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Recension du livre "Poétique de la théologie" de François CASSINGENA-TREVEDY


Diffusée sur les ondes de Radio Jérico. Direct pour la rubrique "Paroles d'Evangile" au sein la matinale de Thierry GEORGES,

Février 2011.


Livre paru en librairie en février 2011


Je voudrais vous présenter un livre récemment sortie...

Il s’agit du dernier ouvrage de François Cassingena-Trévedy, moine bénédictin de l’abbaye de Ligugé près de Poitiers, ancien Normalien, docteur en théologie, et actuellement professeur au sein de l’Institut Supérieur de Liturgie de la Catho de Paris.

Un bref ouvrage d’une profondeur, et d’une visée audacieuse... Essayant de renouer le lien perdu depuis fort longtemps entre la poésie et la théologie, et essayant de montrer, à frais nouveau, dans le monde qui est le notre, que l’un en va pas sans l’autre et qu’il y a communion d’expérience entre les deux.


François Cassingena-Trévedy cible l’impasse dans laquelle la théologie contemporaine semble être, si elle ne fait qu’un discours « sur » Dieu. Pouvant devenir alors un obstacle, contre sa propre finalité. Or la théologie ne peut se couper de l’expérience chrétienne, vécue en profondeur de manière authentique. Pour sortir de l’impasse de sa technicité scientifique, abstraite et parfois désincarnée, la théologie a besoin de renouer avec l’expérience poétique.

Tout d’abord qu’est-ce que « l’écriture poétique » ?

Selon l’auteur, nous demeurons dans l’image unique du XIXème siècle. Or l’expérience poétique, au lieu d’être une impudique mièvrerie, est une « condensation du réel ». Pour montrer comment l’expérience poétique peut rejoindre la théologie, François Cassingena-Trévedy procède à un balancement régulier entre deux pôles, comme le va et vient de la mer.

Entre d’un coté une interprétation de type « sacramentaire » du langage et de la parole (la théologie, tout comme la poésie, touche la personne en profondeur et non en surface. L’un et l’autre témoignent de la parole qui conduit au-delà des mots), et de l’autre coté un approfondissement de l’écriture poétique en tant que « condensation de mots » (où tout est nécessaire, rien n’est superficiel, les mots ne font pas de bruit, et s’accouplent au silence).

L’écriture poétique permet de vivre cette « sacramentalité » de la parole et du langage, cette « médiation », car elle n’est pas mise en vers d’une théorie a priori, mais la mise en lumière même d’une « expérience », d’une rencontre. Expérience « d’incarnation » du texte à travers l’art de l’écriture ! Se faisant l’écrit ne porte d’ombre à la Source, mais lui sert d’organe !

Ensuite, si l’écriture poétique peut servir la théologie, qu’est-ce qu’une « théologie poétique » ?

Au détriment d’une théologie exclusivement scientifique et spéculative, une « théologie poétique » se fonde sur l’émerveillement et l’admiration. Critiquant la tentation de la théologie spéculative de faire comme Adam et Eve, de « prendre le fruit » et d’avoir main mise sur la connaissance. Or, fonder une théologie poétique sur l’émerveillement, revient à reconsidérer la fragilité, le respect : tout vient d’un face à face, où l’on peut y découvrir l’avènement de Quelqu’un d’autre.

Cette vision rejoint, à mon sens, l’intuition de Maurice ZUNDEL, lorsqu’il titrait un des ses ouvrages : « Je est un autre »...

Le fondement d’une théologie poétique sur l’émerveillement, conduit l’auteur à faire une nouvelle épistémologie, distinguant le concept du symbole. Alors que la théologie spéculative fonctionne à partir de concept plus ou moins abstrait, qui a tendance à enfermer et à figer, la théologie poétique fonctionne à partir du « symbole » dans une approche à la fois rigoureuse, mais en même temps approximative, car ce dernier est en lien avec l’inviolable... Par le biais du symbole on utilise la médiation du langage comme « parabole ». La parabole deviendrait l’art de parler du théologien poète : pas d’immédiateté ou de main mise, mais un bienheureux décalage !

Pour François Cassingena-Trevedy, la théologie poétique a quelques conséquences importantes.

D’une part nous quittons l’idée du système (accumulation figée) au profit du détail (qui ne contient pas la totalité).

D'autre part cela conduit à l’éloge du « fragment » assurant la liberté du théologien, et la liberté même du mystère que l’on essaye de saisir. Le poète théologien serait alors cet « homme du fragment », qui refuserait de prendre le tout, mais où tout serait mystérieusement donné. Comme, par analogie, la communion eucharistique où nous communions à un fragment qui n’est pas le tout, mais où tout y est donné.

Le poète théologien aura alors une parole à la fois poétique et eucharistique. Pour l’éloge du fragment, il ne sera pas amené à faire de « synthèse » mais une synesthésie où à travers l’expérience artistique du langage, il perçoit tout le mystère. Usant alors de figure de style de la métonymie, écrivant des paroles de « sous entendus » et « discontinues ».

Puis François Cassingena propose trois exemples concrets.

Tout d’abord la figure de saint Jean l’Evangéliste, sorte de modèle du poète théologien. Puis, au sein d’une étude comparative synchronique, deux exemples contemporains : Paul CLAUDEL et Pierre THEILHARD DE CHARDIN.

Face à notre monde qui s’asphyxie de paroles faciles, qui parle tellement pour ne rien dire...

Enclin à l’immédiateté de manière pathologique, ne sachant plus discerné la subtilité du décalage, due à l’affadissement de notre vocabulaire. Alors que l’être humain est en passe de devenir, avant même sa conception, un objet siégeant dans un bocal à coté d’autres éléments, dans une égalité sans relief donnant froid dans le dos, en attendant je ne sais quelles expériences : ou au nom de la science et du progrès, qui font des prouesses, l’humain, « l’ÊTRE » humain se déshumanise encore plus vite ; ce livre est une « bulle d’aération extraordinaire », qui donne à penser, et à repenser l’homme dans ce qu’il a de plus beau et de singulier : l’expérience poétique de l’écriture où il lui est POSSIBLE d’ADVENIR ! A dans l’expérience même d’Ecriture, il pourra sentir la main d’un Autre, qui lui apprendra à FORMER ses lettres... de noblesses !!!!

Comme une bouteille à la mer, souhaitons que ce livre ne passe pas inaperçue... Mais un jour viendra, ou même les courants contraires, pourront l’offrir à un rivage, en attendant une main qui l’ouvrira.


Beau voyage !

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