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Oecuménique... Vous avez dit oecuménique ? (01)

Article initialement publié le 18 janvier 2012 sur le blog collectif "Vatican II : Objectif 50 ans" dont les finalités étaient de préparer le Jubilé d'or de cet évènement majeur pour l'Eglise au XXème siècle, de promouvoir son histoire et ses textes.


Cet article propose un commentaire d'une lettre de Jean XXIII "La tunique sans couture du Christ", datée du 22 février 1959 et adressée à l'évêque de Trêves à l'occasion de la prochaine exposition de la Sainte Tunique entre le 19 juillet et le 20 septembre 1959. Le pape y expose son souci pastoral pour la question oecuménique.


La création de ce blog collectif se situait dans la dynamique de la Lettre apostolique "Porta Fidei" du pape Benoît XVI datant du 11 octobre 2011. Par cette Lettre était promulguée la prochaine "Année de la foi" qui devait s'ouvrir le 11 octobre 2012 en même temps que le Jubilé d'or de l'ouverture du Concile Vatican II.





Nous sommes aujourd’hui le 18 janvier 2012….

Et nous inaugurons la semaine de prière pour l’unité des chrétiens


Un Comité international composé de représentants du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens et de la Commission « foi et Constitution » du Conseil œcuménique des Eglises, propose chaque année un document sur un thème présenté par une équipe interconfessionnelle d’un pays.

La Pologne a élaboré cette année 2012 le parcours thématique à travers cet extrait de la première lettre de saint Paul aux Corinthiens (15, 51-58) : « Tous, nous serons transformés … par la victoire de notre Seigneur Jésus-Christ ».

Nous oublions sans doute trop vite l’impact symbolique de la date choisie par Jean XXIII pour soumettre, lors de l'allocution[1] d’un consistoire extraordinaire, le projet d'un futur Concile. C’était lors de la clôture solennelle de cette même semaine de prière pour l’unité des chrétiens… Un certain 25 janvier 1959 en la Basilique Saint-Paul-Hors-Les-Murs…


Nous avons, dans les articles précédents[2], déjà tentés de mettre en perspective ce discours et les contingences historiques de ce choix. Mais il est bon de se savoir comment la décision d’un concile avait pour objectif d’œuvrer également à l’unité des chrétiens.


Dès le 22 février 1959, en la fête de la chaire de saint Pierre, célébration au combien symbolique de la primauté de l’enseignement de Pierre et de ses successeurs, incarnant à sa façon le Magistère et le centralisme romain, Jean XXIII adresse une lettre assez émouvante à l’évêque de Trêves : « La tunique sans couture du Christ ».

En effet, ce dernier avait invité le pape pour la prochaine exposition de la « sainte Tunique » gardée en la cathédrale de Trêves, du 19 juillet au 20 septembre 1959. Le pape encouragea l’inscription de cette pratique dévotionnelle, à son souhait de la convocation du Concile. Il écrit :


"…Nous avons en effet décidé d’annoncer un Concile œcuménique qui, avec l’aide du Saint-Esprit, doit se réunir dans un proche avenir. Puisse par lui l’Eglise catholique, une et sainte, à la fois dresser un étendard et faire entendre une voix puissante invitant à rejoindre le troupeau tous ceux, qui tout en s’honorant du nom de chrétiens, ont malheureusement été séparés d’elle autrefois.[3]"


Il semble assez évident de saisir que le projet du futur concile a pour objectif une dimension œcuménique : œuvrer activement pour l’unité des chrétiens. Mais comment le comprendre tant l’ambiguïté rédactionnelle laisserait penser que Jean XXIII perçoit l’œcuménisme comme un « retour » au sein de l’Eglise Catholique de ceux qui en sont séparés. Il est impensable de tenir un tel discours aujourd’hui !

Cependant Jean XXIII, avec subtilité, demeure catholique mais ayant à coeur la question oecuménique. La nuance vient de la suite car il poursuit en écrivant :


"Il n’y a que trop longtemps que l’Eglise répand sur eux ses larmes maternelles. La tunique sans couture du Christ est l’image de l’imminente unité de l’Eglise[4]."


Ainsi, cette dévotion spirituelle devient le moyen pour lui de faire connaître une des raisons majeures de l’annonce de ce futur concile. Jean XXIII, avec le style de son temps, confère une dimension affectée à la désunion et par conséquent révèle son « intention cordiale » pour l’unité des chrétiens.

