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Il est né le divin enfant

Dernière mise à jour : 27 déc. 2021

Commentaire musical du cantique "Il est né le divin enfant"


Article publié par l’Union Sainte Cécile, dans la revue CAECILIA du Service Diocésain de Pastorale Liturgique et Sacramentelle, de musique et d’art sacré de l’archidiocèse de Strasbourg.


N°05, édition d'octobre 2021.




Au côté de la tradition des Weinachtslieder et des Christmas Carols, notre tradition française n'a pas à rougir de ses airs pour Noël !

Le lorrain Jean-Romary Grosjean (1815-1888) publia pour la première fois "Il est né le Divin Enfant" en 1862 dans un recueil d'airs des Noëls Lorrains[1]. Sa démarche de sauvegarde d'une tradition culturelle locale et vivante, héritée des anciennes pastorales de Noël, s'associa d'une démarche musicologique sur les origines des airs qu'il a compilés. "Il est né le Divin Enfant" est une ancienne sonnerie de trompes. Il s'agit de "la tête bizarde" (XVIIème siècle), connue des recueils de sonneries au temps de Louis XV[2] qui raconte l'histoire d'une chasse au cerf.


La mélodie porte les vestiges de ces sonneries avec certains intervalles caractéristiques. Par-contre il y eut un changement rythmique : d'une mesure originelle 6/8 nous sommes passés à une mesure 2/2. Curieusement les rééditions successives feront passer la mesure à 2/4 (actuellement la norme pour la version liturgique F56). Ce changement, modifiant considérablement la perception de la pulsation, atténue la dynamique folklorique et dansante pour un caractère plus religieux et posé.


Il y a 2 versions textuelles[3]. L'originale avec 6 couplets d'inspiration bucolique et pastorale (refrain "jouez hautbois, résonnez musette"). Suite au Concile, la version liturgique avec 3 couplets, plus sérieuse et théologique (refrain "Jour de fête aujourd'hui sur terre").


Injustement méprisée, la version originale est très biblique. Les bergers louent Dieu en annonçant tout ce qu'ils ont vu et entendu concernant l'Enfant (Lc 2,20), ainsi le cantique fait des chanteurs des bergers selon l'Evangile. Voyons les couplets :

1. Attente messianique selon toute l'Ecriture.

2. Avec les adjectifs beau et grâce, réécriture du Ps 44 (45),3. En regardant l'Enfant s'accomplit le verset du psaume.

3. Venue des bergers (Lc 2,12-16-17) où l'enfant est couché dans la mangeoire, mais selon la parole des anges il s'agit du Sauveur : signe éloquent de l'abaissement.

4. Annonce des bergers associée avec l'appel des Mages à venir adorer l'enfant (Mt 2,2).

5. Avec 6. Beauté et grâce du Messie manifestent sa Royauté : un règne de justice et de paix (Ps 44, 5-8). L'accomplissement de ce passage se fera dans le cœur des "bergers". Ces 2 couplets traduisent simplement l'héritage spirituelle de la naissance de Dieu dans l'âme. Jésus s'est incarné pour pouvoir naître en nous et y établir son règne. Bernard de Clairvaux appelle cela l'avènement intermédiaire[4], entre sa venue dans l'histoire et l'attente de son retour glorieux.


La version liturgique, quant à elle, est plus centrée sur le Christ.

Ses 3 couplets reprennent les thèmes des couplets 1-3-6 mais avec un accent plus johannique : Jésus est lumière parce que Verbe de Dieu (Jn 1,4-5), l'abaissement se prolongera jusqu'à la Croix (Jn 3, 13-17), l'attente de la joie du Ciel comme don du retour du Christ (Jn 16,23-28).


Quoi qu'il en soit, au XXème cet air inspira de splendides arrangements, tant pour les chœurs que l'orgue. A (re)découvrir[5] !


------------------------------------------------------------------------------------------------------------- [1] J.R. Grosjean, Airs des Noëls Lorrains, recueillis et arrangés par J Grosjean, organiste de la cathédrale de Saint-Dié, Première partie–n°20, Saint-Dié-des-Vosges, Cadet, 1862, p.11. [2]Le Ménestrel, musique et théâtre, 2861 - 52ème année – n°5, Paris, Heugel, 3 janvier 1886, p.34 : extrait du dernier d'une série de 3 articles de Julien Tiersot (1857-1936) et publiés les 20-27 décembre 1885 et 3 janvier 1886. Il s'agit d'un chapitre de son mémoire sur l'Histoire des chansons populaires en France sur les Noëls et confirmant et complétant l'analyse de Grosjean sur "Il est né le Divin Enfant". Ce mémoire sera publié en 1889 et fera référence pour l'étude musicologique du folklore musical. [3] Cf. Supplément numérique. [4] Bernard de Clairvaux, 5ème sermon pour l'avent, In : Œuvres complètes de saint Bernard, Abbé Charpentier trad., Paris, Vivès, 1866. [5] Cf. Supplément numérique où des liens sont proposés vers des enregistrements sonores et visuels.

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