Un lavabo en guise de tonneau… Ou la recette d’une cuvée exceptionnelle.
- bohleremmanuel
- 23 nov. 2020
- 3 min de lecture
Commentaire de l’Evangile des Noces de Cana, entendu le 2ème dimanche du Temps Ordinaire, le 20 janvier 2013 (Jn 2, 1-11). Publié au sein du journal hebdomadaire « L’Ami Hebdo », en date du vendredi 18 janvier 2013.

Jésus est-il un sommelier amateur ou professionnel ?
Que dire de l’Evangile de Jean… Toujours un petit pincement au cœur lorsqu’il faille le commenter, tant il est incarne la beauté, par lui-même ! Et le récit des Noces de Cana ne peut se comprendre que dans cette logique « esthétique ».
L’Evangile, comme un chant est entonné par son célèbre « prologue », qui à la manière du Livre de la Genèse, nous place dans le mystère d’une Création. La naissance du Fils éternel du Père, du Verbe de Dieu, est l’aube d’un monde nouveau. Et cette nouvelle Genèse est placée dans l’évènement baptismal de Jésus. Curieusement l’évangéliste Jean est le seul qui ne le raconte pas mais qui au contraire, nous « plonge » dans un mystère ! Ce mystère demeure quant à l’évènement même du Baptême de Jésus.
En fait, on commence par le témoignage de Jean lorsqu’on est venu lui demandé s’il était le Christ… Le lendemain ce dernier désigne celui qu’il a baptisé, comme étant Celui dont il a porté témoignage, mais sans connaitre le jour où il l’a baptisé… Comme si ce dernier avait été baptisé, sans que personne ne le remarque, un peu à la manière de l’Epiphanie où lorsque les mages sont venus à Jérusalem, personne n’était au courant que le Messie était né… Le lendemain, Jean le Baptiste désigne Jésus. André et Jean qui sont présents désirent le suivre. Dans sa joie, André va appeler Pierre qui va le suivre… Le lendemain, Jésus part pour la Galilée, Philippe suis Jésus, et va appeler Nathanaël… Trois jours plus tard a lieu ce mariage à Cana en Galilée. Dans cette vision de « nouvelle Genèse », les Noces de Cana clôturent cette semaine, et représentent un sommet, un « épilogue ».
A travers ce récit, on aurait presque l’impression d’y voir, d’y entendre une métaphore d’un baptême… Déjà à cause de ces 6 cuves d’ablutions rituelles qui permettent de dénouer l’élément perturbateur du mariage, ainsi qu’à Jésus de faire son premier « signe ». Que symbolisent-elles ? Peut-être une allusion aux rites de purifications que faisaient les milieux judaïques pieux, et que l’on nomme la « mikvé ». On les faisait dans une sorte de baignoire au sein de laquelle on était immergé, pour les hommes comme pour les femmes, afin d’accomplir tous les rites de pureté. Peut-être une allusion au livre de l’Exode (30, 17) où l’on prévoyait une cuve en bronze entre la tente d’assignation et l’Autel, afin que les prêtres puissent se laver les mains et les pieds, avant d’accomplir le service divin. Bref, dans l’un et l’autre cas, ce mariage semble bien plus qu’un mariage, étant donné l’absence remarquée du marié.
Jésus demande au serviteur de remplir ces 6 cuves comme s’il s’agissait d’un rite de purification… Echo baptismal ? Puis il demande d’en amener, comme en offrande, le contenu (c’est-à-dire de l’eau) au Maitre du Repas qui découvre le premier qu’il s’agit de Vin… Mariage aux accents d’un service cultuel ?
Lorsque le Maître du Repas découvre ce Vin, et qu’il se demande d’où il provient, l’évangéliste prend soin de mentionner que seuls les serviteurs savaient d’où venait l’eau ! Le miracle remet indirectement en lumière ces 6 cuves, montrant qu’elles ne nous donnent pas que l’eau puisée, mais qu’elles deviennent un lieu de passage pour transmettre le Vin, pas n’importe lequel : celui de l’Alliance. Celui des Noces entre Dieu et son peuple. Et ce sont les serviteurs qui accomplissent ce « va et vient ».
Nous avons l’entrée en scène des éléments, pour comprendre ce qui se passera le Jeudi-Saint… Jésus prendra un bassin, le remplira d’eau, et consacrera le geste du Serviteur pour laver les pieds de ses disciples, avant de passer à Table. Ce qui préparera le Vendredi Saint, où sur la Croix couleront, de celui qui est devenu par amour le Serviteur Souffrant, le sang de l’Alliance Nouvelle et l’eau. Aux Noces de Cana, nous avons une première initiation pour apprendre à voir, à entendre et à comprendre le mystère même de notre Salut, qui pour nous s’est actualisé lors de notre Baptême.
A ces 6 cuves… Signe d’imperfection… Elles n’étaient peut-être guère propres, et l’eau qu’elles contiennent peu claire… Et pourtant, Jésus a réussi à transformer cela en vin capiteux ! Comme quoi, rien de ce qui est sale et puant dans notre vie, n’est définitivement perdu et ne peut être purifié. Laissons Jésus à l’oeuvre!
Comments