Recension du livre "Insurrection pascale" de Hélène et Jean BASTAIRE
- bohleremmanuel
- 27 nov. 2020
- 5 min de lecture
Diffusée sur les ondes de Radio Jérico. Direct pour la rubrique "Paroles d'Evangile" au sein la matinale de Thierry GEORGES.
Mars 2012.
Livre sorti en librairie le 27 février 2012
Chers amis….
Alors que nous sommes proches de la semaine sainte et de la fête de la Pâques, il convient alors que nos regards se tournent vers cette fête.
Mais comment parler de l’évènement fondateur du christianisme… La résurrection…
Mais attention, pas une résurrection comme les autres… Pas en « esprit » mais « en chair », selon la chair !
Comment parler et comment saisir ce message si extraordinaire.
Le philosophe octogénaire Jean BASTAIRE a tenté, dans son dernier lire «INSURRECTION PASCALE » publié chez Salvator, de réveiller une conscience incarnée de la Résurrection dans le cœur des chrétiens.
On peut être tenté de lire ce livre à reculons, tout simplement à cause du grand âge de ce philosophe au physique de 4ème âge…. On peut sourire lorsqu’un homme de son âge veut nous entretenir, sur des thèmes aussi brûlants d’actualité… Le sens de la vie, la vie chrétienne… Sur les questions actuelles de la sexualité, de l’argent, de la vie chrétienne engagée dans le monde…
On peut se dire… Encore un « vieux » qui s’accroche à la vie, qui refuse de vieillir, qui veut faire « in », jeune avec les jeunes… Qui veut faire perdurer un monde non seulement que personne n’a pu connaitre, mais que personne ne veut voir revenir !
Bref un anachronisme ambulant !
Et pourtant en lisant les pages de ce livre, du haut de mes 35 ans : je dois vous avouer qu’il m’a époustouflé!
Oui ! Jean BASTAIRE nous a bien eu ! Il est loin d’être un anachronisme ambulant, un vieux sénile qui s’accroche à une jeunesse illusoire et chimérique, par peur de la dégradation corporelle et de la mort ! Il est quelque part, plus jeune que nous!
En lisant ces pages, Jean BASTAIRE assume sa corporéité délabrée par le poids des ans ! Il assume sa vieillesse ! Il est pleinement dans son âge, mais dans ces lignes, il confesse implicitement sa foi en la vie ! Une vie non fantasmée ! Une vie non désespérée ! J’ose dire une vie toujours nouvelle ! Ces pages sont pour moi la transposition contemporaine de la première lettre de saint Jean évoquant l’éternité de l’amour ! Il y a une « vie éternelle » qui se dégage des pages de ce vieillard ! Une vie qui en son temps s’est traduite à travers les œuvres de son corps, qu’il assume son aucune inclination au gnosticisme, ni même en une volonté de se détacher de son incarnation.
Il semble sous-entendre une incarnation corporelle, comme épiphanie de l’amour, comme manifestation authentique de cette vie « nouvelle et éternelle».
Et même si cette dimension corporelle se dégrade, diminue jusqu’à l’extinction : c’est au travers de son inaction, de sa non beauté, de sa non grâce et de sa non séduction, de sa paralysie que le corps communiquera toujours l’amour et la vie !
N’est-ce pas les prémices de la Résurrection, où à la fin du Temps, de notre chair ressuscitée jaillira l’amour et la vie éternelle ? C’est le mystère même de la compréhension johannique du mystère de l’incarnation, de l’Amour et de la Vie divine.
Ce livre est un témoignage authentique d’une vie de couple: il a été écrit à deux ! Avec sa femme Hélène, et il est saisissant de « sentir », de « palper » en lisant ce livre, et l’amour et la vie, au travers d’un corps décharnée !
Ce livre est ETONNANT ! Rien que dans style !
Il propose un chemin pascal ! C’est-à-dire repenser l’évènement de la Résurrection du Christ selon la chair et ses conséquences sur notre humanité et notre vie chrétienne en fonction des questions brûlantes actuelles.
