Recension des livres "Barbe bleue" d'Amélie NOTHOMB et "La femme au miroir d'Eric-Emmanuel SCMITT
- bohleremmanuel
- 26 nov. 2020
- 3 min de lecture
Diffusée sur les ondes de Radio Jérico. Direct pour la rubrique "Paroles d'Evangile" au sein la matinale de Thierry GEORGES,
Septembre 2011.
Livre paru en librairie en septembre 2011
... Ou Oedipe et Narcisse font leur rentrée....
Lors de la rentrée littéraire de ce mois de septembre, j'ai été surpris de voir réapparaître deux fantômes mythologiques...
Œdipe à travers le roman d'Amélie NOTHONB « tuer le père », et Narcisse à travers le roman d'Eric-Emmanuel SCHMITT « la femme au miroir ». Les deux romans étant publiés chez Albin MICHEL.
Comme disait Cocteau dans son film « Orphée » : l'avantage des personnages mythologiques c'est qu'ils n'ont pas d'âge et qu'ils disent quelque chose à toutes les époques, même à la nôtre si matérialiste.
Commençons par « Tuer le père »...
Amélie NOTHONB revisite le personnage d'Oedipe avec une audace et un machiavélisme qui lui est propre ! On retrouve bien les ingrédients de la tragédie... Un fils en perdition recueilli par des parents d'adoptions. Finit par « coucher » avec sa mère adoptive et va "tuer" son père adoptif... Jusque là classique me direz-vous, mais Amélie NOTHONB va plus loin !
Elle va travestir la morale de l'histoire et surtout l'interprétation freudienne ! Cette dernière décrivant le complexe d'Œdipe comme le processus de maturation humaine pour pouvoir advenir comme adulte. Or Amélie NOTHONB va comme pervertir l'ordre établi : le fils va se révéler adulte avant l'heure : le fait de coucher avec sa mère et de tuer son père par deux fois (par rejet et par aliénation mentale) ne sera pas le fruit d'une "inconscience" quelconque ou d'un Destin omnipotent... Mais d'un meurtre par préméditation !
L'égoïsme est ici élevé au rang de manipulation ! Quête du pouvoir, de jouissance, de possession : Ici les instincts primaires sont « sacralisés », couronnés ! En fait on pourrait dire qu'Amélie NOTHONB décrit le règne de « l'Enfant Roi » !
« Œdipe » ou l'Enfant Roi !
Voilà un sous-titre que l'on pourrait donner à ce livre !
« Enfant Roi » allant jusqu'à aliéner le rôle des parents, en les réduisant à des objets complètement assujettis à ce « gosse » nouveau riche, adulte avant l'heure par sa claire vision, mais complètement et irréductiblement lié à son stade puéril et capricieux.
Avec « Tuer le père », Amélie NOTHONB semble stigmatiser l'échec de la vision de l'adulte responsable, complètement assujetti à « l'Enfant Roi » comme si l'on se bornait finalement à ne jamais vouloir advenir...
Sommes-nous si loin de la réalité ?
Quant à Eric-Emmanuel SCHMITT, « La femme au miroir » est un roman à trois histoires qui se complètent en même temps !
Chapitre un : Anne, une femme vivant dans les béguinages belges de la Renaissance. Chapitre deux : une femme vivant dans la haute société viennoise entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle.
Chapitre trois : une actrice hollywoodienne vivant en pleine dépravation.
Et les chapitres se poursuivent avec ce rythme ternaire et cette évolution, toute à la fois discontinue et génialement continue puisqu'elle semble au fur et à mesure de la lecture, converger vers un même but.
D'autant qu'elles ont un point commun : le MIROIR !
Le MIROIR, qui au lieu du mythe antique de Narcisse sera symbole de vanité et d'amour de soi hypertrophié, sera plutôt le signe opposé : celui de la mésestime de soi !
Les trois personnes principales de ces trois histoires voudront « casser le miroir », non pas par libération, mais pour ne pas voir la réalité en face !
Aucune n'arrive à se reconnaître dans l'image projetée ! Comme si l'humanité avait une telle mésestime d'elle-même... Comme si l'être humain ne se reconnaissait plus dans sa corporéité, image projetée du miroir.
Le miroir, semble devenir l'ennemi qui montre à nos yeux ce qui constitue la réalité de notre corps, et que de la place de nos yeux, nous ne pouvons pas voir.
Drame, mal être, difficulté d'être... Ces trois femmes correspondent finalement aux trois degrés de la quête de soi : Quête spirituelle (pour Anne des béguines)... Quête psychologique et identitaire pour la viennoise... Quête existentielle, sans aucun repère culturel et social pour l'actrice hollywoodienne.
Alors que le mythe de Narcisse est une tragédie parce que la personne s'enferme dans l'amour de soi, ici la tragédie est inversée puisque le miroir révèle et accentue la mésestime de soi et la fuite devant la réalité de ce qu'elles sont !
Finalement Amélie NOTHONB et Eric-Emmanuel SCHMITT, en revisitant les mythes d'Œdipe et de Narcisse, semblent mettre en lumière les problèmes de notre époque : «l'enfant roi », et la « mésestime de soi ».
Alors laissons-nous guider par la narration des ces deux romanciers si différents, mais qui nous montrent, à nouveau frais, que les personnages mythologiques ont bien quelque chose à notre dire !
Bonne lecture !
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