Il s’épanche davantage lorsqu’il continue ainsi :


"La maison maternelle sera d’autant plus attirante pour ceux qui sont dans l’erreur que ceux qui sont restés en son sein, et qui attendent de pouvoir étreindre leurs frères séparés, reflèteront davantage la pure lumière des vertus évangéliques[5]."

Pour ma part deux conséquences sont à tirer de cette dernière citation :

  1. D’une part, pour Jean XXIII il semble évident que l’œuvre d’unité des chrétiens passera déjà par cette « dimension cordiale ». L’expression « étreindre leurs frères séparés » en est que plus étonnante ! C’est une révolution copernicienne qu’un Souverain Pontife parle des autres chrétiens en termes de « frères séparés » ! Cette révolution est telle que Jean XXIII a réussi à dire officiellement ce qu’on lui avait conseillé de modifier. En effet l’expression « frères séparés » a été réellement prononcée le 25 janvier 1959, lors de l'allocution du consistoire extraordinaire. Mais au moment de la publication quelques mois plus tard, l’expression avait été modifiée pour ne pas employer le vocable de « frère » désignant ceux non catholiques. Être capable d’écrire cela, le jour de la fête pouvant exprimer le mieux l’interprétation « ultramontaine » de l’enseignement des successeurs de Pierre… Il fallait être libre et oser !

  2. D’autre part, Jean XXIII distingue bien entre les vertus évangéliques et les membres de l’Eglise. Ainsi, s’il doit y avoir un « retour », ce n’est pas d'abord à comprendre en termes de retour institutionnel mais plutôt comme une conversion intérieure, comme un retour réciproque aux sources qui fondent la vie de l’Eglise et des disciples du Christ, à savoir la pratique des vertus évangéliques ! Ces dernières doivent le principe organique de la démarche oecuménique. Voilà ce qui doit d’abord rayonner dans un premier temps, tant pour ceux qui sont à l’intérieur que ceux qui sont à l’extérieur de l’Eglise. N’est-ce pas déjà exprimer ce qu’il dira lors du discours d’ouverture le 11 octobre 1962, lorsque le Concile devra faire son « aggiornamento » : remettre en pleine lumière, le trésor qui la constitue : la vie selon l'Evangile.


Cette lettre montre que Jean XXIII se situe dans le sillon du Paul Couturier, prêtre français qui en 1935 se faisait l’avocat de la Semaine universelle de prière pour l’unité des chrétiens.

Une prière conçue pour l’unité que veut le Christ, par les moyens qu’Il veut. Ce christocentrisme à l’initiative de la prière pour l’unité des chrétiens se trouve exprimé avec des mots empruntant une authentique mystique baptismale puisée dans la Lettre aux Romains par le pape :


"Puissent donc les enfants de l’Eglise s’efforcer fidèlement et inlassablement d’appliquer dans leur vie, les leçons de l’apôtre saint Paul qui leur indique le chemin de la sainteté en même temps que leur but suprême : « Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ » (Rom. 13,14). Oui, que le Christ soit votre vêtement, tant dans le silence de votre cœur, que dans vos paroles et votre conduite. Que le Christ soit votre parure, avec sa modestie, sa mesure, sa prudence, son amour, sa patience dans l’épreuve, sa douceur, son sérieux, son courage. Dépouillez-vous du vieil homme (Col. 3.9). Revêtez le Christ, représentez le Christ, soyez le Christ.[6] »

Voilà comment une lettre, une modeste lettre pour un évènement local, nous permet de saisir un des objectifs de la préparation du futur concile : Œuvrer en faveur de l’unité des chrétiens.


Dans une première étape pour la prière et la dimension cordiale.

Certes ce n’est qu’une partie, une première pierre modestement posée en ce 22 février 1959. Que dire alors de l’aspect doctrinal où s’expriment les profondes divisions….


Reste donc maintenant à savoir ce que le Concile dira de l’œcuménisme et comment il proposera d’aborder la question doctrinale.


------------------------------------------------------------------------------------------------------------- [1] Jean XXIII, Allocution lors du consistoire extraordinaire, 25 janvier 1959. [2] Emmanuel BOHLER, 25 janvier 1959 : Importante décision du Saint-Père (02), article publié le 31 octobre 2011 et retravaillé le 25 juillet 2021. Mais également 25 janvier 1959 : Importante décision du Saint-Père (03), article publié le 8 novembre 2011 et retravaillé le 26 juillet 2021. [3] La Documentation Catholique, T. LVI, N°1308, 19 juillet 1959, p. 954. [4] Ibid. [5] Ibid. [6] Ibid.

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