Tout d’abord « annoncer la Résurrection », puis « dénoncer l’argent », « réhabiliter le sexe », « désacraliser l’institution » et enfin « sauver toutes choses ».
Pour ce chemin initiatique, Jean et Hélène BASTAIRE nous proposent de petits chapitres d’à peine 2 pages, qui se lisent avec beaucoup d’aisance.
Autant vous faire profiter de 2 extraits….
Déjà concernant l’évènement de la Résurrection….
« … Le chrétien est un insurgé. Il s’est levé de la mort. Il est né de nouveau. Il est sorti de la matrice d’un monde admirable et abominable, jubilatoire et dérisoire, exaltant et étouffant. Il s’est affranchi des promesses non tenues, des horizons au-delà desquels il n’y a rien. C’est pourtant de cette matrice déconcertante, décevante, désespérante qu’il fût conçu. Elle semblait mûrir un fruit âpre mes délectables. Finalement tout n’a plus eu qu’un temps, bien et mal, félicité et adversité. Tout a versé dans le néant, qu’il soit personnel, collectif ou cosmique…. Au bout du compte tout est vide parce que tout vient du vide et conduit au vide. Tout est insignifiant, rien n’a de sens, de pertinence inaltérable. On peut se faire illusion sur le plan individuel, dans les courtes limites d’une existence de quelques dizaine d’années. On fait des projets, on les réalise plus ou moins, au prix d’un effort qui est en lui-même une récompense ou un châtiment, selon les résultats qu’il obtient. Mais à quoi bon puisqu’à la fin il faut tout lâcher….
Etre chrétien consiste à s’insurger pour créer en soi et autour de soi une vie autre. Non pas corriger, amender, améliorer la vie telle qu’elle est présentement par une morale meilleure, une orthopédie éthique qui la doterait d’une prothèse pour l’assainir.
L’insurgé pascal ne veut pas changer la vie, mais changer de vie, passer à une autre vie de même nature, de même substance, mais d’une orientation radicalement différente, d’une motivation essentiellement diverse. »
Enfin pour terminer, voici une page poignante sur la vie affective et sexuelle du couple ; avec des mots d’une extraordinaire densité, il montre comment la vie matrimoniale est enracinée dans le mystère pascal, dans l’évènement de Jésus qui se donne pour la multitude, qui donne sa vie, qui meurt et qui ressuscite, qui engendre à la vie.
« …L’onanisme pour tous, voilà l’horizon indépassable de la culture érotique contemporaine, quand elle se réduit à la consommation solitaire et masturbatoire de la plus éblouissante grâce que Dieu ait donnée à l’homme de se créer par le passage en l’autre, cet autre que son oblation crée. L’onanisme et stérile. L’érotisme et fécond. Sa logique est non seulement de créer les deux partenaires l’un par l’autre, mais d’engendrer par cette création réciproque un tiers naissant. Avec lui s’incarne de la façon la plus littérale la nature trinitaire de l’amour. La dualité ne suffit pas à définir l’amour. Il faut être trois pour aimer. Le tiers intervenant garantit l’altérité parfaite de l’échange nuptial. Il n’y a plus de risque d’aller-retour entre les deux amants, de danger de récupération de soi, par le biais d’autrui. Chaque amant sort vraiment de soi, et leurs deux personnes évanouies et données chacune à l’autre engendrent vraiment un autre absolu, indépendant de ses géniteurs et qui est l’œuvre de leur abolition conjuguée. L’enfant n’est pas une suite facultative de l’offrande mutuelle des amants, mais son fruit. Il est l’issue normale des noces. Il en réalise concrètement le sens, même il n’en épuise pas le vœu qui lui est antécédent et qui est d’abord l’abandon réciproque de chaque amant au profit de l’autre, dans une expérience spirituelle de communion où ils échangent leur pouvoir de générer autrui. »
Je vous encourage à le lire !
Quelle vie !!!!!
Bonne lecture !
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