52] dont certains fragments deviendront des antiennes et des versets pour l’Offices des Vierges martyres.
Les traités sur les sacrements
En plus de sources liturgiques directes, les Pères ont composé d’autres traités concernant les sacrements ou la prière. Ces traités montrent le lien étroit et unitif, caractéristique de l’époque patristique, entre liturgie et théologie, entre théologie des rites et théologie sacramentaire. La théologie de sacrements puise ses racines dans son site liturgique !
En effet, les Pères ont élaboré ces traités sur des développements catéchétiques concernant des rites et des traditions liturgiques. Grâce à eux, il nous est possible de reconstituer diverses pratiques liturgiques. Ils nous révèlent en outre cette dimension très harmonieuse, régulée par l‘interprétation de l’Ecriture, entre l’élaboration de la liturgie et l’élaboration de la théologie sacramentaire dans un principe de subordination de la théologie envers la liturgie.
Ensuite, voici une liste des traités disponibles dans la collection Sources Chrétiennes que nous avons choisi parce qu’elle propose à la fois une édition critique des textes originaux et une traduction scientifique : Tertullien (150/160-220), De la Pénitence, SC 316 ; Le Mariage unique, SC 343 ; Basile de Césarée (329-379), Sur le Baptême, SC 357 ; Le Voile des vierges, SC 424 ; De la résurrection de la Chair, SC 638 ; Hilaire de Poitiers (315-367), Traité des mystères, SC 19b ; Grégoire de Nysse (335-395), Traité de la Virginité, SC 119 ; Jean Chrysostome (344/349-407), Sur le mariage, SC 138 ; Sur la virginité, SC 125 ; Evrague le Pontique (346-399), Sur la prière, SC 589 ; Bède le Vénérable (672/673-735), Le tabernacle, SC 475.
Les sacramentaires et autres livres liturgiques
Avec le déclin de l’époque patristique, nous voyons apparaitre progressivement les premiers sacramentaires vers le VIIème siècle, mais ce n’est pas pour autant que se perdit cette riche tradition des créations liturgiques des Pères. Bien au contraire, en compilant des textes liturgiques et des rites considérés comme vénérables, c’est finalement l’héritage de la patristique qui s’est trouvé ainsi mis par écrit pour progressivement devenir la norme liturgique.
Voici pour terminer la liste des sacramentaires er autres livres liturgiques disponibles dans la collection Sources Chrétiennes : Rufin d’Aquillée (345-411), Bénédiction des patriarches, SC 140 ; Paulin de Pela (376-460), Poème d’action de grâce, SC 209 ; Prières, SC 209 ; Gélase Ier (410-496), 18 messes, SC 65 ; Livre d’heure du Sinaï (IX), SC 486 ; Grégoire de Narek (945/951-1003/1010), Livre de prières, SC 78 ; Rituels : Rituel cathare, SC 236 ; Trois antiques rituels du baptême, SC 59.
Ainsi, avec la publication du nouveau manuel de patristique, nous pouvons espérer que cet article donnera le goût d’aller lire sans modération ces écrits des Pères de l’Eglise. Il y a encore tant de trésors, tant de textes qui n’ont pas encore livré leurs secrets. Nul doute qu’ils nous permettront de continuer ce renouveau de la théologie sacramentaire concourant au renouveau liturgique.
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[1] J.H Miller, The nature and definition of the liturgy, in : Theological Studies, 18, 1957, p.344-350
[2] B. Botte, Le mouvement liturgique / Témoignage et souvenirs, Paris, Desclée de Brouwer, 1973
[3] A.G. Martimort, Communiqué suite à la 6ème Congrégation générale du Concile Vatican II, 24 octobre 1962, in : Documentation Catholique, 1962, p.1475 : « Le 1er chapitre et le schéma de la liturgie, qui contient un tiers de la matière à discuter, n’est pas seulement important pour la discussion des sept points suivants, mais est aussi déterminant pour l’orientation générale du Concile. Un nouveau langage théologique, un nouveau style ecclésiastique sont créées et on les retrouve seulement dans le schéma de la liturgie. Jadis, le style de la théologie était scholastique, et on le retrouve dans tous les autres schémas. Le style dans le schéma de la liturgie est biblique et patristique, entièrement orienté vers la pastorale. Ce style est compris par le peuple et touchera profondément les hommes. »
[4] Vingt ans d’etudes patristiques dans le monde, in : Connaissance des Pères n°85, mars 2002 ; Renouveau des études patristiques et œcuménisme, in : Connaissance des Pères n°140, septembre 2015
[5] Présence des Sources Chrétiennes, in : Connaissance des Pères n°51, septembre 1993
[6] Pie XII, Mediator Dei, 20 novembre 1947. Il s’agit de la première encyclique de l’histoire de l’Eglise entièrement consacrée à la liturgie.
