La traversée des apparences, ou le plongeon dans la Charité!
- bohleremmanuel
- 23 nov. 2020
- 3 min de lecture
Ce texte a été publié le 12 avril 2013 pour le journal hebdomadaire « L’Ami Hebdo », à propos de l’Evangile pour le 3ème dimanche de Pâques du 14 avril 2013 (Jn 21, 1-19).

Si Jean est « le disciple que Jésus aimait », on peut dire qu’il en est de même pour la liturgie. Elle a une préférence pour Jean, car c’est lui que l’on entend systématiquement pour la plus part des jours saints : Jeudi Saint, Vendredi Saint, Dimanche de Pâques, 2ème dimanche de Pâques, et encore ce 3ème dimanche ! Il est comme un « passage obligé » pour entrer de manière originale dans le mystère pascal.
Le cycle des apparitions qu’il nous propose est instructif. En effet, Jésus apparait le jour même de la Résurrection à Marie-Madeleine. Au matin elle est la première à voir, à se convertir, et à reconnaitre le Seigneur Ressuscité tout en ayant reçu la mission de l’annoncer aux autres. Puis Jésus apparait plusieurs fois auprès de ces disciples. Tout d’abord le soir même de Résurrection, lorsqu’ils sont enfermés. Jésus leur envoi son Esprit afin qu’ils puissent perpétuer le mystère de la Miséricorde et de la Réconciliation entre Dieu et les hommes (le pouvoir des « clefs »). Cette Miséricorde a été scellée sur la Croix : c’est une Pentecôte. Puis Jésus revient une semaine plus tard, en présence de Thomas. Il invite les disciples à traverser les apparences pour « entrer » dans la vie de foi : croire au-delà des apparences ! Or c’est la vie sacramentaire qui nous permet de traverser les apparences des signes (eau, huile, pain, vin …) pour y reconnaitre la Présence agissante du Seigneur. Tel est le mystère de la sanctification…
Enfin, il y a la dernière apparition qui constitue l’extrait de ce dimanche. Il s’agit de l’épilogue de l’évangile johannique. Page la plus étonnante : une pêche miraculeuse que seul Jean a comprise pour y reconnaitre le Seigneur. Pierre qui apparemment a péché sans vêtement, va se revêtir pour plonger à l’eau… Personnellement n’importe qui aurait fait l’inverse ! Et enfin Jésus qui, au cours de ce curieux repas, demande du poisson issu de la pêche, tout en sachant qu’il va partager celui qu’il avait déjà fait griller sur le feu de braise : curieux échange ! Quelle déroute !
Tout cela est comme un résumé des apparitions précédentes. La pêche miraculeuse est l’image de la vie missionnaire et d’évangélisation de la future Eglise, tout comme Marie-Madeleine, qui la première a reçu la mission d’annoncer. Puis vient le repas où Pierre offre le poisson fruit de son travail, et reçoit en échange un autre poisson, nourriture même de Jésus. Cet « échange » manifeste ce qui se joue en chaque sacrement et en particulier l’Eucharistie : les hommes offrent le fruit de leurs travaux, et reçoivent en échange la nourriture même de Dieu qui se fait serviteur de tous. C’est « une traversée des apparences » rejoignant l’expérience initiatique de Thomas : croire en sa Présence au-delà de la vue des signes.
Après avoir été nourri par le Seigneur, Jésus pose par trois fois à Pierre la question de l’enracinement complet dans l’Amour, afin d’assumer sa vocation pastorale. Toute vocation chrétienne, prend sa source dans l’Amour et dans la Charité même de Dieu. C’est par l’Amour, avec l’Amour, dans l’Amour que nous vivons ce à quoi Dieu nous appelle ! On explose le cadre de la simple philanthropie pour entrer dans l’expérience spirituelle, et le mystère de la Volonté de Dieu pour chacun. A travers cette triple question se joue notre capacité à incarner le mystère de la foi dans l’exercice de la Charité. Vivre concrètement la Charité devient alors un lieu épiphanique! C’est par la vie dans la Charité que nous témoignons et que nous annonçons que Dieu est Amour !
En sommes avec toutes ses apparitions, Jésus laisse à ses disciples le « Testament de sa Présence ». Alors nous avons raison de chanter : « Il est grand le mystère de la foi ! ». Le dépôt du mystère de la foi est ainsi confié à l’Eglise, et elle devra en perpétuer à jamais la mémoire ! Il devra « être annoncé », devra « être célébré » au-delà des apparences, devra « être vécu » dans la Charité.
Si cette page d’Evangile est un épilogue, pour nous ce n’est qu’un commencement.
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