Mais laissez-donc tranquille!
- bohleremmanuel
- 23 nov. 2020
- 3 min de lecture
Cet article a été rédigé pour le journal hebdomadaire « L’Ami-Hebdo », édition du 1er août 2014. Libre commentaire pour le 18ème Dimanche du Temps ordinaire (A): 3 août 2014 (Mt 14, 13-21).

Nous pourrions exclamer cette sentence à ses foules qui sont venues chercher Jésus à l’écart et l’arracher à sa solitude tant désirée.
Dès le début Jésus souhaite partir… Mais pas n’importe où ! Dans un lieu désert, en plus à l’écart… Peut-on aller plus loin dans la solitude et le dépouillement? D’ailleurs c’est un lieu qui demeure inconnu !
Malgré cela, la foule tenace se constitue, car l’évangile signale que l’on vient de plusieurs villes. La foule se constitue en voulant suivre le Seigneur, en voulant aller dans cet endroit désert. Le désir de suivre le Seigneur est tellement grand que la foule se rassemble et devance son arrivée. La foule trouve l’endroit où Jésus voulait aller, sans que ce dernier le lui révèle. Comme la poésie du livre du prophète Osée (Os 2, 16), voilà que le désert devient un lieu de rencontre, un lieu de rendez-vous entre le Seigneur et son peuple. Comme la fiancée va chercher ardemment son fiancé dans le Cantique des Cantiques (Ct 3), ainsi la foule devance Jésus. Et comme le fiancé parle à sa fiancée, ainsi Jésus va parler au cœur de la foule.
Jésus ne va rien dire, mais il va guérir. Il va soigner cette foule et par ses soins, il va déjà la nourrir par sa compassion. Compassion ardente parce que saisissante. Peut-être que Jésus déploie autant d’ardeur à soigner cette foule, qu’elle en avait pour le devancer dans cet endroit désert. Ce récit est bien la rencontre amoureuse entre les hommes et Dieu.
Puis de nulle part, surgissent les disciples avec les questions matérielles. Ils semblent venir interrompre la rencontre entre Jésus et la foule en demandant de la congédier. Les raisons qu’ils donnent font penser aux pèlerins d’Emmaüs… Comme pour eux, le soir approche et déjà le jour baisse, mais la différence réside dans le fait que pour eux il y a une auberge, alors que pour la foule c’est le désert ! Face à ce dilemme, la réponse de Jésus est surprenante car en disant aux disciples qu’elle n’a pas besoin de partir, et en leur demandant de lui donner à manger, le Seigneur présuppose que la Table est déjà prête ! La nourriture est déjà là ! Les disciples semblent acquiescer la demande du Seigneur de nourrir la foule, mais avec ce qui est déjà là : les cinq pains et les deux poissons. Ils deviennent des offrandes, apportées par les disciples. Mais de ces offrandes, Jésus va leur donner une autre nourriture à distribuer.
Une nourriture préparée depuis l’origine?
Jésus fait asseoir la foule sur l’herbe… A moins d’être dans un oasis, il n’y a pas beaucoup d’herbes dans un endroit désert ! Cette allusion poétique au psaume 22 (23), fait que Jésus va devenir le berger qui nourrit ses brebis afin qu’elles ne manquent de rien. Et s’asseyant sur cette herbe « fraîche », elle se repose. Elle voit Jésus prenant le pain et les poissons, elle entend Jésus prononcé la bénédiction, elle voit Jésus rompre uniquement le pain. Le pain rompu sera confié aux disciples, qui eux-mêmes le donnera à la foule. Et de ce pain rompu, il en restera en abondance.
Ce pain rompu a été transformé, il est le « Pain du Ciel ». A partir d’un pain terrestre, fruit du travail des hommes offert, Jésus nous donne un Pain éternel, le vrai « Pain du Ciel« . Quelle préfiguration de l’eucharistie ! Nous avons un condensé de toute la liturgie eucharistique, avec la présentation des dons, la prière eucharistique (bénédiction) et la fraction du pain introduisant à la communion.
Quel admirable échange! D’un lieu de rencontre dans une terre aride, désertique et à l’écart, voilà que l’abondance a germé ! Abondance de la charité, abondance du Pain Partagé. Les corps sont rassasiés par la compassion du Seigneur, les âmes sont rassasiées par son Pain du Ciel. Quelles noces mystiques!
Et dire que c’est à l’écart que ce miracle se passe. Si la foule a suivi Jésus pour vivre ce miracle d’abondance, peut-être que l’Eglise aurait la vocation de faire ce même pèlerinage : Aller rejoindre tous ceux et celles qui sont à l’écart, et leur partager ce qu’elle a reçu de son Seigneur : charité et Pain Partagé.
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