[7] Pie XII, Réforme de la veillée pascale, 1951
[8] Pie XII, Réforme de la Semaine Sainte, 1955
[9] A.G. Martimort, Notions préliminaires, II. Définition de la liturgie, in : L’Eglise en prière, introduction à la liturgie, Paris, Desclée de Brouwer, 1961, p.5-8
[10] L. Bouyer, Le mystère pascal, Coll. Lex orandi, Paris, Cerf, 1945
[11] J. Daniélou, Bible et Liturgie, Coll. Lex orandi, Paris, Cerf, 1951
[12] J. Daniélou, Sacramentum futuri : études sur les origines de la typologie biblique, Paris, Beauchesne, 1950
[13]A.G. Martimort, Structure et lois de la célébration liturgique, chapitre 3 « le dialogue entre Dieu et son peuple », in : L’Eglise en prière, introduction à la liturgie, Paris, Desclée de Brouwer, 1961, p.119-120. On peut aussi penser à J. Daniélou, Sacrements et histoire du Salut, Coll. Lex orandi, Paris, Cerf, 1958
[14] Ibid., chapitre 4 « les signes », p.151-152
[15] Exégèse et herméneutique chez les Pères, in : Connaissance des Pères n°131, septembre 2013
[16] F. Cassingena-Trévedy, Les Pères de l’Eglise et la liturgie. Un esprit, une expérience. De Constantin à Justinien, Paris, Desclée de Brouwer, 2009
[17] A. Haquin, notice bibliographique sur Les Pères de l’Eglise et la liturgie. Un esprit, une expérience. De Constantin à Justinien. F. Cassingena-Trèvedy, in : Revue théologique de Louvain, 2011 n°42-3, p. 444-445
[18] B. Botte, Esquisses d’une histoire de la liturgie, in : L’Eglise en prière, introduction à la liturgie, Paris, Desclée de Brouwer, 1961, p.34-39
[19] Traditionnellement, il s’agit de la période depuis l’envoi en mission (Mt 28,12-169) jusqu’à la mort du dernier apôtre.
[20] La Bible, Traduction officielle liturgique, introduction générale, Paris, Mame, 2013, p.17 : « Entre la Bible et la liturgie les relations sont nombreuses et les influences déterminantes. La liturgie, juive puis chrétienne, a été l’un des berceaux de la Bible sans doute même le berceau principal, au point que l’on a pu écrire que la Bible est née de la liturgie […] La Bible est, en bonne partie, née de la liturgie. Et cela au moins de deux manières : par les textes d’origine proprement liturgique (prières hymnes et rituels) et par l’usage liturgique de certains textes ayant une autre origine […] C’est le cas de certains récits, parce qu’ils faisaient partie d’un rite dont ils constituaient un élément essentiel, par exemple le récit de la sortie d’Egypte [..] Des considérations analogues peuvent être faites pour le Nouveau Testament. Nombreux sont les passages d’origine liturgique : non seulement le récit de l’institution de l’eucharistie et les hymnes, mais encore un certain nombre d’homélies, par exemple la première lettre de Pierre. »
[21] La doctrine des Douze « Diddaché » (50-90), SC 248B
[22] C. Giraudo, Pneumatologie en Orient et en Occident, in L'Eucharistie, don de Dieu pour la vie du monde. Perspectives théologiques et ouvertures sur le monde, Actes du Symposium international de théologie. Congrès eucharistique, Québec 11-13 juin 2008, Québec 2009, p.90-120
[23]Anaphores, in : Connaissances des Pères n°161, mars 2021
[24] Jc 5,13-20. Probablement datée de 50-60. Nous y trouvons déjà tout ce qui constituera l’essentiel du futur sacrement des malades : on vient auprès du malade, on lui fait une onction d’huile et une prière « sur lui », c’est-à-dire qui constitue une sorte d’épiclèse. La théologie issue de l’exégèse de la lettre de Jacques concernant cette attention au malade sera reprise par saint Paul dans sa 2ème Lettre aux Corinthiens 2 Co 12,9 : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. »
[25] On peut se référer à Santé et maladie chez les Pères, Connaissance des Pères n°52, Décembre 1993
[26] Hippolyte de Rome, La tradition apostolique, SC 11B
[27] H. De Lubac, La foi chrétienne. Essai sur la structure du Symbole des Apôtres (Œuvres complètes, V). Sous la direction d’Éric de Moulins-Beaufort. Présentation de Peter Bexell, Paris, Cerf, 2008
[28] L’Eucharistie, in : Connaissance des Pères n°77, mars 2000 ; L’Esprit-Saint, in : Connaissance des Pères n°69, mars 1998 ; L’Esprit-Saint source de vie, in : Connaissance des Pères n°154, juin 2019
[29] Cyrille de Jérusalem (315-387), Catéchèses mystagogiques, SC 126
[30] Sur la question du Baptême on peut se référer à ces deux ouvrages. C.Munier-A.Benoît, Le baptême dans l'Église ancienne, Bern, Peter Lang, 1994 ; Le Baptême, Connaissance des Pères, n°63, septembre 1996
[31] Tertullien (150/160-220), Traité du baptême, SC 35
[32] J. Daniélou, Bible et Liturgie, Coll. Lex orandi, Paris, Cerf, 1951, p.10-11 : « Ainsi la typologie sacramentaire n’est qu’une forme de la typologie en général, de l’analogie théologique entre les grands moments de l’Histoire Sainte. Mais dans le cas des sacrements, il y a un problème nouveau qui se pose. En effet, les sacrements comprennent deux aspects. Il y a d’une part la réalité qui est accomplie. Et cette réalité est dans la continuité des œuvres de Dieu dans les deux Testaments. Mais il y a aussi le signe visible, eau, pain, huile, baptême, repas, onction, par le moyen duquel s’opère l’action de Dieu. C’est là, à proprement parler, le signe, le symbole sacramentel. Ce signe, comment faut-il l’interpréter ? A-t-il seulement la signification naturelle de l’élément ou du geste qu’il utilise : l’eau lave, le pain nourrit, l’huile guérit. Ou bien a-t-il une signification particulière. […] Nous aurons donc là une typologie qui portera non plus sur le contenu des sacrements, mais sur leur forme même et qui nous permettra que c’est à juste titre que nous les voyons figurés par l’Ancien Testament, puisque c’est pour cette raison qu’ils ont été choisis par le Christ. »
[33] Les Hymnes de Liturgia Horarum, Desclée-Mame, 1990. Mais on peut aussi consulter les actes d’une table ronde où intervenaient les traducteurs : L'hymnaire de "Liturgia Horarum" et sa traduction française, in : La Maison-Dieu n°173-1er trimestre 1988, p.7-17
[34] Liturgia Horarum, éditio typica promulguée par Paul VI, Vatican, 1er novembre 1970
[35] J.M. Lustiger, La messe, Paris, Bayard éditions, 1988, p.77-78 : « Il est donc remarquable et révélateur de sa qualité que le Gloria se soit ainsi enraciné dans la liturgie eucharistique et y soit demeuré sans interruption au fil des siècles. Cette hymne est une des plus belles pièces liturgiques qui soient. C’est un vrai trésor pour nourrir la prière aussi bien personnelle que communautaire ».
[36] Les Constitutions apostoliques (IVème siècle), SC 320- SC 329- SC 336
[37] Ibid., Tome III, Livres VII et VIII, Introduction, texte critique, traduction et notes de Marcel Metzger, SC 336, Paris, Cerf, 1987, p.113
[38] Le liber Pontificalis est un catalogue chronologique de tous les papes et évêques de Rome. Sa rédaction s’étale entre le VIème et le IXème siècle. Or, pour les papes les plus antiques, le Liber Pontificalis reprend le catalogue libérien établit par le pape Damase (366-384), successeur du pape Libère (352-366)
[39] J. Lebreton, La forme primitive du Gloria in excelsis. Prière au Christ ou prière à Dieu le Père ? in : Recherches de Science Religieuse 13-3 et 13-4, 1923, p. 322-329
[40] B. Capel, Le texte du Gloria in excelsis, in : Revue d’Histoire Ecclésiastique 44, 1949
[41] Origène, La Prière. Introduction, traduction et orientation par A.-G. Ham-man, Coll. Les Pères dans la Foi, Paris, Desclée de Brouwer, 1977
[42] Thèse développée par Jules Lebreton, et qui sera confirmée par les recherches de Marcel Metzger lors de l’édition critique au sein des Sources chrétiennes.
[43] 5ème strophe du Vexila Regis : « Salut autel, salut victime de la glorieuse Passion ! La vie qui supporta la mort, par la mort a rendu la vie ! »
[44] Voici quelques articles sur la compréhension de cet adage : P. De Clerck, Lex orandi, lex credendi : The original sense and historical avatars of an equivocal adage, in : Studia liturgica 24, 1994, p. 178-200 ; P. V. Marshall, Reconsidering liturgical theology : Is there a lex orandi for all Christians ?, in : Studia liturgica 25, 1995, p. 129-151 ; M. M. Schaefer, Lex orandi, lex credendi : Faith doctrine and theology in dialogue, in : Studies in Religion/Sciences religieuses 26, 1997, p. 467-479
[45] Ambroise de Milan, De Mysteris - De Sacramentis - Explanatio Symboli, SC 25b, Paris, Cerf, 1961
[46] Jean Damascène (675-749), Homélie sur la nativité et la Dormition, SC 80
[47] La mystagogie d’hier et d’aujourd’hui, in : Connaissance des Pères n°126, juin 2012 ; L’initiation chrétienne, hier et aujourd’hui, in : Connaissance des Pères n°152, décembre 2018
[48] Ambroise de Milan (339-397), De Mysteris - De Sacramentis - Explication du Symbole, SC 25b
[49] Augustin d’Hippone (354-430), Sermons sur la Pâques, SC 116
[50] (RICA) Rituel de l’Initiation Chrétienne des Adultes, Paris, Desclée/Mame, 1974,1997. Edition typique promulgué à Rome le 6 janvier 1972
[51] Egérie (380), Journal de voyage, SC 296
[52] Passion de Perpétue et Fécilité, SC 417
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